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ÉPHÉSIENS (ÉPITRE AUX)


constances et au caractère de la lettre, qui était circulaire, générale, d’exposition positive, plutôt que polémique, particulière ou de discussion. Le seul point de comparaison est avec Rom., i, 6, ou viii, 25-39. C’est avec raison que Haupt caractérise les différences de style entre l’Épître aux Éphésiens et les autres Épitres de Paul en remarquant que celles-ci sont dramatiques et celle-là est lyrique. C’est bien, en effet, l’impression que donne la partie dogmatique des trois premiers chapitres, qui est une suite de bénédictions, d’actions de grâces et de prières. Pourquoi ne serait-ce pas un de ces hymnes dont Paul nous parle dans l’Épître aux Corinthiens et dont nous retrouvons des exemples ailleurs, I Cor., xiii, ou bien un xâpKTjva irvev|i(XTixbv, un don spirituel, comme l’Apôtre dit aux Romains, i, 11, qu’il veut leur en communiquer un, afin qu’ils soient affermis ? Quant aux autres reproches, on pourrait faire remarquer que les phénomènes visés sont plutôt caractéristiques de la langue de saint Paul. Voir Lasonder, Disquisitio de linguse paulinse idiomate, II, p. 110 et p. 15.

u. doctrine de L’Êpitre. — L’effort de la critique rationaliste a porté principalement sur la doctrine de l’Epître ; on a soutenu : 1° que les doctrines caractéristiques de saint Paul étaient absentes de l’Epître aux Éphésiens, et 2° que celles qu’on y trouve étaient étrangères à saint Paul. — 1° Absence de doctrines spécifiquement pauliniennes. — Puisque nous avons à répondre à des critiques qui refusent de tenir pour pauliniennes les Épitres pastorales et l’Épître aux Hébreux, nous puiserons nos arguments dans les autres Épitres de saint Paul, et, afin de tenir compte de l’hypothèse qui voit dans l’Epître aux Éphésiens une compilation formée à l’aide d’une lettre primitive aux Colossiens, nous laisserons même de côté cette Épltre aux Colossiens. On ne trouve plus, dit-on, dans la lettre aux Éphésiens la polémique contre les judaïsants, ni la doctrine de la justification par la foi, sur laquelle saint Paul revient avec tant d’insistance dans ses Épîtres incontestées. Cette doctrine ne se retrouve plus, en effet, ici dans les mêmes termes que dans les lettres où saint Paul avait à combattre les Juifs ou les chrétiens judaïsants, parce que l’Apôtre n’avait plus à convaincre des hommes pour qui la pratique de la loi aurait été la base nécessaire de la justification. Il parlait à des païens « morts par leurs offenses et par leurs péchés », Eph., Il, 1, et il leur déclare que c’est par la grâce qu’ils sont sauvés, ii, 6, par la foi, ii, 8, que cela ne vient pas d’eux, que c’est le don de Dieu : « ce n’est point par les œuvres, afin que personne ne se glorifie. » ii, 8, 9. Et il résume toute sa doctrine, telle qu’elle ressortait de l’Épître aux Romains, dans ces paroles adressées aux Éphésiens : « Car nous sommes son ouvrage (de Dieu), ayant été créés en Jésus-Christ pour de bonnes œuvres, que Dieu a préparées d’avance pour que nous y marchions. » ii, 10. Saint Paul insiste dans cette lettre sur le principe du salut, qui est la grâce de Dieu ; mais il n’oublie pas le moyen de salut, qui est la foi, ii, 8 ; iii, 17 ; vi, 23, productrice des bonnes œuvres, ii, 10. C’est bien la vraie doctrine de saint Paul. Rom., vi, 4, 14 ; iii, 20, 27 ; iv, 2 ; vin, 3, 4 ; ix, 11 ; I Cor., i, 29 ; Phil., ii, 12, 13. Il en est de même pour la conception de la chair, aipl, siège des désirs et du péché. Eph., ii, 3, et Rom., viii, 3 ; Gal., v, 13, 16, 19. Il serait possible en outre de montrer que les doctrines enseignées dans l’Épître aux Éphésiens se retrouvent dans les autres Épitres de saint Paul. Le projet de Dieu pour le salut des hommes, Eph., i, 4-11 = Rom., vin, 28-30 ; ix, 8-24 ; xvi, 25, 26 ; I Cor., ii, 7 ; Gal., iv, 4, 5 ; la réunion de tous les êtres en JésusChrist, Eph., l, 10, est esquissée dans ses parties constitutives dans Rom., viii, 34 ; iii, 22, 29-30 ; iv, 9, 16 ; v, 9-11 ; xi, 23-32 ; I Cor., xil, 27 ; Phil., ii, 9. Comparez encore Eph., i, 16, et Rom., i, 9 ; Eph., i, 20, et I Cor., xv, 25 ; Eph., i, 22, et I Cor., xv, 27 ; Eph., i, 22, 23, et Rom., xil, 5 ; I Cor., in, 6 ; Eph., ii, 5, et Rom., v, 6 ; Eph., iii, 4, et Rom.,


v, 1, etc. — 2° Présence de doctrines non pauliniennes.

