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ÉPHÉSIENS (ÉPITRE AUX)


chez les critiques rationalistes, on se rend compte combien est peu décisif ce critérium de la langue, et du style. Pour en faire un usage légitime il faudrait posséder, pour les mettre en comparaison, des ouvrages du même auteur, écrits à peu près à la même époque et sur un sujet analogue.

1° Langue de l’Épître. — D’après Thayer, il y a quarante-deux mots dans cette Épltre qui ne se retrouvent ni dans saint Paul ni dans les autres écrits du Nouveau Testament ; il y en a, d’après Hollzmann, trente-neuf qui se rencontrent dans le Nouveau Testament et non dans les lettres de saint Paul, donc quatre-vingt-un mots inconnus à saint Paul, et dix-neuf qu’on ne trouve que rarement dans les écrits de saint Paul. Enfin de Wette cite une dizaine de mots qui n’ont pas dans l’Épitre aux Éphésiens le même sens que dans les autres Épltres. Une observation importante doit être faite tout d’abord. Les phénomènes que nous venons de relever se reproduisent dans les autres Épltres de saint Paul ; chacune d’elles a un certain nombre de mots que l’Apôtre n’a pas employés ailleurs, mais qui ne sont nullement caractéristiques, et elle possède aussi des mots qui sont des feai ; Xeyôjieva. Relativement, l’Épitre aux Éphésiens en a moins que la première Épitre aux Corinthiens. La première a 2400 mots et 42 cÉTt. Xey., la deuxième a 5000 mots et 108 o.k. Xey. ; par conséquent, il y a 2° / d’Sit. Xey. dans l’Épitre aux Corinthiens, et seulement 3/5 dans l’Épître aux Éphésiens. Mais il importe surtout d’examiner les mots de l’Épitre aux Éphésiens que saint Paul n’a pas employés ailleurs, les Épltres pastorales et l’Épître aux Colossiens exceptées. Il y en a quatre-vingt-un ; sur ce nombre it faut d’abord défalquer neuf mots qui ne se trouvent que dans les citations de l’Ancien Testament ; quinze se retrouvent dans l’Épitre aux Colossiens et sont pauliniens, puisque cette Épitre est actuellement tenue pour authentique en très grande partie, même par les critiques rationalistes. Quelques mots tels que ôryvota, ànonàu>, 8ûpov, [liyeôoç, çpôvi)<ji ; , ûij/oc, sont des mots si communs, qu’on s’étonne que saint Paul ne les ait pas employés dans ses autres Épîtres. Comment aussi ne retrouve-t-on pas dans ses lettres awtïipiov et svairXayxvo ; ? De plus, ces mots, employés une seule fois dans l’Épître aux Éphésiens, ne peuvent être regardés comme caractéristiques d’un écrivain. Parmi les mots signalés, il en est qui appartiennent à la description de l’armure du chrétien et par là même sont spéciaux ; il y en a six. Aé<rquoç, qu’on retrouve d’ailleurs dans l’Épitre à Philémon, i, 9, ne pouvait être employé que par Paul prisonnier. Cependant, lorsque Paul dit qu’il est dans les chaînes, il se sert du terme êv Seu[ioïç, voirPhil., i, 7, "13, 14, 17, tandis qu’ici il emploie : iv âXùoet ; « peffëeûw èv âMæt, vi, 20 : l’Évangile pour lequel je suis ambassadeur, vêtu d’une chaîne. Cette diversité des mots s’explique, parce qu’ici il s’agit de captivité en général plutôt que de chaînes concrètes. On trouve aussi plusieurs mots composés avec <xùv ; cela s’explique par le sujet traité : unité de l’Église, union du chrétien en Jésus-Christ ; il en est de même pour les mots é-/apiT « ><Tev, ixXi)pâ>6ï)|i.ev) demandés par l’idée développée. Les autres mots, tels que xocTapTia[16ç, irpoo-xapTÉp^atç, ôaioT7]î, avoi-Çic, ne peuvent être regardés comme étrangers à saint Paul, puisque celui-ci a employé des termes analogues : xaTapTi’Çw, xotTàpuixtç, itpo<TxapTepeîv, jac’wc, avoifo)- Remarquons enfin que l’Épitre aux Galates, regardée comme authentique même par Baur et son école, contient quarante-deux mots qui ne sont pas dans les autres Épîtres de saint Paul. Ceci montre le peu de valeur de ces calculs de mots. L’observation de de Wette serait plus sérieuse si elle était fondée. Saint Paul, dit-il, exprime autrement certaines idées, et les mots employés ici ont un sens différent dans ses autres Épîtres. Mais il n’en est rien. EuXoyîot, dans Eph., i, 3, a le même sens que dans Rom., xv, 39 ; oiûva, Eph., ii, 2 = Rom., xii, 2 ; Gal., i, 4 ; funiaou, Eph., iii, 9 = çwti’ohov, II Cor., iv, 4, 6 ; ivarf, piov, Eph., v, 32 = I Cor., xv, 51 ; xiii, 2 ; Rom., xi, 