Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/205

Cette page n’a pas encore été corrigée
379
380
HABACUC


p. 77-79). Il ne touche aucun mot du texte, sinon pour donner à quelques-uns une forme plus pleine ; ainsi il écrit : ꝟ. 12 b gevajim pour gôîmi, ꝟ. 15 b rebâbîm pour rabbîtn, ꝟ. 16' vetachtajja pour vetafyfai, ꝟ. 17° tepârach pour fifr&h et ꝟ. 17e ma’assajja pour ma'âséh, Et il se justifie de ces modes d'écrire par des règles générales, p. 18, 21, 24, 27. G. Bickell agit plus librement. Il avait d’abord établi 65 heptasyllabes et 12 strophes avec peu de corrections (Metrices bibliese Regulx, Inspruck, 1879, p. 11-13), mais ensuite il s’en tint à Il strophes de 3 distiques heptasyllabiques (Carmina Veteris Testamenti metrice, p. 213-214). Il ajoute un vers 12e, trois parties de vers 9e, 11e, 19 b, trois mots 14e, 16 d et 19°, et fait quelques autres corrections. Il retranche à tort comme insignifiant 4 1 et comme inutile S>>. Tout cela n’est pas également probable, d’autant plus que certaines mutations sont inspirées par le désir d’obtenir des strophes régulières. Plusieurs cependant s’appuient sur le contexte et le grec. Il nous paraît d’une sage critique d’adopter le texte de G. Gietmann en corrigeant ainsi selon G. Bickell ses corrections : ꝟ. 12 b lire « beafkâ » et laisser « gôîm », ꝟ. 15 b lire « behomér » et laisser « rabbîm », ꝟ. 16 ajouter « 'aSûri » et laisser « vetahtai », enfin ꝟ. 17e lire « haz-zait » et laisser « ma'âsêh ». Cf. Knabenbauer, p. 120, 121. Un écrivain récent applique à cette poésie la théorie du P. Zenner sur la forme chorale attribuée à des psaumes. Il y distingue deux strophes, deux antistrophes et une strophe alternante. Les strophes et les antistrophes sont régulières et se répondent, sens et forme. Mais la strophe alternante offre un ordre de vers très troublé et parait avoir souffert dans sa transcription actuelle. Il propose donc la division chorale suivante :,

Strophe, 2, 3-. Antistrophe, 3°, 4, 5.

Strophe alternante, trois alternes : a) 6. 9 10. b) 7, 8°. 11, 12. c)

Stropne, 14, 15, 16. Antistrophe, 17, 18, 19. [8°, 9'. 13.

Voir Condamin, dans la Revue biblique, janvier 1899, p. 133-140. Le système est vraiment ingénieux, mais il faut regretter qu’il ne soit pas suffisamment prouvé. Ici, en particulier, l’arrangement de la strophe alternante est par trop subjectif, je crois. Quoi qu’il en soit, l'éloge de ce petit poème n’est plus à faire. On l’a exalté à l’envi. Pensées élevées, style et expressions sublimes, images hardies, audacieuses même, prises à la nature et à l’histoire populaire, passions variées et étonnamment profondes, tout tend à faire de cette ode « l’une des plus partàites qui existent ». R. Lowth. Tel n’est pas, toutefois, le jugement de plusieurs modernes. « Ce psaume indiscrètement loué, dit H. Cornill, Einleitung, p. 195, est de la rhétorique pure : on y chercherait en vain une claire progression dans la pensée et une situation historique précise. Il ne saurait être du prophète, n’ayant pas d’analogie dans toute la littérature de son temps. Les idées exprimées sont celles des apocalypses à couleur eschatologique. Quant au style, c’est le style artificiellement archaïque des vieilles pièces qu’on lit Deut., xxxii ; II Reg., xxiii, 1-7 ; Ps. lxviii et xc. L’inscription de ce dernier se retrouve dans le cantique. » Cf. E. Reuss, Les Prophètes, t. i, p. 396. Voir, au contraire, S. R. Driver, An Introduction, 1891, p. 317 ; Frz. Delitzsch, Der Prophet Habakkuk, p. xii, xiii, 118-125.

