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ÉPÎTRES APOCRYPHES


l'écriture ecclésiastique, dès l'époque apostolique. Et dès l'époque apostolique il a circulé des épîtres' supposées, forgées par des faussaires, qui n'étaient point nécessairement malintentionnés. Saint Paul donne à entendre qu’il circulait de fausses lettres sous son nom : « Ne vous | laissez pas effrayer, écrit-il aux Thessaloniciens, ni par j des manifestations de l’Esprit, ni par des paroles et par i de prétendues lettres de nous, vous annonçant que le jour du Seigneur est très proche. » II Thés., ii, 2. Le soin que met saint Paul à authentiquer ses Épîtres témoigne des précautions qu’il devait prendre contre les faussaires. II Thess., iii, 17 ; Gal., vi, 11 ; I Cor., xvi, 21 ; Col., iv, 18.

1° La prétendue correspondance du roi Abgar et de Notre -Seigneur a été l’objet d’un article spécial. Voir 1. 1, col. 38. — 2° Il est question d’autres écrits du Sauveur. Saint Augustin, De çonsensu Evangelistarum, i, 15, ; t. xxxiv, col. 1049, parle de livres en forme d'épîtres ! à saint Pierre et à saint Paul attribuées au Christ, j C'étaient des apocryphes de fabrication manichéenne, i et il ne semble même pas que saint Augustin, qui seul en parle, les ait eus en main. — 3° Dans une lettre de Licinianus, évêque de Carthagène, à Vincentius, évêque d’Iviça, ce dernier est vivement repris d’avoir eu la crédulité de prendre au sérieux une lettre du Christ soidisant tombée du ciel sur l’autel de la confession de Saint-Pierre, à Rome. Licinianus est de la fin du VIe siècle. Patr. lat., t. lxxii, col. 699. — 4° Bàluze a, publié le texte latin d’une épître du Christ tombée aussi du ! ciel, mais à Jérusalem, et « trouvée à la porte d'Éphraïm par le prêtre Éros ». Ce doit être la même dont parle le synode romain de 745, Act. ii, Mansi, t. xii, col. 378. Le texte de Baluze, Capitularia regum Francorum, t. ii, Paris, édit. de 1780, p. 1396-1399, est reproduit par Fabricius, Codex apocryphus N. T., Hambourg, 1719, p. 309-313. On en a l’original grec, inédit encore. Ibid., t. iii, p. 511. Le même Fabricius énumère à la suite plusieurs autres faux du même genre et de plus basse époque.

5° Philastre, De hxr., 89, t. xii, col. 1201, a connu une épître aux Laodicéens, « que des gens mal pensants ont interpolée, » et qui pour cette raison « n’est pas lue dans l'Église ». Théodore de Mopsueste la signale en termes analogues. Convni. in Pauli Epist., édit. Swete, Cambridge, 1880, t. i, p. 310. — 6° Le Canon dit de Muratori mentionne deux épîtres attribuées à saint Paul : Fertur etiam ad Laodicenses, alia ad Alexandrinos, Pauli noniine fictx dd hxresem Marcionis. Si tel est bien le texte du Canon, ces deux pièces seraient de fabrication marcionite. Elles n’existent plus. — Dans le sacramentaire de Bobbio, du vne siècle, publié par Mabillon, M. Zahn a relevé une leçon soi-disant tirée de l'Épitre de saint Paul aux Colossiens, dix versets, que Mabillon traitait de farrago ex Scripturse verbis contexta, et dont M. Zahn s’est appliqué à établir qu’ils provenaient de la susdite épître aux Alexandrins ; mais l’origine de ce morceau reste problématique. T. Zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, Erlangen, 1890, t. ii, p. 587-592.

7° Une épître de saint Paul aux Laodicéens, qui existe en latin, a la prétention d'être l'épître que saint Paul, écrivant aux Colossiens (Col., iv, 16), rappelle qu’il a, en effet, écrite, et qu’il compte que les Laodicéens communiqueront aux Colossiens. On suppose, sans rien de décisif, que ce texte latin est traduit d’un original grec, qu’aurait connu et dénoncé, en 787, le second concile de Nicée. Act. vi, Mansi, t. xiii, col. 293. En tout état de cause, le grec n’a guère circulé en Orient, au contraire du latin qui a été très répandu au moyen âge, encore que l’on n’eût aucun doute sur son caractère de faux. Récemment nous en avons rencontré une version arabe, dont M. Carra de Vaux a établi qu’elle avait été faite en Occident, sur le latin. Voir le texte latin et le texte arabe, Revue biblique, 1896, p. 221-226. Cette épître apocryphe, de vingt versets, est un centon de pensées prises à des Épîtres authentiques de saint Paul ; elle n’a du reste