25 ; <xcp6ap<xta, Eph., vi, 24 = Rom., iii, 7 ; I Cor., xv, 53, 54 ; oixovofu’a, Eph., iii, 2 = 1 Cor., ix, 17. Les mots kXy]pow, Eph., iv, 10 ; hXt)Poù<tt : iii, Eph., i, 23 ; iii, 19 ; « Xt, pw (ia, Eph., i, 10, 23 ; iii, 19 ; iv, 13, mériteraient d’être discutés à part. En fait, ils ne sont que l’extension d’un sens de ces mots, familier à saint Paul. Quant à 81160Xoc, Eph., iv, 27 ; vi, 11, nous ne voyons pas pourquoi saint Paul l’a employé de préférence à Estoc-vcU, le mot dont il s’est servi huit fois dans les autres Épîtres. Les écrivains du Nouveau Testament emploient indifféremment SiâêoXo ; et Earotvâ ; , il est probable que saint Paul aura fait de même. Il serait trop long de nous arrêter aux autres expressions mises en cause ; on les trouvera discutées dans le commentaire d’Oltramare, et surtout présentées en détail dans Brunet, Authenticité de l’Épître aux Éphésiens, preuves philologiques, p. 59-75. Il serait aussi possible de prouver que les formules caractéristiques de cette Épitre se retrouvent dans saint Paul, c’est ce qui a été fait dans Brunet, Authenticité, p. 21-52. Enfin nous avons dans l’Épitre aux Éphésiens vingt-deux mots que saint Paul seul a employés, car on ne les retrouve pas dans le Nouveau Testament : àya6<TÛVï], v, 9 ; àXr, 6eôsiv, IV, 15 ; àvaxe^aXaioucOo », I, 1 ; àveïi/vt’aa-co ; , III, 8 ; àitXÔTïjç, vi, 5 ; àppaêûv, 1, 14 ; lm-/oç-tftla., iv, 6 ; eûvoia, vi, 6 ; eûwSia, v, 2 ; GôXtisiv, v, 29 ; xâpi-TtTeiv, m, 14 ; Tteptx-paXaia, vi, 17 ; TtXeovéxTvic, v, 5 ; 7toîr)[ia, II, 10 ; jtpea-êeûeiv, vi, 20 ; 7cpoerot[iâÇetv, II, 10 ; Tipooaytoy^, II, 18 ; 7cpoTt6ej9a[, I, 9 ; utoôetria, I, 5 ; ÛTcepëâXXssv, I, 9 ; ii, 2 ; Û7tepexTepi<T<Toû, iii, 20 ; àpa oiv, ii, 19, très remarquable comme caractéristique du style de saint Paul, qui l’a employé douze fois, tandis que les autres écrivains du Nouveau Testament ne l’emploient jamais. 2° Style de l’Epître. — 1. Le style de l’Épitre, a-t-on dit, est lourd, embarrassé, diffus ; les particules logiques oîv, apa, apa oiv, 81b, 81<Sti, yàp, y sont rares ; l’auteur abuse de Voratio pendens. Les phrases sont d’une longueur démesurée ; elles sont reliées par des clauses qui insèrent mal les propositions l’une dans l’autre, ou elles sont coupées de parenthèses ou brisées par des constructions grammaticales irrégulières. Il y a répétition des mêmes mots, accumulation de génitifs. Haupt, Der Brief an die Epheser, p. 56, relève quatre-vingt-treize génitifs. Il signale les liaisons prépositionnelles, étrangères à saint Paul : àyaôbç 7tpôç ti, iv, 29 ; àyâroi [isrà TtfaTCwç, vi, 23 ; 8éy]<ti ; nepi, vi, 18 ; xa-à ttjv eû80xiav, i, 5, 9 ; les unions de mots autres que dans saint Paul : àyarcàv T7jv’ExxXï)<n’av, v, 25 ; 818ôvai ttvi tt, i, 22 ; forte yivwmcovrec, v, 5 ; îva, avec l’optatiꝟ. 1, 17 ; iii, 16 ; 7tXïipoûa8ai ef « ti, ii, 19. Les mêmes observations pourraient être faites au sujet d’autres Épîtres. Toutes les fois que l’Apôtre ne combat pas directement des adversaires et qu’il expose une doctrine, son style devient traînant. Voir Colossiens (Épître aux), col. 873. Les particules logiques, étant donné que l’Apôtre raisonne peu ici, sont cependant suffisamment représentées : .o5v, quatre fois ; àpa oiv, une fois ; 811>, cinq fois ; yàp, onze fois. C’est à peu près les mêmes proportions que dans l’Épitre aux Galates. Les longues phrases, basées sur Voratio pendens, se retrouvent dans les Épîtres incontestées de Paul, quand il fait, comme dans les passages incriminés de l’Épître aux Éphésiens, i, 3-14, 15-23 ; ii, 1-10, 11-18 ; iii, 1-12, 14-19 ; iv, 11-16, des souhaits aux fidèles, Rom., i, 1-8 ; Gal., i, 1-6, ou des actions de grâces à Dieu pour eux, I Cor., i, 4-9 ; Phil., i, 3-8, ou bien dans les expositions doctrinales ou historiques. Rom., ii, 13-16 ; iv, 16-22 ; V, 12-21 ; Gal., ii, 1-11 ; Phil., i, 26-30. Il est inexact que la phrase de l’Épitre soit verbeuse ; elle est plutôt condensée, pleine de pensées et marchant d’une allure très grave. Von Soden, comparant l’Épître aux Éphésiens aux autres lettres de Paul, dit que les deux écrivains de ces Épltres avaient des caractères différents ; l’un était flegmatique et l’autre colérique. Le calme qui se montre dans notre Épitre est peut-être dû aux cir-