III. Doctrine du prophète.— « Habacuc, qui est comme apparié à Nahum…, appartient commelui aux prophètes du groupe isaïen. » Frz. Delitzsch. Tout son livre en effet est écrit — avec des différences accidentelles, qui viennent de la mesure du don reçu — sur le thème commun à ce groupe : a) que le peuple est coupable ; 6) qu’il sera, puni par les Chaldéens suscités de Dieu et c) que les Clialdéens seront punis à leur tour, et, par là même, Israël délivré. L’intervention divine, dans ce conflit, est exprimée ex profeiso. Et telle est l’ampleur de conception de la poésie qui la raconte, iii, qu’elle oblige à

admettre, par-dessus la libération chaldéenne, des jugements et des délivrances futures plus suprêmes. Il ne parait pas cependant que 'et meUlfèkâ, iii, 12, se doive entendre du Messie, au moins au sens littéral. Knabenbauer, p. 112. Mais à passer plus avant, le nœud de toute la prophétie, comme du livre, se trouve dans le preverbe ii, 4, qu’il faut expliquer :

Les versions, un peu différentes, dans 4 a surtout, donnent finalement le même sens. Knab., p. 76-77 ; Frz. Delitzsch, p. 48-49. Il y a là deux parallèles antithétiques, dont l’un (4°) inachevé est complété par l’autre. Qui a l'âme enflée d’orgueil ['uffelâh= tumefacta], qui ne l’a pas droite et simple, par conséquent qui ne croit pas (Vulgate : gui incredulus est), car l’orgueil est antipathique à la foi — celui-là ne vivra pas (suppléé de 4 b non vivet). Au contraire (i, ve adversatif), le juste, celui qui est simple et droit, moralement [ydsâr = planus, rectus], ꝟ. 4°, vivra d’une vie de sécurité, d’abondance et de paix ; et c’est par la foi en Dieu, en sa parole et ses promesses, et dans cette foi, opposée à l’enflure, ꝟ. 4°, qu’il vivra de cette pleine vie. Ainsi, d’un côté, là~Vie heureuse, affranchie du mal, et la foi, celle-ci principe de celle-là ; de l’autre, le malheur ou la ruine et l’esprit d’impiété, ceci cause de cela, — telle est la loi complexe de la providence messianique. Isaïe l’avait déjà énoncée, Yli, 9 b, cf. Knabenbauer./n Isaiam, t. l, p. 157.0r la foi dont il s’agit est la foi « dogmatique », comme il ressort incontestablement du contexte. Il en ressort en effet qu’elle est l’adhésion ferme 3 de l’esprit à la vision {hâzôn, ꝟ. 2) ou révélation du sort divers des Juifs et des Chaldéens, révélation dûment proposée par un prophète accrédité. Et à cette foi sont jointes l’espérance et la confiance, ji. 2-3, ainsi que l’humble soumission de l’esprit et du cœur. Que tel soit le sens du mot 'ëmûndh, fides, on peut le voir par Frz. Delitzsch, p. 49-51, et par J. Fùrst, Concordantise hebraicm atque chaldaicse, Leipzig, 1840, au mot 'âmân, p. 81. Voir cependant J. B. Lightfoot, Ephtle to the Galatians, Londres, 1881, p. 138, 154-158. Saint Paul a cité le verset selon les Septante. Il le cite Heb., x, 38' en entier, Rom", i, 17, et Gal., m, Il en partie seulement (ꝟ. 4 b), mais partout au sens littéral, ꝟ. 4 b est une preuve qu’il invoque de préférence dans sa thèse de la justification par la foi. Cf. R. Cornely, EpUtola ad Galatas, p. 485. — Le sens de cette loi connu et expliqué, il est aisé d’y ramener le livre et de l’appliquer. Le juste, i, 4 ; ii, 4, est manifestement l’Israël fidèle ; et l’impie, l’homme d’orgueil, l, 4, 13 ; ii, 4 a, 5, le Chaldéen en général. Suivant sa loi exprimée, Dieu châtie l’Israël impie avec, par accident, les justes, en envoyant contre lui la terrible nation chaldéenne. Apaisé par l’intercession prophétique et par des raisons spéciales, 1, 12, 13, il prend en pitié son peuple de justes et déchaîne sa colère sur les Chaldéens qui, dans l’exécution de son jugement, ont passé toute borne. Ils seront détruits de fond en comble, à cause des cinq grands crimes dans lesquels ils sont tombés. VOratio Habacuc dénonce la lutte ardente où Dieu intervient personnellement pour punir et abattre, pour relever et pour sauver. Et la prophétie du livre s’est exactement accomplie. L’irruption des Chaldéens et leurs ravages en Juda sont racontés IV Reg., xxiv ; II Par., xxxvi ; Dan., ii, 1, 2 ; Jer., xxxiv, xxxix, ni ; Josèphe, Ant. jud., X, 7, 8. Cf. G. Brunengo, t. ii, p. 270. Quant à la chute des Chaldéens et de-leur empire, les historiens sacrés et profanes nous en ont transmis le récit exact et concordant. On trouverait aisément chez eux la men-r tion des crimes : impiété, violence et sang, orgueil et cupidité, cause de leur ruine. Dan., v, 30, 31. Cf. G. Brunengo, t. ii, p. 421. À voir sur la doctrine d’Habacuc, Knabenbauer, In Prophetas minores, t. ii, p. 70-78 ;