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hébraïque (langue)


documents en diverses familles. Ce travail de fixation fat complété pendant l’âge talmudique (du IIe siècle au rv « ) par une étude très approfondie et très minutieuse des particularités grammaticales et orthographiques du texte (matres lectionis, écriture pleine, écriture défective ; petites lettres, grandes lettres, lettres surmontées de points, etc.), sur la computation du nombre des versets de la Bible et même des mots et des lettres, sur la détermination du qerî el du ketïb, la division du texte en sections et en phrases pour la lecture publique, etc. Mais il ne suffisait pas de préserver le texte contre tout danger de corruption à l’aide de précautions infinies : il fallut en arrêter la lecture. Comme on l’a vii, le texte hébreu ne portait que des consonnes. Le lecteur suppléait aux voyelles selon le sens et le contexte. Un tel procédé présenta de grandes difficultés dès que l’hébreu cessa d’être langue parlée. Aussi de très bonne heure se préoccupa-t-on d’indiquer au moins les voyelles principales. L’attention se porta d’abord sur les voyelles longues. Assez longtemps avant l’ère chrétienne, peut-être même avant la version des Septante, on les indiquait déjà au moyen des lettres quiescentes : N et n servaient à la fin des mots à indiquer les voyelles longues â (ê, ô) ; ~ servait, dans le corps des mots et à la fin, à indiquer la voyelle û long (et ô long) ; > servait à marquer i long (et parfois ê long). Ces lettres quiescentes étaient de la plus grande utilité ; sans elles en effet les formes grammaticales les plus nécessaires à distinguer étaient confuses. Les formes verbales qdtal et qâtelû se confondaient ; indiquée seulement par d, la désinence im du pluriel masculin ne différait pas de la désinence âm du suffixe masculin pluriel, etc. Toutefois cette introduction des lettres quiescentes ne se fit ni d’une façon officielle ni d’une manière uniforme. Il n’y eut à ce propos aucune préoccupation d’unifier les manuscrits. Laissé à peu près à la libre initiative de chaque scribe le procédé fut diversement appliqué. Les manuscrits dont se servaient les Septante avaient sûrement des lettres quiescentes : mais la différence qui existe entre certaines leçons de la traduction alexandrine et le texte massorétique ne s’expliquent que par l’absence de règles fixes dans l’introduction de ces quiescentes : cf. par exemple Ps. cm (civ), 18, l’hébreu d’wd, « cyprès, » et le grec r^âxtti aù-côv, own ; on peut conjecturer que le texte primitif ne portait que Dtina. Ce système était appliqué d’une manière assez irrégulière, et avec plus ou moins de discernement selon le degré d’intelligence des copistes ; au fond c’était déjà une interprétation du texte. Surtout ce système était loin de représenter toutes les voyelles du texte et de répondre à toutes les exigences de la lecture publique. Néanmoins aucun perfectionnement n’y fut apporté, ni pendant la période de fixation du texte, ni même probablement durant l’âge talmudique ; du moins si certains signes furent alors introduits autour du texte, ils furent très peu nombreux. Le système actuellement en vigueur pour l’indication des voyelles hébraïques ne remonte qu’à la période massorétique ( vie â xie siècle).

Étymologiquement le mot « massore » semble vouloir dire « tradition s, de la racine talmudique masar. Dans son acception primitive et générale, ce mot désigne les résultats du travail auquel la tradition juive a soumis le texte biblique après sa fixation, soit afin de prévenir les altérations dont les copistes pouvaient se rendre coupables et les divergences qui en pouvaient résulter, soit pour déterminer la lecture exacte de l’Écriture. Ainsi entendu le nom de « massorétique » peut aussi bien s’appliquer à l’âge talmudique qu’aux siècles qui l’ont suivi. Toutefois on réserve plus spécialement ce nom de massorétique à la période durant laquelle les observations léguées par l’époque talmudique au sujet du texte sacré ont été mises par écrit (durant l’âge talmudique, on disait : ce qui est transmis par la tradition orale ne doit pas

être écrit), durant laquelle aussi le système de la vocalisation et de l’accentuation du texte sacré a été élaboré (vie à xie siècle).

