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HAUTS-LIEUX


mais l’endroit que Jéhova, votre Dieu, aura choisi parmi toutes les tribus, vous le rechercherez et vous y viendrez. » Deut., xii, 2-5. — Cette législation comprend deux parties : — 1. injonction absolue de détruire tous les édifices ou objets ayant servi au culte des idoles ; de débaptiser les lieux eux-mêmes pour effacer la mémoire d’un culte superstitieux ; — 2. défense d’offrir à Jéhovah des sacrifices en dehors d’un lieu unique, à partir d’une époque encore vague qu’une révélation ultérieure devait déterminer. Voir Sanctuaire (Unité du). — La première injonction est formelle. Elle est répétée, en termes presque identiques, en d’autres endroits du Pentateuque, Deut., vii, 5 (destruction des autels idolâtriques, des massèbâh, des’â&érâh et des statues) ; Exod., xxiii, 24 (destruction des massèbâh) ; Exod., xxxiv, 13 (destruction des autels, des massèbâh et des’âSérâh) ; Num., xxxiii, 52 (destruction des images, maikîyôf, des statues de métal fondu, salmê massékôf, et enfin des Hauts-Lieux, bâmôf). Il peut être intéressant de noter que, dans ce dernier passage, le seul où les Hauts-Lieux soient proscrits sous leur nom technique de bdmôp, Moïse ne dit pas : « Détruisez tous les Hauts-Lieux, » comme la Vulgate le donnerait à entendre, omnia excelsa vastate, mais bien : « Détruisez tous leurs Hauts-Lieux. » Ce ne sont pas les Hauts-Lieux en eux-mêmes qui sont réprouvés, mais les Hauts-Lieux de Chanaan. Cf. Lex mosaica, or The Law of Moses and the Higher Criticism, Londres, 1894, p. 266 et 502. — La seconde clause est beaucoup moins Claire. D’après la tradition talmudique, elle ne devait entrer en vigueur qu’après la construction du Temple. Quoi qu’en pensent un certain nombre d’exégètes catholiques, cette interprétation est beaucoup plus conforme soit au texte du Deutéronome, soit aux passages de l’Écriture qui l’expliquent ou y font allusion. Voyons d’abord comment l’entendit la coutume, qui a force de loi lorsqu’elle se fait l’interprète de la loi. Sur les différents sentiments des catholiques à cet égard, cf. de Hummelauer, Comment, in libros Samuelis, p. 93-95.

2° Les Hauts-Lieux depuis Moïse jusqu’à la constniction du Temple. — Les Hébreux ne furentpas toujours fidèles à détruire les autels des idoles. Tud., ii, 2. Ce fut une des suites de leur tolérance à l’égard des peuples vaincus. Cette tolérance devait les perdre. Jud., Il, 3. Tls firent disparaître, il est vrai, les monuments préhistoriques, dolmens, menhirs, cromlechs, cairns, etc., associés non sans raison au culte des idoles. On n’en rencontre aucun en Judée, un seul douteux en Samarie, un de médiocre importance dans la Basse -Galilée et quatre dans la Haute. Au contraire, ils sont fréquents dans la Syrie, au delà du Jourdain, sur les montagnes de Galaad et surtout dans le pays de Moab, où les explorateurs anglais en comptèrent, en 1881, plus de sept cents. C. R. Conder, Heth and Afoab, 3 8 édit., 1892, p. 197, 271. Dans la Palestine proprement dite, ils doivent avoir été détruits systématiquement et, ce qu’il y a d’étrange, c’est qu’ils l’aient été dans la Samarie schismatique et la Galilée à moitié infidèle. Les critiques pour lesquels le Deutéronome remonte seulement à l’an 622 et le Code sacerdotal à l’an 444 ont à expliquer cela. — La loi mosaïque eut donc un commencement d’exécution. Mais, en épargnant des populations imprégnées de paganisme, les Juifs perpétuaient au milieu d’eux des foyers d’idolâtrie. Les Hauts-Lieux, détruits aujourd’hui, se relevaient le lendemain. Nous avons vu plus haut combien sont tenaces les coutumes populaires. Aussi, dans tout l’Ancien Testament, nous entendons parler sans cesse des Hauts-Lieux chananéens et du culte infâme qui s’y pratiquait.

Du reste, les Juifs ne s’interdisaient pas non plus d’adorer Jéhovah sur les hauteurs. Eux aussi avaient leurs Hauts-Lieux qu’ils regardaient comme légitimes. Quand Saûl vient à Rama consulter Samuel, on lui annonce

que le prophète ne tardera pas à paraître, car il doit y avoir un sacrifice solennel sur le Haut-Lieu. Le mot bâmâh est répété cinq fois dans ce contexte, sans que l’auteur sacré manifeste la moindre surprise. I Reg., ix, 12, 13, 14, 19, 25. On dit que Samuel étant prophète pouvait autoriser, par exception, les sacrifices sur les Hauts-Lieux. Hais ceci n’a pas l’air d’une dérogation. C’est une chose usuelle à laquelle tout le peuple s’attend.