— Il est certain que chaque lettre de saint Paul renferme une certaine portion de doctrine nouvelle par rapport aux autres lettres. Serait-il possible qu’un esprit aussi puissant que celui de l’Apôtre, favorisé qu’il était d’ailleurs par l’abondance des dons du Saint-Esprit, restât cantonné dans une unique doctrine, toujours exprimée de la même manière ? Si nous trouvons dans notre Épître des doctrines qui ne sont pas ailleurs, nous devons néanmoins les tenir pour pauliniennes, pourvu qu’elles ne soient pas contradictoires avec les précédentes et qu’elles puissent être considérées comme le développement naturel de doctrines antérieures. Or tel est l’enseignement de l’Épître aux Éphésiens. Il est inutile de répondre aux accusations de gnosticisme ou de montanisme dirigées contre l’Épître aux Éphésiens, puisque actuellement les critiques n’en tiennent plus compte. Comment d’ailleurs cette Épître aurait-elle pu être imprégnée du gnosticisme et du montanisme du n » siècle, puisqu’il est prouvé par les textes qu’elle existait à la fin du I er siècle ? — 1. Jésus-Christ occupe ici, dit-on, une place prédominante, qu’il n’a pas dans les autres Épîtres ; il est le médiateur de la création, le centre de la foi, de l’espérance et de la vie chrétienne, la source de toutes les grâces. Il est vrai que l’attention du lecteur est portée d’une manière spéciale sur Jésus-Christ ; mais toutes les attributions du Christ, mises au premier plan dans cette Épître, se retrouvent ailleurs. « Pour nous, dit saint Paul aux Corinthiens, I Cor., viii, 6, il n’y a qu’un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui sont toutes choses et par qui nous sommes. » Cf. I Cor., xv, 45-49 ; Rom., viii, 18-23. Voir aussi plus haut les textes sur la réunion en Jésus-Christ de tous les êtres. — 2. L’Église, ’ExxXrjata, est ici regardée comme un tout organique, formé de l’ensemble des Églises locales, tandis qu’ailleurs saint Paul ne parle que des Églises particulières. Cette idée de l’unité de l’Église est, affirme-t-on, étrangère à saint Paul. Il n’en est rien ; saint Paul a employé au sens collectif le mot’ExxXr]<7Ïa dans ses autres Épîtres, I Cor., xv, 9 ; Gal., i, 13 ; Phil., iii, 6, ou bien au sens abstrait, comme dans notre Épître. I Cor., x, 32 ; xii, 28. — 3. La relation du Christ avec l’Église n’est plus la même, dit-on, dans l’Épître aux Éphésiens que dans les autres Épitres. Ici le Christ est la tête, i, 23 ; iv, 15, tandis qu’ailleurs Jésus-Christ était le principe vital, qui animait le corps tout entier. I Cor., vi, 17 ; xii, 12. Il nous semble que ces deux métaphores, loin de s’exclure, aboutissent à exprimer la même idée, qui d’ailleurs était préparée dans les autres lettres, à savoir que l’Église est un corps, dont les chrétiens sont les’membres et Jésus-Christ la tête. Il y est, en effet, parlé des chrétiens, formant un seul corps dans le Christ, Rom., xii, 4, 5, étant le corps du Christ, I Cor., xii, 27, ou le Christ est déclaré la tête de l’homme. I Cor., xi, 3. Celle idée, en outre, ne pouvait être étrangère à saint Paul, bien qu’il ne l’ait pas exprimée en termes précis dans ses autres lettres, puisqu’elle ressort de l’enseignement même de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Matth., xxi, 42 ; Marc, xii, 10, 11 ; Luc, xv, 17. — 4. Saint Paul parle ici des Apôtres et des prophètes autrement qu’il ne le fait ailleurs. Ceci encore n’est pas exact. Cf. I Cor., xii, 28, 29 ; xv, 9, 11 ; iv, 9. L’épithète de « saints », qu’il donne aux Apôtres et aux prophètes, iii, 5, s’explique parle contexte ; il l’a employée ailleurs. Rom., i, 2 ; I Cor., xvi, 1 ; II Cor., viii, 4 ; IX, 1.

— 5. L’universalisme de cette Épître n’est pas celui des grandes Épitres. Ici les païens sont incorporés au peuple juif, tandis qu’ailleurs il n’y a plus ni Juif ni païen, mais une humanité nouvelle en Jésus-Christ. C’est bien encore de cette façon que dans l’Épître aux Éphésiens saint Paul conçoit le nouvel ordre de choses, « la réconciliation so fait en un seul corps avec Dieu. » ii, 16. — 6. Dans l’Épître aux Éphésiens seulement saint Paul parle de la descente de Jésus-Christ aux enfers, iv, 9. Si l’Apôtre n’en parle pas ailleurs, il y fait au moins allusion. Rom.,

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