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GR^EGUS VENETUS — GRAISSE


GR/ECUS-VENETU3. - On donne le nom de Grsecus-Venetus, Versio Veneta, Veneta, version grécovénète ou gréco-vénitienne, à une traduction grecque d’une partie de l’Ancien Testament, parce.qu’elle est contenue dans un manuscrit donné en 1468 par le cardinal Bessarion à la bibliothèque de Saint-Marc à Venise.

I. Description et éditions.

Ce manuscrit date de la fin du xiv siècle ou du commencement du xv « . Il se compose de 362 feuilles de parchemin, écrites sur une seule colonne étroite, et il commence, à la manière hébraïque, par ce que nous appellerions la dernière page du volume, ce qui a fait conjecturer que le traducteur aurait écrit sa version sur la marge interne d’un manuscrit hébreu dont la partie hébraïque aurait été plus tard coupée. Le Codex est d’une double main, la première ayant écrit depuis Genèse i, jusqu’à Exode vii, 35, et la seconde, le reste. Le texte n’est divisé ni en chapitres, ni en versets, mais il marque, pour le Pentateuque et les Proverbes, les pdrdSôf ou sections hébraïques. Le manuscrit renferme, outre le Pentateuque et les Proverbes, Ruth, le Cantique des Cantiques, l’Ecclésiaste, les Lamentations, Jérémie et Daniel. J. C. d’Ansse de Villoison le publia, à l’exception du Pentateuque, dont il ne donna que des fragments, in-8°, Strasbourg, 1784. Le Pentateuque fut édité peu après par Chr. F. Ammon, 3 in-8°, Erlangen, 1790-1791. Vo"ir Ammon 5, t. i, col. 493. Ces deux publications sont défectueuses. 0. Gebhardt a donné une édition excellente et complète du manuscrit, sous le titre de Grsecus Venetus, …versio grseca, nunc primum uno volumine comprehensa atque apparatu critico et philologico instructa, in-8°, Leipzig, 1875, avec une préface de Franz Delitzsch.

II. Auteur.

L’auteur de cette traduction n’est pas connu d’une manière certaine. D’après Frz. Delitzsch et 0. Gebhardt, ce serait un certain Élissaios qui vivait à la cour du sultan Mourad I er à Brousse et à Andrinople. D’après Frankl, dans Grâtz, Monatsschrift, 1875, p. 372, ce serait Schemaria de Négrepont. Le manuscrit est en partie autographe. Il est assez probable que le traducteur était juif, mais converti au christianisme, car au haut de toutes les pages qui sont de sa plume, il a écrit : Ave, Maria.

III. Caractères.

La version gréco-vénète a été faite directement sur le texte hébreu inassorétique. Avec une littéralité servile, elle le rend mot pour mot en dialecte attique, excepté dans la partie chaldéenne de Daniel, où, pour marquer la différence d’idiome, le traducteur emploie le dialecte dorien au lieu de l’attique. Il était très versé dans la littérature grecque et en connaissait fort bien la langue, mais, pour être fidèle à son principe de littéralité rigoureuse, il a rempli son travail de toutes sortes de barbarismes et de mots fabriqués qu’on ne trouve dans aucun lexique grec, tels que f viixrriiTniç, pour nynn, môda’af, « parenté, » Ruth, iii, 2 ; oXtfeoiia pour T37D, tne’ôt, « le peu, » Lev., xxv, 16 ; xâfteSpoç pour asrt, yôSêb, « habitant, » Gen., xix, 25 ; taXapofleTeco pour’jd’jd, silsêl, v estimer. » Prov., iv, 8, etc. Les consonnes et les points-voyelles ne sont point toujours rendus d’une manière uniforme. Ainsi le n est tantôt transcrit par un X, tantôt par un esprit dur : à(iâ8/i pour mon ; le chirek tantôt par i, tantôt pare : 7*13, Birsa 1, roi de Gomorrhe,

est orthographié Bipo-eîoç ; d>id, Mirydtn, Marie, Mepâp.T).

— Le traducteur du Grsecus-Venetus suitgénéralement les Massorètes. Il a eu certainement sous les yeux les Septante et d’autres versions grecques. Il a tait surtout usage du n>winrr : ibd, « Livre des Racines, » de David Kimchi. « Presque tout ce qui est particulier à la version de Venise dans l’interprétation du texte hébreu, dit O. Gebhardt, dérive de là. »

Voici un spécimen de la version gréco-vénète et, en regard, la version des Septante :

GRECO-VÉNÈTE Go »., ii, **. SEPTANTE’As Se if£vvr t <ret{ toO où pavoO Aûn) ^ pc’êÀoç ^ptiavaf ouxcù Tïj{-pic £v toi êxTto-8ai pavoO xa ytjç, 6re s-féven) » <r ?s, èv ^(iiprçc xoO « oietv tov » )’^uipa èiroi’r|o-e Kûpioc 4.

