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HÉBRAÏQUES (VERSION DU NOUVEAU TESTAMENT) — HÉBREU

2. hébraïques (versions) du nouveau testament.

D’après la tradition, l’Évangile de saint Matthieu fut écrit primitivement en hébreu, mais par « hébreu » il faut entendre l’araméen parlé au temps de Notre-Seigneur. Voir Matthieu. Sébastien Münster, en 1537, publia une traduction, qu’il avait découverte, de notre premier Évangile, en ancien hébreu ou plutôt en hébreu rabbinique, sous le titre de תורת המשיח, Tôraṭ ham-mašîaḥ. Le nom du traducteur était alors inconnu ; on sut plus tard qu’il s’appelait Schemtob Isaac. Son œuvré faite directement sur la Vulgate ou sur une version italienne, abonde en barbarismes et en solécismes. Elle eut néanmoins plusieurs éditions et l’on ajouta à l’une d’elles une version hébraïque de l’Êpitre aux Hébreux. Une nouvelle édition, d’après un manuscrit provenant d’Italie et meilleur que celui de S. Münster, fut donnée à Paris, en 1555, par Tillet, évêque de Saint-Brieuc, avec une version latine de Mercier. Herbst l’a rééditée sous ce titre : Des Schemtob ben-Schaphrut hebräische Uebersetzung des Evangeliums Matthæaei nach den Drucken S. Münster und J. du Tillet-Mercier, Gœttingue, 1879. — Les quatre Évangiles, traduits en hébreu classique, furent publiés à Rome, en 1668, par un Juif converti, originaire de Safed en Galilée, Giovanni-Batista Giona. — La première traduction complète du Nouveau Testament fut faite par Elias Hutter, et publiée en 1600 à Nuremberg dans sa Polyglotte. Voir Hutter. Cette œuvre n’est pas sans mérite. W. Robertson en a donné une édition revisée à Londres, en 1666. — R. Caddock publia à Londres, en 1798, un Corrected New Testament in Hebrew. — La Société biblique de la Grande-Bretagne publia une version nouvelle en 1818 et en 1821. Elle fut revue en partie par Gesenius et Joachim Neumann, et éditée par Greenfield, en 1831, dans la Polyglotte de Bagster. Une nouvelle édition revue par Mac Caul, S. Alexander, J. G. Reichardt et S. Hoga, parut également à Londres, en 1838. Dans le but de l’améliorer davantage, C. Reichardt et R. Biesenthal se remirent à l’œuvre, en 1856, et publièrent, en 1866, une édition avec voyelles et accents. Franz Delitzsch s’efforça de perfectionner encore cette version. La Société biblique édita son travail en 1877 ; puis, après qu’il eut été retouché en prenant pour base le textus receptus de l’édition Elzévir de 1624, en 1878 ; plusieurs éditions ont paru depuis. — Voir Frz. Delitzsch, The Hebrew New Testament of the British and Foreign Bible Society, in-8°, Leipzig, 1833. Voir Delitzsch, t. ii, col. 1342.

1. HÉBREU (hébreu : ‘Ibrî ; féminin : ‘Ibriyyâh ; pluriel : ‘Ibrîm, ‘Ibriyyôṭ ; Septante : Ἑβραῖος, Ἑβραϊκός ; Vulgate : Hebræus, Hebræa, Hebræi, Hebraicus), nom ethnique donné d’abord à Abraham, Gen., xiv, 13, et plus tard à ceux de ses descendants qui étaient issus de Jacob. Gen., xxxix, 14 ; Exod., i, 15, etc.

I. Ethymologie.

Il existe plusieurs explications de l’origine de ce mot.

1° D’après la tradition rabbinique, Midrasch, Bereschith Rabba  ; Aben Esra, In Exod., xxi, 2, les Chananéens auraient surnommé Abraham ‘Ibrî, parce que c’était un émigrant qui venait d’au delà (‘êbér) du fleuve de l’Euphrate. Déjà les Septante acceptaient cette étymologie puisqu’ils ont traduit hâ-‘Ibrî, Gen., xiv, 13, par ὁ περάτης, « celui d’au delà. » De même Aquila : ὁ περαΐτης. (Le jeu de mots ‘Ibrîm ‘âberu, « les Hébreux passèrent » le Jourdain, I Sam., xiii, 7, ne prouve rien dans la question présente.) Cf. Gesenius, Geschichte der hebraïschen Sprache und Schrift, in-8°, Leipzig, 1815, p. 9-12. Cette explication a été acceptée par Origène, Hom. xx in Num., 4, t. xii, col. 725 ; S. Jean Chrysostome, Hom. xxxv in Gen., 3, t. liii, col. 326 ; Théodoret, Quæst. lxi in Gen., t. lxxx, col. 165 ; S. Jérôme, Lib. heb. quæst, in Gen., xiv, 13, t. xxiii, col. 960.