— La vraie raison qui autorisait le culte des Hauts-Lieux nous est donnée par le livre des Rois. « Le peuple sacrifiait sur les Hauts-Lieux, car on n’avait pas bâti jusqu’alors de temple au nom de Jéhovah. Or, Salomon aimait Jéhovah et suivait les voies de David, son père ; mais il sacrifiait et brûlait de l’encens sur les Hauts-Lieux. II alla donc à Gabaon pour y offrir des sacrifices ; car c’était là le Haut-Lieu principal (hab-bâmâh hag-gedôlâh). Salomon offrit mille holocaustes sur cet autel. Et Jéhovah apparut en songe à Salomon, la nuit, » etc. III Reg., m, 2-5. Puisque Gabaon était le Haut-Lieu principal, il y en avait d’autres, où le peuple immolait ses victimes, sans que l’écrivain sacré y trouve rien de répréhensible.

— Salomon est favorisé d’une vision divine après son sacrifice. Le culte sur les Hauts-Lieux était donc alors légitime, à condition d’avoir Jéhovah pour objet, et l’auteur inspiré nous dit expressément pourquoi : Parce qu’on n’avait pas encore bâti de temple à Jéhovah ; en d’autres termes : Dieu n’avait pas encore déterminé lé lieu du sanctuaire unique, II Reg., vii, 6, 7 ; III Reg., vin, 16, et la loi du Deutéronome, xii, 5, 11, n’avait pas encore à recevoir son application. En attendant, on restait sous le régime de la première loi du Sinaï, Exod., XX, 24, 25 ; car la législation plus rigoureuse du Lévitique, XVII, 3-9, avait été abrogée, expressément pour une partie et équivalemment pour l’autre. Deut., xii, 10-15. Ceux qui maintiennent dans sa rigueur la loi du Lévitique ne font pas attention que les Juifs ne la connaissaient pas avant Salomon. Quand Absalom dit à son père qu’il a fait vœu d’aller à Hébron offrir des sacrifices à Jéhovah, le saint roi David n’y voit rien que de très naturel : Va en paix, répond-il à son fils. II Reg., XV, 7, 9. Cf. I Reg., xx, 29, où il est question d’un sacrifice de famille à offrir à Bethléhem le jour de la néoménie. Les partisans de cette opinion ne remarquent pas non plus que si la loi du Lévitique avait été en vigueur, entre l’occupation de la Terre Promise et la construction du temple, les sacrifices offerts devant l’arche d’alliance séparée du tabernacle auraient été illicites, ce que personne n’a jamais prétendu. En effet, le texte du Lévitique est formel, xvii, 9. Ce n’est pas devant l’arche, c’est expressément devant l’entrée du tabernacle, pas ailleurs, que la victime doit être immolée, pour se conformer à cette prescription. Du reste, nous savons pourquoi Gabaon était au temps de David et de Salomon le grand Haut-Lieu, non pas le seul mais le principal. C’est que le tabernacle s’y trouvait. I Par., xvi, 39 ; xxi, 29 ;

II Par., i, 3, 13. Il fallait donc, comme nous l’enseigne l’auteur des Paralipomènes, qu’on y immolât le sacrifice perpétuel et qu’on y célébrât le culte public. IPar, , xvi, 39. C’est ce qu’on avait fait toujours, là où se trouvait le tabernacle, à Silo d’abord, puis à Nobé.

Voici d’ailleurs la liste des Hauts-Lieux de Jéhovah, en entendant ce mot non d’Un autel érigé, en passant, pour une circonstance particulière, mais d’un sanctuaire stable, où l’on se rendait à des époques fixes, pour y rendre un culte au vrai Dieu. — 1. Gabaon, le Haut-Lieu principal, appelé cinq fois du nom technique de bâmâh,

III Reg., iii, 4 ; I Par., xvi, 39 ; xxi, 29 ; II Par., i, 3, 13. — 2. Rama, partie de Samuel, dont le bâmâh est mentionné en propres termes cinq fois de suite. I Reg., ix, 12, 13, 14, 19, 25.-3. Gabaath-Élohim, où Saûl rencontre le cortège des prophètes descendant du bâmâh. I Reg., x, 5, 13. — Six autres localités, sans porter dans l’Ecriture le nom de bàmâh, en vérifient la définition. Ce