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1854
ÉPHÉSIENS (ÉPITRE AUX)


où, suivant Cornely, à la fin de l’an 63. Voir les preuves, Colossiens (ÉpItre aux), t. ii, col. 867-869. Harnack, Die Chronologie der altchr. Literatur, t I, p. 717, place les Épîtres de la captivité, aux Colossiens, à Philémon, aux Éphésiens, aux Philippiens, en l’an 57-59 (56-58). Il est difficile de dire laquelle, de l’Épitre aux Colossiens ou de celle aux Éphésiens, a été écrite la première. Elles présentent des ressemblances si frappantes d’idées et de termes, qu’elles ont dû être composées à la même époque, peut-être à quelques jours de distance seulement. La lettre aux Colossiens étant plus particulière, visant des erreurs plus définies, et celle aux Éphésiens étant plus générale, on en a conclu ordinairement à la priorité de l’Épitre aux Colossiens ; cette fixation repose sur des données toutes subjectives.

IV. Canonicité. — La canonicité de l’Épitre aux Éphésiens ressort de ce fait que, ainsi que nous allons le démontrer, elle a été employée par les Pères de l’Église des premiers siècles comme Écriture divine, et qu’elle est cataloguée dans la plus ancienne liste d’écrits canoniques, le canon de Muratori, et dans les autres canons. Elle est dans les vieilles versions latines et syriaques, dans les plus anciens manuscrits, Vaticanus etSinaiticus, avec ce titre : ad Ephesios.

V. Authenticité. — 1° Preuves extrinsèques. — La tradition chrétienne a unanimement cru que l’Épitre aux Éphésiens avait été écrite par saint Paul. Saint lrénée est le premier qui nomme Paul comme l’auteur de cette lettre, mais elle a été connue par les Pères apostoliques. Quelques passages de saint Clément Romain ont pu être inspirés par l’Épitre aux Éphésiens : I Cor., xlvi, 5, 6, 1. 1, col. 308, et Eph., iv, 4-6 ; I Cor., lxiv, t. i, col, 304, et Eph., i, 4 ; I Cor., xxxvi, 2, t. i, col. 281, et Eph., i, 18 ; I Cor., xxxviii, 1, t. i, col. 284, et Eph., v, 21. Les ressemblances entre ces divers passages sont très vagues, et il serait possible qu’elles viennent du fond commun de la tradition chrétienne ; deux seulement ont plus de consistance. Chap. lxiv, t. i, col. 304, saint Clément dit en parlant de Dieu : ’0 £xXe ! |àu£voc tôv Kvpsov’It)<joOv Xpuiôv xct *ii*5î Si’ctÙToû eïç ao-i nspioiiffiov. Quoique ce texte ait pu avoir son origine première dans le Deutéronome, xiv, 4, la combinaison de l’élection de JésusChrist et de celle des chrétiens par le moyen de Jésus-Christ pour être le peuple préféré de Dieu, la seconde élection dépendant de la première, cette combinaison rappelle de très près Eph., i, 4.

— Chap. xlvi, 6, t. i, col. 307, saint Clément demande aux Corinthiens : "H où/i êva ©ebv s^opttv xai eva Xptjrov xa êv mve’j|ia ttjç ^âpiTOç t’o èx^uflèv èç’t^ïç, xa fiîa xXfjot ; h Xpio-E<jS ; paroles qui rappellent Eph., iv, 4-6, et cela d’autant plus que saint Clément ajoute : « Pourquoi disperser les membres du Christ et troubler par des séditions son propre corps, et en venir à une telle folie d’oublier que nous sommes les membres les uns des autres ? » Cf. Eph., IV, 25. — La Doctrine des douze Apôtres, IV, 10, 11, et l’Épitre de Barnabe, xix, 7, t. ii, col. 777, contiennent des préceptes aux maîtres et aux serviteurs, lesquels ressemblent beaucoup à ceux de l’Épitre aux Éphésiens, vi, 9, 5. — Les critiques ne sont pas d’accord sur le sens de ce passage de saint Ignace d’Antioche, Ad Eph., xii, 2, t. v, col. 656 : « Vous êtes les co-initiés, ffu(i[ivffTai, de Paul, ôç iv tïxctt] eTuatoXy] [ivyjfioveuei 6[icov. » Fautil traduire : Paul, qui, dans toute sa lettre ou dans toute lettre, se souvient de vous ? Le premier sens supposerait une allusion de saint Ignace à l’Épitre aux Éphésiens, mais il est peu conforme aux règles grammaticales. On retrouve cependant dans la lettre de saint Ignace aux Éphésiens plusieurs expressions qui ont pu être inspirées par l’Épitre aux Éphésiens. Voir en particulier l’adresse de l’épître, t. v, col. 644, et Eph., i, 1 ; Ad Eph., 1, 1, t. v, col. 644, (iipirjT*t ôvte ; éîoû, cf. Eph., v, 1. Dans l’épître à Polycarpe, v, 1, t. v, col. 724, Ignace l’engage à ordonner à ses frères : àixr.iv ti ; « uilSîo-jç <î> ; & KOpio ; ït|v’ExxXtjjîï’». Cf. Eph., v, 29. La description de l’armure