rien dé marcionite, et est proprement insignifiante. Le texte que nous avons, s’il est celui qu’a connu saint Jérôme, De vir. M., 5, t. xxiii, col. 619, pourrait être du ive siècle. Toutefois les attestations les plus anciennes que l’on ait, et qui soient sûres, sont dans le Spéculum du Pseudovugustin, vi « siècle, et dans le Codex Fuldensis, vie siècle. Zahn, op. cit., p. 566-585 ; Harnack, Geschichte, i, 33-37.

8° La correspondance apocryphe de saint Paul et des Corinthiens, soit une lettre des Corinthiens à l’Apôtre et la réponse de l’Apôtre, était reçue, au rV siècle, dans l'Église d'Édesse, au témoignage de saint Éphrem et d’Aphraates, qui citent comme authentique un verset de la réponse de l’Apôtre. Harnack, Geschichte, i, 38. Les Constitutions apostoliques, VI, 6, Patr. gr., t. i, col. 949, font allusion à des écrits de Simon et de Cléobios, « écrits empoisonnés, publiés sous le nom du Christ et de ses disciples ; » allusion qui permet de croire que le rédacteur des Constitutions apostoliques, un Syrien du ive siècle, a connu la lettre des Corinthiens à saint Paul, vraisemblablement en grec. Tandis que, passé le IVe siècle, on en perd la trace en grec et en syriaque, du syriaque elle fut traduite en arménien, où elle prit place dans le canon ecclésiastique ; elle figure dans la plupart des manuscrits de la Bible arménienne, généralement à la suite des Épîtres de saint Paul, quelquefois à la suite de la seconde Épître aux Corinthiens. Saint Éphrem témoigne encore que les Bardesanites ne reconnaissaient pas cette correspondance, mais seulement les catholiques ; et il note que la doctrine dénoncée à Paul par les Corinthiens se trouve être la propre doctrine de Bardesanes. De là M. Vetler a conjecturé que ladite correspondance avait dû être produite dans la controverse contre les Bardesanites, en Syrie, vraisemblablement à Édesse, vers l’an 200, du temps d’AbgarVIH et de l'évêque Palut. M. S. Berger a récemment découvert une version latine de la correspondance dans un manuscrit milanais du xe siècle, et M. Bratke une autre version latine dans un manuscrit de Laon, du xme siècle : l’origine de cette traduction latine reste fort obscure. Il n’est pas prouvé qu’elle ait été faite sur le syriaque directement. — Dans leur épître, les Corinthiens écrivent à saint Paul pour lui apprendre que deux inconnus, Simon et Cléobios, sont à Corinthe et enseignent une doctrine qui trouble les âmes : ils nient qu’il faille user des prophètes (l’Ancien Testament), ils nient la résurrection de la chair, ils nient que le Christ se soit fait chair et soit né de Marie. Que l’Apôtre vienne bientôt mettre un terme à ce scandale. Saint Paul leur répond, apparemment de Rome et du temps de sa captivité ; il leur rappelle ce qu’il leur a enseigné dès le commencement et qu’il a lui-même appris des saints Apôtres qui ont vécu avec Jésus-Christ, à savoir que le Seigneur est né de Marie, qui est de la race de David, afin que par sa chair et en sa chair le Sauveur nous ressuscitât : quiconque nie la résurrection de la chair doit être rejeté, car il appartient à la race des vipères, etc. M. Zahn a conjecturé que cette correspondance apocryphe de saint Paul et des Corinthiens a fait partie intégrante des ActaPauli, perdus, du IIe siècle. En 1897, M. Schmidt a trouvé, en copte, réunis dans un même manuscrit (vne siècle ?) r premièrement les Acta Pauli et Theclse ; secondement la correspondance apocryphe susdite ; troisièmement leMartyrium Pauli grec publié par Lipsius, Acta apostolorum apocrypha, t. i, 1891, p. 104-117. Ces trois pièces sont au dernier feuillet du manuscrit suivies de la mention :

MIIPAEIEMIIAYAŒK…

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M. Schmidt en a conclu qu’il avait retrouvé les Acta Pauli, et que la correspondance en faisait partie, Theologische Literaturzeitung, 1897, p. 625-629. Toutefois ces pièces ont beau être. dans le même manuscrit sous.