ÔvTWTY|V TOV ÔEOV fTp) OÙpCt- 0EOC TOV OÙpctVOV «  « À TY)V

vôv te, v.a irdtVTO x& ? mv "fif, xat irâv yXtaçiov àfpoû to3 OYpo-j. xtX.

Dan., v, 1.

BeVreaixcràp ô paacXeu ; âicoî- BaXtâffap 6 (3aat), eu< ; èiiofïl (rev sorlatriv (lefâXav toïo-i îque Seîirvov pif a toi ? (i£y ia— (isYto-uoveffmv su xikioiç, Tfiæv aùroO" x’M°'S> xa ^ Êvtôircô’v re Ttov X’Mwv cocpaxa-cévavTt tg » v ^iXtoiv 6tov srove. o’voç, xx ntvwv xtX.

La version gréco-vénète a peu d’importance pour la critique, mais’elle n’est pas sans valeur pour l’interprétation du texte et l’histoire de l’herméneutique.

F. Vigouroux.

    1. GRAISSE##

GRAISSE (hébreu : /téléb, et plus rarement pimdh r Job, xv, 27 ; pédér, Lev., i, 8, 12, etc. ; déién, Ps. xlviii (hébreu), 6 ; Septante : o-uéap ; Vulgate : adeps), substance solide, mais fondante et inflammable, qui se développe dans certains tissus du corps des animaux, et abonde surtout sous la peau, à la surface des muscles, à la base du cœur, près des intestins et autour des reins. Le mot Sémén, qui signifie « huile », s’emploie dans plusieurs passages comme synonyme de « graisse ». Is. f x, 27, etc.

I. En général.

1° La graisse est un symbole defertilité, d’abondance et de richesse. Ainsi le pharaon dit qu’il donnera à manger aux frères de Joseph la graisse de l’Egypte. Gen., xlv, 18. Dieu donne à sonpeuple la graisse des agneaux, des béliers et des boucs, c’est-à-dire l’abondance du bétail. Deut., xxxii, 14. Sursa montagne, il promet à son peuple régénéré des mets de graisse, c’est-à-dire toutes les richesses spirituelles. Is., xxv, 6. — Être rassasié de graisse, c’est avoir tous les biens en abondance. Ps. lxii, 6. L’épée du Seigneur est couverte de graisse, parce qu’elle s’est rassasiée de carnage dans l’exercice de la vengeance. Is., xxxiv, 6-7.

— Un coteau « fils de graisse » ou « d’huile », Is., v, 1, une « vallée de graisse », Is., xxviii, 1, représentent desterrains très fertiles. La graisse du froment marque cequ’il y a de meilleur et de plus abondant. Ps. lxxx, 17 ; Cxlvii, 14. Celui qui se confie au Seigneur, qui est bienfaisant et diligent, deviendra dâèên, « gras, » c’est-à-dire jouira de la prospérité. Prov., xi, 25 ; xiii, 4 ; xxviii, 25.

— 2° La graisse est considérée comme un signe dedignité, de puissance et de richesse. Les grands en effet sont censés abonder de tout ce qui est nécessaire au bien-être, et avoir par conséquent tout ce qui peut les engraisser. Actuellement encore, en Orient, un dignitaire en impose à ses subordonnés par son bel embonpoint. Tel fut jadis Églon, roi de Moab, bârV, ioreto ; o-9Ô8pa, crassus nimis. Jud., iii, 17, 22. — Au désert, la colère de Dieu frappa les « gras » d’Israël, les princi-’paux. Ps. lxxvii (lxxviii), 31. L’arc de Jonathas ne revenait du combat que rassasié « du sang des morts et de la graisse des vaillants ». II Reg., i, 22. — Les « gras » de la terre, les riches et les puissants, seront nourris spirituellement par le Seigneur. Ps. xxi, 30. Un jour, les étrangers dévoreront les possessions des mêliîm, desgras », des princes infidèles d’Israël. Is., v, 17. Les grands de l’Egypte sont appelés fraSmannim, des et gras ». Ps., lxvii (lxviii), 32. De haSmân vient, d’après une étymologie d’ailleurs contestable, le nom de’Ao-aiiwvaïo ;, le chef de la famille des Machabées ou Asmonéens. Josèphe, Ant. jud., xii, vi, 1.-3° Dans le corps humain, la graisse forme une couche insensible. De plus, quand elle se développe à l’excès, l’embonpoint corporel réagit sur l’âme et l’alourdit. Un cœur gras est donc un cœur insensible, inintelligent. Ps. cxviii (cxix), 70 ; Is., vi, 10, « Fermer sa graisse, » c’est se réduire