que doit revêtir le chrétien, Ad Polyc, vi, 2, t. v, col. 726, a été suggérée par Eph., vi, 11. Saint Polycarpe écrit aux Philippiens, i, 3, t. v, col. 1005 : EiSfoe ; ôti zipirt è<rre aeuwfiivoi o-jx IÇ ëpY<ov àXXà 6eXirç|j.aTi 0eoO 8tà’It)<joO Xpurroû ; cf. Eph., ii, 8, 9. Comparez encore Polycarpe, Ad Philipp., xii, 1, t. v, col. 1014, et Eph., iv, 26 ; Hermas, Mand., iii, 1, t. ii, col. 917, et Eph., iv, 25, 29 ; Mand., x, 2, 5, t. ii, col. 940, et Eph., iv, 5. Saint Justin, Contra Tryph., xxxix, 7, t. vi, col. 559, cite le Psaume lxviii, 19, sous la forme que lui donne Eph., iv, 8. Saint lrénée, citant des passages de l’Épitre aux Éphésiens, Eph., v, 30 ; ï, 7 ; ii, 11-15, les introduit par ces paroles : Kaôùic à [iaxip-.o ; IlaûXoc çTjtriv èv tïj itpô{’Ef e<n’ou « ImffToXïj, Adv. hser., v, 2, 3, t. vii, " col. 1126, et : Quemadmodum apostolus Ephesiis ait, Adv. hser., v, 14, 3, t. vii, col. 1163. Clément d’Alexandrie attribue aussi nommément l’Épitre aux Éphésiens à saint Paul, Strom., iv, 8, t. viii, col. 1275 ; Psed., i, 5, t. viii, col. 270. Il en est de même d’Origène, De princip., iii, 4, 1. 1, col. 328. Du témoignage de Tertullien, Adv. Marc, v, 11, 17, t. ii, col. 500 et 512, il ressort qu’il a existé une lettre de Paul, que Marcion disait avoir été adressée aux Laodicéens, tandis qu’au témoignage de l’Église elle l’avait été aux Éphésiens. Pour le témoignage que les hérétiques, Naasséniens, Basilides, Valentin et ses disciples Ptolémée et Théodote, rendent à l’authenticité de l’Épitre aux Éphésiens, voir les références dans Cornely, Introd. in Novi Test, libros, p. 506-507. — Après avoir discuté les preuves externes d’authenticité, Ilort conclut qu’il est à peu près certain que l’Épitre existait vers l’an 95, et absolument certain qu’elle existait quinze ans plus tard. On pourrait faire remarquer que l’existence de l’Épitre aux Éphésiens se trouve attestée par l’usage qui en a été fait dans la première ÉpItre de Pierre. Cette question sera discutée plus loin.

2° Preuves internes. — Les critiques qui nient, en totalité ou en partie, l’authenticité de l’Épitre aux Éphésiens présentent surtout des arguments tirés de l’examen interne de cette lettre. Usteri, Entwkkelung des paulinischen Lehrbegriffs, 1824, émit, sous l’influence de Schleiermacher, des doutes sur l’authenticité de l’Épitre aux Éphésiens. Ainsi qu’on le voit par son Einleitung in das Neue Test., publié en 1845, Schleiermacher rejetait cette Épitre, parce qu’elle n’était paulinienne ni par la langue ni parles idées ; deWette, Einleitung in das Neue Test., 1826, soutint que l’Épitre aux Éphésiens, œuvre d’un disciple de Paul, était une paraphrase verbeuse de l’Épitre aux Colossiens ; Ewald, Davidson, Renan, Ritschl, Weizsàcker, ont adopté cette théorie, en la modifiant pins ou moins. Baur et ses disciples, Schwegler, Kôstlin, Hilgenfeld, Hausrath, ont cru découvrir dans l’Épitre aux Éphésiens des traces de gnosticisme et de montanisme, et l’ont repoussée jusqu’au milieu du n » siècle. Pfleiderer la regarde comme l’œuvre d’un judéo-chrétien, paulinien, désireux de réconcilier les partis adverses. Hitzig et Holtzmann supposent qu’il a existé une lettre primitive de saint Paul aux Colossiens, d’après laquelle un disciple de Paul a écrit l’Épitre aux Éphésiens ; de Soden et Klbpper ont plus ou moins modifié cette hypothèse, mais ont nié l’authenticité. — Toutes les objections soulevées contre l’authenticité de l’Épitre aux Éphésiens peuvent être classées sous trois chefs : la forme, le fond de l’Épitre et ses rapports avec l’Épitre aux Colossiens.

ï. forxb de L’épître. — Nous devrions d’abord répéter les réflexions que nous avons déjà faites, col. 872, à propos d’objections analogues dirigées contre l’Épitre aux Colossiens, à savoir qu’un écrivain serait bien monotone, si on trouvait dans ses livres toujours le même nombre restreint de mots ; en outre, qu’il est difficile de juger la langue d’un écrivain dont on a quelques lettres seulement, et qu’en tout cas les Pères grecs, bons juges en la matière, ont tous accepté cette Epitre comme étant de saint Paul. Constatons seulement qu’actuellement, même