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GREC BIBLIQUE

χνἰζόμαι, = « je suis ému de compassion, » et σπλάγχνα « l’affection, la tendresse ; » τὰς ὁδούς μου ἐν Χριστῷ, « ma méthode et ma manière d’agir ; » στηρέζειν τὸ πρόσωπον αὐτοῦ τοῦ πορεύεσθαι, = « se déterminer à se rendre ; » πορεύεσθαι et περιπατεῖν, = « se conduire, vivre, agir. » Mais beaucoup d’expressions figurées sont le bien commun de toutes les langues, parce qu’elles naissent spontanément dans l’esprit des hommes, comme « le sommeil de la mort, avoir soif de vengeance, dévorer son bien ». La prose la plus ordinaire contient ces figures. Lorsqu’on en trouve dans le Nouveau-Testament, on doit supposer a priori qu’elles sont hébraïsantes, comme πίνειν τὸ ποτήριον, = « subir son sort ; »

Expressions hébraïques transportées en grec, ἐν γεννητοῖς γυναικῶν = ἐν ἀνθρώποις ; οἱ υἱοὶ τῆς ἀπειθείας = oi ἀπειθοῦντες ; καὶ προσθεὶς εἶπεν et προσέθετο πέμψαι ; —

Besoin d’affirmer et de représenter l’idée, πάντες ἀπὸ μικροῦ ἕως μεγάλου, Act., viii, 10 ; καὶ ὡμολόγησε καὶ οὐκ ἠρνήσατο, Joa., i, 20 ; ἀνοίξας τὸ στόμα αὐτοῦ εἶπεν. Act., viii, 35 ; x, 34 ; διὰ στόματος Δαυείδ, Act., i, 16 ; iv, 25 ; ἐποίησεν κράτος ἐν βραχίονι αὐτοῦ, Luc., i, 51.

II. Syntaxe.

Constructions hébraïsantes : ἀνέπεσον πρασιαί πρασιαί, Marc., vi, 40, « par groupes ; » τρίτην ταύτην ἡμέραν ἄγει, Luc., xxiv, 21 ; ὅτι ἤδη ἡμέραι τρεῖς προσμένουσίν μοι, Μatth., xv, 32 ; —

Construction absolue d’un mot placé en tête de la phrase ou d’une apposition détachée, casus pendens, Marc., xii, 38 ; Luc., xx, 27 ; Act., x, 37 ; Phil, iii, 18, 19 ; Apoc., i, 5 ; iii, 24 ;

Génitif lié au mot précédent pour le qualifier ou le décrire, ἀνάστασις ζωῆς, ἀνάστασις κρίσεως, δικαίωσις τῆς ζωῆς ; σῶμα τῆς ἁμαρτίας ; τὸν οἰκονόμον τῆς ἀδικίας = τὸν ἀδικὸν οἰκονόμον ; τὸν μαμωνᾶ τῆς ἀδικίας, τέκνα φωτός, πληγὴ θανάτου, « une plaie mortelle ; » —

Degrés de comparaison, καλόν σοί ἐστιν εἰσελθεῖν… ἢ δύο χεῖρας ἔχοντα βληθῆναι, Matth., xvii, 8, et λυσιτελεῖ αὐτῷ… ἢ ἵνα σχανδαλίση, Luc. xv, 9, χαλεποὶ λίαν ὥστε, Matth., viii, 28, πιστός ἐστιν καὶ δίκαιος ἵνα ἀφῇ, I Joa., i, 9, « il est assez fidèle à sa parole et assez juste pour remettre… ; »

5° Serment négatif, ἀμὴν λέγω ὑμῖν. Εἰ δοθήσεται τῇ γενεᾷ ταύτῃ σημεῖον, Marc., viii, 12, et cf. la construction grecque dans Matth., xvi, 4 : σημεῖον οὐ δοθήσεται αὐτῇ ; —

Sens hébraïsant donné à une construction grecque ; ainsi le futur de commandement, qui atténue l’idée en grec ordinaire, la renforce en grec hébraïsant. Matth., i, 21. Si la manière de parler hébraïque trouve en grec une expression correspondante, elle favorise l’emploi de cette dernière ; ainsi l’emploi du tour interrogatif pour renforcer l’affirmation et la négation, l’emploi de la conjugaison périphrastique, l’emploi du présent et de l’imparfait aux dépens de l’aoriste de narration, l’emploi de l’infinitif avec τοῦ. Par suite, l’influence de l’hébreu porte aussi sur certaines constructions grecques par elles-mêmes, pour en multiplier l’emploi. Enfin, d’une manière générale, l’hébreu et l’araméen, langues familières et populaires, contribuent par leur influence à faire employer par les auteurs du Nouveau Testament la langue grecque familière avec ses constructions familières et même populaires. —

