Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/19

Cette page n’a pas encore été corrigée
25
26
GAD (LE DIEU)


Ut. rom., 4, qu’en entrant à Rome, cette déesse enleva ses ailes et sa chaussure et jeta. loin d’elle le globe qu’elle portait afin de marquer qu’elle résiderait désormais d’une manière permanente dans la ville éternelle. La Foituna différait à plusieurs égards du Gad araméen, mais ces deux divinités avaient de commun leur trait le plus caractéristique, celui de porter bonheur, c’est pourquoi saint Jérôme a traduit avec raison Gad par Fortuna. Is., LXV, 11.

II. Le dieu Gad dans l’Ancien Testament. — 1° Isaïe, lxv, 11, reprochant aux impies d’abandonner le vrai Dieu, les interpelle en disant : « Vous qui dressez une table pour Gad et remplissez une coupe pour Meni » (texte hébreu). Meni personnifiait le destin comme Gad. Voir Meni. Gad était une divinité chananéenne et araméenne. Elle ne figure point dans le panthéon chaldéoassyrien. — 2° Dès une haute antiquité, elle avait été honorée dans le pays de Chanaan, comme le prouvent les dénominations géographiques de « Baalgad », t. i, col. 1336 ; Jos., xi, 17 ; xii, 7 ; xiii, 5, et de Magdal-Gad. Jos., xv, 37. — 3° Une des familles juives qui retournèrent de Babylone en Palestine avec Zorobabel s’appelait Benê'Azgâd. I Esd., ii, .12 ; II Esd., vii, 17. 'Azgâd peut signifier : « Gad est force ou secours. » Ce nom est cependant susceptible de recevoir d’autres interprétations. D’autres noms propres hébreux où l’on a cru retrouver le nom de Gad, Num., xiii, 12 ; I Mach., ii, 2, etc., sont encore plus douteux, à l’exception de celui du fils de Jacob, qui mérite d'être examiné à part. — 4° Un certain nombre de commentateurs (voir J. Selden, De Dits Syris, in-12, Londres, 1617, i, 1, p. 2-15), veulent retrouver le dieu Gad dans le nom d’un des fils de Jacob ; ils appuient leur opinion sur le texte même de la Genèse, xxx, 11 : « Zelpha, servante de Lia, enfanta un fils à Jacob, et Lia dit :-js, ba-gad, et elle l’appela du nom de Gad. » La Vulgate traduit ba-gad par féliciter, « heureusement, » et les Septante, dans un sens analogue, par iv t-j/t, . Mais parmi les anciens Juifs, plusieurs ont décomposé le mot ba-gad en is N3, bd' Gad, « Gad est venu, » et l’ont ainsi expliqué aiio Std N3, bâ' mazal tôb, « la Bonne Fortune est venue, » c’est-à-dire un astre propice ou un démon favorable. D’après les Massorètes, ba-gad est en effet une des quinze locutions de la Bible hébraïque qui s'écrivent en un seul mot, mais qui doivent être décomposées en deux, de manière à lire ici bâ' Gad. Cette opinion est ancienne, car, dans, le Targum d’Onkelos, ce que dit Lia est interprété en chaldéen par 'afa' Gad, « Gad est venu. » Jonathas ben-Uzziel paraphrase ainsi : 'afa' Mazala' ioba', « Mazala (la Bonne Fortune) est venue. » Le Targum de Jérusalem s’accorde avec ces interprétations : 'a(a' Geda' toba', « le bon Gad est venu. » Cette explication rabbinique du nom du fils de Jacob n’est-elle pas plus ingénieuse que solide ? S’il est difficile d’en prouver la fausseté, il est aussi difficile d’en établir l’exactitude. Lia, originaire du pays d’Aram, pouvait connaître le dieu Gad et même lui rendre un culte, comme le dit saint Augustin, Qusest. in Heptat., i, 91, t. xxxiv, col. 571, mais cela n’est point démontré.

III. Culte rendu a Gad-Tyché.

Le culte de Gad fut très répandu en Syrie. Pausanias, vi, 2, 4. Il s’y maintint fort longtemps, comme le prouvent* les inscriptions recueillies dans le pays. Bæthgen, Beitràge, p. 77-78. Les Acta martyrum Orient., édit. Assemani, t. ii, p.l24 ; cf. P. Smith, Thésaurus syriacus, 1. 1, 1879, col. 650, mentionnent un bêf Gado', ou temple de la Fortune, à Samosate (voir aussi Jacques de Sarug, Homélie, trad. P. Martin, dans la Zeitschrift der deutschen morgent ândischen Gesellschaft, t. xxix, 1875, p. 138) ; les monuments épigraphiques parlent de ses prêtresses, Le Bas etWaddington, Voyage archéologique, Inscriptions, t. iii, 1870, 2413 g, comme de ses temples, Tûjnrjç îepôv, ibid., 2176 (Batanée) ; Tuxertov, ibid., 2413 f ; "2512, 2514, et de sa statue ou représentation appelée : t) Tvr/éa, ibid., 2413 h.

