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    1. ÉPHRAÏM##

ÉPHRAÏM (TRIBU D’)

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sance. En effet, an second recensement, à la veille de la conquête, elle ne comptait plus que 32500 guerriers ; c’était donc une perte de 8 000, qui ne mettait au-dessous d’elle que Siméon, 22200. Manassé, au contraire, avait monté de 32200 à 52 700, et Benjamin de 35400 à 45600. Num., xxvi, 34, 37, 41. Au nombre des commissaires chargés d’effectuer le partage de la Terre Promise, se trouvait, en dehors de Josué, Camuel, fils de Sephthan, de la tribu d’Éphraïm. Num., xxxiv, 24.

Mécontents du lot qui leur était échu, les fils de Joseph vinrent porter devant Josué une plainte aussi injustifiable qu’arrogante. Celui-ci leur conseilla d’abord, non sans une certaine ironie, de défricher les forêts dont était couverte la montagne d’Éphraïm. Puis il les engagea à marcher sans crainte à l’ennemi, dont ils redoutaient trop les chars de fer. Jos., xvii, 14-18.

Une fois installés dans le territoire que nous avons décrit, l’ancien territoire d’Amalec, les Éphraïmites n’exterminèrent point les Chananéens de Gazer, et les laissèrent vivre au milieu d’eux. Jud., i, 29. Ils sont signalés au premier rang parmi les Israélites qui répondirent à l’appel de Débora, leur glorieuse prophétesse. Jud., v, 14.

— Avertis par Gédéon, ils s’en allèrent barrer la route aux Madianites vaincus, en occupant les passages du Jourdain, tuèrent les deux chefs ennemis, Oreb et Zeb, et poursuivirent les fuyards au delà du fleuve, portant au héros d’Israël leur trophée sanglant, les deux têtes coupées. Jud., vii, 24, 25. Mais cédant à leur mécontentement, ils reprochèrent à Gédéon, sur un ton plein d’arrogance, de ne pas les avoir appelés au combat. Celui-ci les apaisa par un compliment délicat : « Que pouvais-je faire qui égalât ce que vous avez fait ? Le grappillage d’Éphraïm ne vaut-il pas mieux que toutes les vendanges d’Abiézer ? Le Seigneur a livré entre vos mains les princes de Madian, Oreb et Zeb. Qu’ai-je pu faire qui approchât de ce que vous avez fait ? » Jud., viii, 1-3. — Ils se montrèrent plus insolents encore à l’égard de Jéphté, qui pourtant avait défait les Ammonites, dont les ravages s’étaient fait sentir jusqu’au sud de la Palestine ( Juda et Benjamin) et au centre (Éphraïm). Jud., x, 9. Se soulevant, ils allèrent trouver le vainqueur et lui dirent : « Pourquoi, lorsque vous alliez combattre les enfants d’Ammon, n’avez-vous pas voulu nous appeler, pour que nous y allassions avec vous ? » Ajoutant la menace aux reproches, ils voulaient le brûler lui-même en incendiant sa maison. Jephté n’eut ni la patience ni la douceur de Gédéon, et, dans une réponse pleine de fermeté, ne craignit pas de faire ressortir leur lâcheté : « Nous avions, leur dit- ii, une grande guerre, mon peuple et moi, contre les enfants d’Ammon ; je vous ai priés de nous secourir, et vous ne l’avez pas voulu faire. Ce qu’ayant vii, j’ai exposé ma vie, et j’ai marché contre les enfants d’Ammon, et le Seigneur les a livrés entre mes mains. En quoi ai-je mérité que vous vous souleviez contre moi pour me combattre ? » Rassemblant alors les hommes de Galaad, que les Éphraïmites insultaient aussi, il alla avec eux s’emparer des gués du Jourdain, par où ceux-ci devaient rentrer dans leur pays. « Et lorsque quelque fuyard d’Éphraïm se présentait et disait : Je vous prie de me laisser passer ; ils lui demandaient : N’êtes-vous pas Éphrathéen ? et comme il répondait que non, ils lui répliquaient : Dites donc : Schibboleth (c’est-à-dire « un épi » ). Mais comme il prononçait sibboleth, parce qu’il ne pouvait pas bien exprimer Ja première lettre de ce nom, ils le prenaient aussitôt et le tuaient au passage du Jourdain ; de sorte qu’il y eut quarante-deux mille hommes de la tribu d’Éphraïm qui furent tués ce jourlà. » Jud., xii, 1-6. On sait comment, à la funeste journée des Vêpres siciliennes, on fit subir aux Français une épreuve analogue, au moyen du mot ciceri, que la plupart ne purent prononcer à l’italienne.

