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GREC BIBLIQUE


tique qui s’est répandu autour des rivages de la Méditerranée et plus ou moins dans l’intérieur des terres, en Orient et en Occident, a été appelé par les grammairiens du iie siècle « langue commune », r xqivrj, et « langue grecque », ï| êXXyjvixti. Les modernes l’appellent aussi « dialecte alexandrin » et « dialecte macédonien », parce qu’il appartient à la période alexandrine ou macédonienne. Mais alors, il ne faut le confondre ni avec le dialecte macédonien qu’on parlait en Macédoine^ avant Alexandre et que nous connaissons peu ; ni avec le dialecte alexandrin, c’est-à-dire avec la langue commune telle qu’elle était parlée à Alexandrie, modifiée par des particularités locales. Aujourd’hui, la « langue commune » est le plus souvent appelée « grec post-classique ». — L’attique, qui est devenu la langue commune, n’est pas l’atlique littéraire des orateurs et des historiens d’Athènes, mais l’attique parlé par le peuple, soit à Athènes, soit le long des côtes européennes et asiatiques de la mer Egée. Il doit sa diffusion au commerce, à la navigation, aux guerres, aux expéditions, aux émigrations, aux colonisations, aux affaires politiques, en un mot aux mille rapports établis entre les hommes par les nécessités de la vie pratique. La langue commune est essentiellement la langue parlée, la langue familière et courante, écrite telle qu’on la parlait, et parfois la langue populaire. Elle est aussi, pendant les deux périodes alexandrine et gréco-romaine, une langue vivante, soumise aux influences intérieures et extérieures qui la modifient sans cesse.

III. CARACTÈRES DE LA LANGUE COMMUNE.

Voici les principaux : 1° Formation de nombreux dérivés et composés ou surcomposés nouveaux, sous l’influence des idées latentes du langage et de l’analogie. Adoption de mots et formes dits poétiques ; de mots et formes empruntés aux dialectes mourants ; d’un petit contingent de mots étrangers, sémitiques, perses, égyptiens, latins, même celtiques. Modification dans la prononciation et l’orthographe. Variations dans le genre des noms, dans les flexions nominales et verbales avec une certaine tendance à l’uniformité. Disparition du duel, ainsi que de mots et formes dits classiques. — Modification du sens des mots et des expressions ; certains termes, ayant un sens général, en prennent un spécial, ou inversement ; d’anciens sens se perdent, pendant que de nouveaux s’attachent aux anciens mots ; le sens originel de la métaphore dans certains mots et certaines expressions est oublié. — La nature physique des pays où se parle maintenant la langue commune, les conditions nouvelles de la vie au milieu des développements de la civilisation, des changements politiques et sociaux, produisent de nouvelles idées, de nouvelles métaphores, par suite, de nouveaux mots et de nouvelles locutions. Les nouvelles idées religieuses, philosophiques, scientifiques, etc., amènent aussi de nouveaux termes, de nouvelles expressions, des sens nouveaux et surtout spéciaux donnés à d’anciens mots. — De nouveaux rapports s’établissent entre les mots et leurs compléments et produisent de nouvelles constructions. Les constructions analogiques ou équivalentes influent les unes sur les autres, ou bien permutent entre elles ; ainsi pour l’emploi des cas (avec ou sans préposition), des particules, des modes, des formes des propositions. — Parlée par la majorité du peuple, sur une étendue de pays considérable, la langue commune n’est soumise que très faiblement à l’influence des rhéteurs, des grammairiens, des lettrés ; elle tend à se charger de tours et de termes très familiers, populaires. — Quoiqu’elle fût la même partout, la langue commune présentait çà et là des particularités locales ; ainsi le grec des Hellènes d’Alexandrie. — Elle se distingue si bien du dialecte attique littéraire et des autres dialectes disparus, que les œuvres des poètes et des prosateurs classiques ont besoin d’être commentées. Alors naît la philologie

grecque avec ses scholiastes, ses grammairiens, etc. — Les écrivains post-classiques qui veulent imiter alors les classiques forment une sorte d’école ; ce sont les atticistes.