2 » Une seconde explication fait dériver « hébreu » du nom d’Héber, un des ancêtres d’Abraham. Gen., x, 24-25. Voir Héber1, col. 463. Ce qui peut la confirmer, c’est que Sem est appelé, Gen., x, 21, « le père de tous les benê-‘Éber, » et que, dans ce passage, benê-‘Éber est évidemment une désignation indiquant la descendance d’Héber, comme ailleurs Benê-Isrâ’êl désigne les descendants d’Israël ou Jacob. Josèphe adopte cette étymologie dans ses Antiquités judaïques, I, vi, 4. Voir aussi Eusèbe, Præp. ev., vii, 6 ; x, 14, t. xxi, col. 516, 837 ; S. Augustin, De Civ. Dei, xvi, 3, t. xli, col. 481.

3° Personne ne soutient plus aujourd’hui l’opinion émise par Charax de Pergame : Ἑβραῖοι. Οὕτως Ἰουδαῖοι ἀπὸ Ἀβραμῶνος. « Hébreux. On appelle ainsi les Juifs du nom d’Abramôn (Abraham). » Dans C. Mûller, Historicorum Græcorum fragm., 49, édit. Didot, t. iii, p. 644. Nous la retrouvons dans l’Ambrosiaster, Comm. in Ep. ad. Philipp., iii, 5-7, t. xvii, col. 415, et dans S. Augustin, Quæst. in Gen., 24 (dubitativement), t. 552 ; cf. De consens. Evangelist., i, 14, t. xxxiv, col. 1051 ; mais ce Père l’a abandonnée dans ses Rétractations, ii, 16, t. xxxii, col. 636, et De Civ. Dei, xvi, 3, t. xli, col. 481. Sans compter les difficultés philologiques d’une pareille étymologie, Abraham étant appelé « l’Hébreu » dans la Genèse, xiv, 13, ce titre ne peut être une dérivation de son nom.

4° La forme grecque Ἑβραῖος et la forme latine Hebræus ne dérivent pas directement de l’original ‘Ibri, mais de la forme araméenne intermédiaire עִבְרַאי, ‘Ibra’i.

II. Emploi du mot Hébreu dans l’Ancien Testament et dans les auteurs profanes.

1° Le nom d’Israël et d’Israélite fut plus employé après l’Exode que celui d’Hébreu pour désigner les descendants de Jacob, voir Israélite ; mais les écrivains grecs et latins ne les appelèrent jamais de ce dernier nom ; ils les nomment toujours Hébreux ou Juifs. Lucien, Alexander (dial. xxxii), 13 ; Pausanias, IV, xxxv, 9 ; V, v, 2 ; vii, 4 ; VI, xxiv, 8 ; VIII, vii, 4 ; X, xii, 9 ; Plutarque, Symp., IV, vi, 1 (édit. Didot, Moralia, t. ii, p. 815) ; Ptolémée Chennos, dans Photius, Biblioth., 190, t. ciii, col. 625 ; Charàx de Pergame, dans Müller, Hist. græc. fragm., 49, édit. Didot, t. iii, p. 644 ; Porphyre, Vita Pyth., 11, édit. Didot (à la suite de Diogène Laërce), p. 89 ; Tacite, Hist., v, 2. Voir aussi Th. Reinach, Textes d’auteurs grecs et romains relatifs au judaïsme, in-8°, Paris, 1895, p. 65, 286. Josèphe lui-même appelle ses compatriotes « Hébreux » (ou Juifs), non Israélites. Ant. jud., I, vi, 5, etc. Une inscription trouvée à Rome porte : συναγωγή Αἰβρέων. Corpus inscript. græc., ii. 9902 ; E. Schürer, Geschichte des judischen Volkes, 3e édit., t. iii, 1898, p. 46 ; Berliner, Geschichte der Juden in Rom, 2 in-8°, Leipzig, 1893, t. i, p. 64. Nous avons vu à Corinthe en 1899 un linteau de porte que les Américains venaient de découvrir dans leurs fouilles et qui porte un fragment d’une inscription identique : [Συνα]ΓΩΓΗ ΕΒΡ[αιων].

2° C’est un problème non encore complètement résolu si le nom des Hébreux se retrouve sur des monuments profanes plus anciens que ceux des Grecs et des Latins.

1. Un égyptologue français, Fr. Chabas, a cru reconnaître les ‘Ibrim dans les Aperi-u ou Aberi-u des documents égyptiens. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes', 6e édit., 1896, t. ii, p. 258-261. Cette identification, d’abord admise par plusieurs égyptologues, est aujourd’hui généralement rejetée. M. Fr. Hommel la défend néanmoins dans son Altisrælitische Ueberlieferung in inschriftlicher Beleuchtung, in-8°, Munich, 1897, p. 258-259.

2. Les lettres assyriennes trouvées à Tell el-Amarna mentionnent des Abiri ou Khabiri. Le roi de Jérusalem Abdkhiba écrit à son suzerain le pharaon Amenhotep que le sud de la Palestine, le Négeb, la plaine maritime ou la Séphélah et la région connue plus tard sous le nom de tribu de Juda, est infestée par les Abiri. Ils ont poussé l’audace jusqu’à assiéger Jérusalem. Le roi chananéen demande des secours