III. Aramaïsmes proprement dits.

Mots : ἀββᾶ, ρακά, μαμωνᾶς, ἐφφαθά, Κηφᾶς ; γεύεσθαι τοῦ θανάτου, = « subir la mort, » ἔρχου καὶ ἴδε, « venez voir, » formule d’invitation ; δέω καὶ λύω, = « je défends et je permets ; » τὰ ὀφειλήματα, « les péchés ; » τὰ ὀφειλήματα ou τὰς ἁμαρτίας ἀφιέναι ; σὰρξ καὶ αἶμα, cité plus haut ; ὃ αἰὼν οὗτος, ὁ ἐνεστὼς αἰών, ὁ νῦν αἰών, « le monde actuel jusqu’à sa fin ; » ὁ αἰὼν ἐκεῖνος, ὁ αἰὼν ὁ ἐρχόμενος, « le monde futur après la fin de celui-ci ; » μεθιστάνειν ὄρη, « transporter des montagnes ; » θάνατος, Apoc., vi, 8, xviii, 8, « peste ; » εἷς, « un, » article indéfini, et la conjugaison périphrastique sont surtout aramaïsants ; τί ὑμῖν δοκεῖ » formule rabbinique pour introduire la discussion. —

Constructions.

Les hébraïsmes sont moins nombreux pour les constructions que pour le sens des mots. L’hébreu diffère essentiellement du grec ; il était impossible d’imiter en grec beaucoup de constructions de l’hébreu ; mais il était facile, par analogie, d’attacher à un mot grec un sens hébraïsant. D’ailleurs, un étranger s’approprie assez facilement les constructions courantes et faciles d’une langue ; beaucoup moins facilement tous les mots du lexique avec tous leurs sens, ou la couleur générale, le génie de sa nouvelle langue. Josèphe, Ant. jud., xx, xi. —

Quand une locution hébraïsante ou post-classique est propre au Nouveau Testament et se retrouve ensuite chez les écrivains chrétiens, il faut supposer a priori qu’ils ont empruntée au Nouveau Testament, comme στηρίζειν τὸ πρόσωπον, ἐνωτίζεσθαι. —

Chaque catégorie d’hébraïsmes relève d’une loi, d’une règle, dont il est utile de trouver la raison. Ainsi, en grec biblique, les verbes du sens de croire, penser, percevoir, sentir, dire et déclarer prennent ou tendent à prendre la même construction avec ὅτι ; et ceux du sens de « penser » enferment souvent en eux l’idée de parler, dire, comme ἔδοξαν. Matth., i, 9 ; Marc., vi, 49. La raison de ces deux faits, c’est que, pour le Juif, penser et dire sa pensée ne font souvent qu’un. Ainsi l’optatif, en dehors du souhait, est le mode de l’abstraction, de la passibilité, de l’affirmation adoucie ; autant de manières de penser auxquelles le Juif répugne naturellement.

VI. COMPARAISON DE L’ÉLÉMENT HÉBRAÏSANT DU NOUVEAU TESTAMENT AVEC CELUI DES SEPTANTE.

L’influence de l’hébreu a modifié le grec du Nouveau Testament de la même manière que celui des Septante, et produit sur lui les mêmes effets. L’allure générale hébraïsante est substantiellement la même ; les hébraïsmes sont analogues ou identiques à ceux des Septante. —

Les Septante sont une traduction en grec ; les quelques livres composés en grec ont été, pour ainsi dire, pensés en araméen ou en hébreu, et sont presque aussi hébraïsants que les autres. Le Nouveau Testament a été composé immédiatement en grec ; ses auteurs pensent en grec (hébraïsant}), du moins le plus souvent. —

Au Ier siècle de notre ère, le grec hébraïsant se trouvait plus allégé, plus flexible, plus correct, plus riche de tours et de termes grecs que ne l’était le grec hébraïsant des Septante trois siècles plus tôt, au moment de sa naissance. —

Les Septante étaient des Juifs vivant dans un milieu juif, et traduisaient de l’hébreu qu’ils continuaient peut-être de parler et d’entendre, mais qu’ils lisaient à coup sûr, et ils le traduisaient dans un grec à peine né. Les Juifs, auteurs du Nouveau Testament, n’ont pas débuté par écrire aussitôt en grec la révélation chrétienne formulée en araméen. Cette doctrine était prêchée en grec depuis quelque temps quand les livres du Nouveau Testament ont été composés ; c’est cette langue grecque de la prédication chrétienne, déjà formée et courante, que les auteurs du Nouveau Testament ont employée en écrivant, après l’avoir parlée eux-mêmes plus ou moins longtemps. —

Le grec des Septante n’est souvent qu’une traduction servile de l’hébreu. Celui du Nouveau Testament se meut beaucoup plus librement sous l’influence hébraïsante. Par Suite, le Nouveau Testament nous offre la langue grecque familière du Ier siècle beaucoup plus et mieux que les Septante ne nous offrent celle de leur époque. Par suite aussi, si l’on veut bien saisir la manière vraie dont l’hébreu influait librement et normalement sur le grec, il faut se servir du Nouveau Testament et non des Septante. Et, même dans le Nouveau Testament, il faut écarter les morceaux contenant ce qui a été dit ou rapporté en araméen, parce que le grec de ces fragments peut retomber dans la traduction. Il faut choisir les livres, les morceaux, où l’auteur juif pense pour lui-même et s’exprime en grec spontanément et librement ; ainsi les Épitres. —

Les Septante sont une collection de traducteurs, et l’on sent une main différente dans les différents livres ; cependant, la langue et le style y restent