La même divinité apparaît sur les monnaies de plusieurs villes, à Laodicée, à Édraï (fig. 5), etc., F. de Saulcy, Numismatique de la Teire Sainte, in-4°, Paris, 1874, p. 4-5 ; 373-374 ; pl. xxiii, 1-3 ; et de plusieurs empereurs, par exemple d'Élagabale. H. Cohen, Description historique des monnaies frappées tous l’empire romain, 2e édit., 8 in-8°, Paris, 1880-1802, t. nr, p. 328, n » 46 ; cf. t. viii, p. 385. Sur une inscription bilingue de Palmyre, Gad est nommé comme le dieu protecteur de la tribu des Benê-Theima. De Vogué, Inscriptions sémitiques, in-4°, Paris, 1868-1877, n » 3. Cf. J. H. Mordtmann, Gad-Tyche, dans la Zeitschrift der deutsch. morgent . Gesellschaft, t. xxxi, 1877, p. 99-101. Plusieurs noms propres palmyréniens, ti, n » ii, rftna, Nriyia, istti, de même que phéniciens, nti, iii, Dm, Dyrn, nayrn, nyu, etc., renferment comme élément essentiel l’appellation de Gad. G. Kerber, Hebrâische Eigennamen, 1897, p. 68.

Son culte se perpétua longtemps en Syrie. Isaac d’Anticche, Opéra, xxxv, édit. Bickell, 2 in-8°, Giessen, 1873-1877, t. ii, p. 210, 211, raconte que, à son époque, on dressait encore des tables sur les toits des maisons au dieu Gad, et le Talmud mentionne aussi ces offrandes. P. Scholz, Gbtzendienst und Zauberwesen bei den alten Hebrâern, in-8°, Ratisbonne, 1877, p. 410. Du temps de saint Porphyre, évêque de Gaza, , qui fut martyrisé en 421 de notre ère, il y avait encore dans cette

5. — Gad-Tyché sur una monnaie d’tdraï. Monnaie de LuciUe, frappée à Édraï. AYrOYCTA|AOÏ"KIÀAA. Buste de LuciUe, à droite. — i^.TrXH AAP| AHNQNv Buste, à droite, tourelé, de la T15 ; <i) d'Édraï.

ville un Tychéon ou temple de la Fortune. Acta sanctorunx, februarii t. iii, p. 655, n » 64. Voir F. Vigouroux, Le dieu Gad et son culte en Orient, dans le Bulletin de l’Institut catholique de Paris, juillet 1899, p. 324-334. On honorait le dieu Gad en dressant pour lui une table et en lui offrant des libations, en faisant pour lui ce que les Latins appelèrent lectisternia. Voir S. Jérôme, Inls., lxv, 11, t. xxiv, col. 639. Aux iv’et Ve siècles de notre ère, les Juifs avaient encore, dans une partie de leur maison, un lit préparé pour Gad. Voir Chwolson, Die Ssabier, t. ii, p. 226. Un auteur arabe, En Nedlm, dans le Fihrist, t. IX, c. v, § 8, ouvrage composé en l’an 987 de notre ère, nous a laissé une curieuse description de la manière dont les Sabéens honoraient encore de son temps le dieu de la Fortune. « Au second Tischri (novembre), à partir du 21 de ce mois, dit-il, ils jeûnent neuf jours. Le dernier jour (de ce mois), le 29, est consacré en l’honneur du dieu Rab elBacht (le dieu de la Fortune ou du Bonheur). Chaque nuit (des jours de fête), ils emiettent du pain tendre, ils le mélangent avec de l’orge, de la paille, de l’encens et du myrte frais ; ils versent de l’huile dessus, remuent le tout ensemble et le répandent dans leurs demeures en disant : Voyageurs nocturnes de la Fortune ! vous avez ici du pain pour vos chiens, de l’orge et de la litière pour vos bêtes, de l’huile pour vos lampes et du myrte pour vos couronnes. Entrez en paix et sortez en paix et laissez pour nous et pour nos enfants une bonne récompense. » Voir le texte et la traduction publiés par Chwolson, dans Die Ssabier, t. ii, p. 32.

F. Vigouroux.