2° La diction subit des changements essentiels. Le moule littéraire du dialecte attique est brisé. Ne cherchez plus ni les périodes bien liées, variées avec habileté, dont les parties se distribuent harmonieusement et se balancent dans un équilibre plein d’art et de grâce ; ni la mise en relief de l’idée principale autour de laquelle se groupent et se subordonnent les idées secondaires ; ni les nuances et les finesses de la pensée ; ni les métaphores, les comparaisons, les allusions des auteurs classiques ; ni lesatticismes de la pensée et de l’expression. Langue de tous, écrite pour tous, la langue commune évite d’être périodique, synthétique, littéraire en un mot. Elle est familière, analytique, déliée dans ses constructions, aimant à exprimer les idées séparément plutôt qu’à les fondre ; elle vise avant tout à la clarté, à la simplicité, à la facilité. — Aussi, elle est internationale, employée par des peuples très différents, qui ne sont pas grecs, ni même européens, comme les Syriens, les Juifs d’Alexandrie et de Palestine. — Elle est universelle ; elle sert à tous, et pour tout ; souple et flexible, elle peut être employée par tous, elle pr-t exprimer toutes les idées nouvelles, même étrangères.

— L’activité littéraire n’est plus cantonnée à Athènes ni même en Grèce ; elle’se manifeste à Alexandrie, à Antioche, à Pergame, à Rhodes, à Rome, etc.

IV. LES juifs HELLÉNISANTS.

La connaissance et l’adoption de la langue grecque par les Juifs est un des résultats de la conquête macédonienne. — Pendant les périodes alexandrine et gréco-romaine, l’hellénisme et, avec lui, le grec s’introduisent ou tentent de s’introduire en Palestine. Des colonies grecques entourent la Palestine presque de tous côtés. Il s’en rencontre aussi dans l’intérieur de la province. Les cites grecques renfermaient alors une minorité de Juifs, comme des villes juives renfermaient une minorité de Grecs païens. Les différents maîtres étrangers de la Palestine y avaient introduit des éléments d’hellénisation, comme des magistrats d’éducation grecque, des lettrés et des rhéteurs grecs, des soldats mercenaires parlant grec. Hérode I er avait à sa cour des lettrés grecs, comme le rhéteur Nicolas de Damas. Josèphe, Ant. jud., XVII, v, 4. Ajoutez les fêtes, les jeux, les gymnases, les représentations théâtrales en usage chez les Grecs ou les hellénisants de la province, Pour les grandes fêtes religieuses des Juifs, des étrangers hellénisants accouraient en foule à Jérusalem, ainsi que des milliers de Juifs, vivant à l’étranger et parlant grec. Beaucoup de ces Juifs émigrés revenaient terminer leurs jours à Jérusalem ou en Judée. Des relations, exigées par les nécessités de la vie pratique, par le commerce, par l’industrie, par le voisinage, s’établissaient entre l’élément juif et l’élément grec de la population juxtaposés. Ces causes réunies ont produit chez les Juifs de Palestine la connaissance de la langue grecque, mais une connaissance restreinte. Pour tous les détails qui précèdent, voir Éphébëe, Gymnase, Hérode. — Beaucoup de Juifs palestiniens émigrent ; ce sont les Juifs de ^Dispersion. Voir Dispersion (Juifs de la), t. ii, ’col. 1441. Ils adoptent régulièrement la langue de leur nouveau pays. Les Juifs parlant grec, et ce sont les plus nombreux, sont dits hellénistes ou hellénisants, iXkit iota t, Act., VI, 1 ; IX, 29 (et cf. IMrivîîeiv, « vivre comme les Grecs » ou « parler grec » ), tandis que les Juifs appellent tous les païens parlant grec « les Grecs », oî "EXXT, ve{.

— Mais le grec parlé par les Juifs est un grec distinct, appelé « hellénistique » par Joseph Scaliger, Animadv. in Euséb., in-f », Genève, 1609, p. 134. Au lieu de l’appeler « grec » ou « idiome hellénistique », mieux vaudrait dire « grec hébraïsant, langue grecque hébraïsante, langue judéo-grecque ». — Les Juifs lettrés, comme Jo-