Après la mort de Saûl, Éphraïm, eomme les autres tribus, à l’exception de Juda, reconnut la royauté d’Isbo seth. II Reg., ii, 9. Mais plus tard, vingt mille huit cents hommes de la même tribu, « tous gens très robustes, renommés dans leurs familles, » vinrent trouver David à Hébron pour l’établir roi. I Par., xii, 30. Ils lui fournirent un certain nombre d’officiers. I Par., xxvii, 10, 14, 20. Quand, à la mort de Salomon, éclatèrent tous les mécontentements que le monarque avait accumulés au cœur de son peuple, les Éphraïmites, toujours pleins du désir d’exercer une certaine prépondérance en Israël, surent profiter des circonstances pour le réaliser. Jéroboam était un des leurs. III Reg., xi, 26. Sichem fut habilement choisie comme lieu d’assemblée pour les légitimes réclamations du peuple. III Reg., xii, 1. On sait ce qui advint, et quel schisme se produisit. À partir de ce moment, l’histoire d’Éphraïm se confond avec celle d’Israël ; son nom même est souvent employé pour désigner le royaume du nord, et c’est dans ce sens qu’il faut le prendre dans les prophètes. Cf. Is., Vil, 2-5, 8, etc. ; surtout Os., v, 3, 5, 9 ; vi, 4, etc. Si la tribu, comme toutes les autres séparées de Juda, tomba dans l’idolâtrie, cependant plusieurs de ses membres s’enfuirent pour rester fidèles au vrai Dieu, et nous les voyons s’unir à Asa pour immoler des victimes au Seigneur à Jérusalem. II Par., xv, 8-11. Aux courriers que le pieux roi Ézéchias envoya en Éphraïm et Manassé, pour inviter les Israélites à monter au Temple et célébrer la Pàque, ceux-ci ne répondirent que par les moqueries et les insultes. Il vint néanmoins quelques pèlerins. II Par., xxx, 1, 10, 18. Poussée par son zèle, la multitude des fidèles, après avoir rempli ses devoirs religieux, envahit les deux provinces méridionales du royaume schismatique pour y détruire les objets idolâtriques. II Par., xxxi, 1. Josias fit de même en ces contrées une sainte expédition. II Par., xxxiv, 6, 9. Tels sont les principaux faits qui concernent spécialement la tribu d’Éphraïm ; le reste rentre dans l’histoire générale d’Israël. Voir Israël (royaume d’).

III. Importance et caractère. — D’où vient le rôle prééminent qu’eut Éphraïm ? Il est permis d’en trouver la raison dans sa situation et son caractère, en dehors même des desseins de Dieu, manifestés par les bénédictions qui lui furent accordées. Les autres tribus du nord paraissent avoir été beaucoup moins maîtresses chez elles et soumises à des influences extérieures qui durent diminuer la part active qu’elles auraient pu prendre aux affaires intérieures. Nombreuses étaient les villes dont les Chananéens n’avaient pas été expulsés, et l’on sait de quelle puissance formidable disposaient encore les vaincus après la conquête. Sans compter les séductions pernicieuses que trouvaient ces tribus auprès de voisins comme les Phéniciens, elles étaient aussi plus exposées aux incursions des Bédouins pillards et de conquérants étrangers venant de Syrie, d’Assyrie ou d’Egypte. Leur pays, par la plaine d’Esdrelon, était ouvert à toutes les invasions. Bien différente était la position d’Éphraïm, qui jouissait d’une plus grande sécurité au sein de ses montagnes. On ne pouvait aborder ses plaines fertiles et ses vallées bien arrosées que par une ascension plus ou moins pénible, par des passes plus ou moins étroites, dangereuses pour une armée. Aucune attaque ne fut portée sur ce massif central, ni du côté de la vallée du Jourdain, ni du côté de la plaine maritime. Plus accessible par le nord, il était cependant facile à défendre, et un peuple moins affaibli par les dissensions intestines avait beau jeu pour protéger de ce côté-là même contre une invasion étrangère le cœur du pays. Outre ces défenses naturelles, la tribu posséda encore, au moins pendant assez longtemps, le double centre religieux et civil de la nation, Silo et Sichem. C’est autour de cette dernière ville et de Samarie que se concentra la vie de la nation.

A ces avantages physiques Éphraïm joignait une puissance morale, une énergie de caractère, qui fit de cette