Le système des voyelles et des accents massorétiques est, on le sait, très compliqué. Il n’est pas l’œuvre d’un savant qui l’aurait inventé de toutes pièces ou d’une commission qui en aurait discuté les principes. Sans doute nous n’avons pas de documents positifs qui nous permettent de tracer l’histoire précise de cette invention, pas de manuscrits qui en représentent les diverses phases. Mais nous savons d’une façon certaine comment s’est peu à peu élaboré un autre système de vocalisation très voisin, quant à la date et quant au procédé, du système adapté à la Bible par les massorètes, à savoir le système des syriens orientaux ; et il n’y a pas de témérité à penser que le système des voyelles hébraïques, comme celui des voyelles syriennes, est le fruit d’une évolution lente et graduelle. — Tout d’abord les massorètes se sont gardés de ne rien changer aux consonnes du texte ; et ils ont porté le scrupule jusqu’à ne jamais introduire de nouvelles lettres quiescentes pour l’indication des voyelles longues, quand leurs manuscrits en manquaient ; ils ont préféré marquer î long et û long par les signes de i bref et de « bref. Il est probable qu’à l’origine un point indiquait, selon les positions qu’il occupait : le redoublement des lettres ou l’aspiration des muettes (quand il était à l’intérieur des consonnes), la différence de prononciation du tJ et du tir, et puis certaines voyelles (â, ô, quand il était au-dessus de la lettre ; i, ê, quand il était au-dessous). Au simple point on ajouta la combinaison de plusieurs points en groupes pour distinguer ê long et é bref, u bref et û long ; même pour le son a, on introduisit le trait horizontal, que l’on combina ensuite avec le point (selon la forme primitive du kamets _) pour distinguera long

(et o bref) de a bref. Le système alla se développant et se précisant, de façon à reproduire aussi exactement que possible toutes les nuances de la prononciation des voyelles hébraïques, des semi-voyelles elles-mêmes. Toutes ces dispositions du point, au-dessus, au-dessous et à l’intérieur des lettres, tous ces groupements de points, toutes ces combinaisons du point et du trait aboutirent à un système dans lequel on distinguait cinq voyelles longues, cinq brèves et quatre semi-voyelles. Pour compléter le travail destiné à fixer la lecture du texte sacré, les massorètes ajoutèrent aux signes qui indiquaient la prononciation des consonnes et des voyelles, d’autres signes destinés à marquer les coupures de la phrase ; développé, lui aussi, par une série d’essais successifs, le système de l’accentuation massorétique arriva, avec le temps et par degrés, à sa forme définitive. Cette ponctuation et cette accentuation furent d’abord appliquées à la Loi, mais on l’étendit ensuite à toute la Bible.

Tel est le système massorétique tel qu’on le trouve aujourd’hui encore dans nos Bibles hébraïques. A quelle date doit-on le faire remonter ? Il semble difficile d’en placer les premiers essais avant le VIe siècle. Il y a trop de différences entre les transcriptions des Hexaples et la vocalisation de nos Bibles hébraïques pour qu’Origène ait pu connaître la ponctuation massorétique même dans ses premiers éléments. Saint Jérôme paraît également l’avoir ignorée tout à fait, bien qu’à son époque la prononciation massorétique fût en grande partie fixée par la tradition orale. Le fait que la synagogue, fidèle aux traditions de l’âge talmudique, ne fait usage que de manuscrits sans voyelles nous invite à placer au VIe siècle les premiers essais d’un système de vocalisation massorétique ; c’est d’ailleurs le moment où se constitue la massore syrienne qui semble avoir exercé son influence sur la massore hébraïque. D’autre part, au moins en ce qui regarde Je système de vocalisation, il ne faut pas faire descendre bien au delà de la seconde moitié du viiie siècle son complet développement. Au