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EPHESE

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hoplites, par les terres fermes, vers le Coressus, et les cavaliers avec tout ce qui était légèrement armé par les lieux marécageux, vers le reste de la ville, ênl xà ëxepat xîj ; iréXeoç. Donc le Coressus faisait partie de la ville, et cela en 4M avant J.-C, c’est-à-dire avant Lysimaque, ^quand Éphèse était encore groupée autour de l’Artémisium. Le double mouvement que concertait Thrasyllus et que Diodore, xiii, 64, précise : xaxà 8yo xénou ; npoaêo>. « ç licoi-^aizo, est tout naturel dans mon hypothèse : une partie de l’armée marche sur la ville vers l’ouest, le long des marais Sélinusiens, et l’autre arrive par le nord, cherchant à surprendre les hauteurs du Coressus, château actuel d’Ayassoulouk. Un texte d’Hérodote, v, 100, suppose que le Coressus touchait au port primitif d’Éphèse. C’est là que, en 502 avant J.-C, les Ioniens laissent leurs vaisseaux pour aller assiéger et incendier Sardes : èv Kop^ffo-w xîjî’Efta(ri. La mer, d’après ce même auteur, II, 10, arrivait alors au temple de Diane. Cf. Pline, ii, 87. Enfin, toujours d’après le même historien, la vieille ville, Hérodote, ii, 26, du temps de Crésus, était à sept stades du temple, ce qui est exact si on la place sur les hauteurs d’Ayassoulouk.

Cette première difficulté de la topographie générale d’Éphèse étant élucidée, il faut se rappeler que Lysimaque déplaça la ville, ainsi qu’il a été dit plus haut, en la séparant du temple, pour la maintenir au bord de la mer qui fuyait. Dès lors’on cherchera l’Éphèse grécoromaine, celle où vécurent saint Paul, saint Jean et les hommes de l’époque apostolique, au versant septentrional des monts de l’Acropole et au versant occidental du Prion. Les ruines y sont assez considérables pour permettre une reconstitution sérieuse de la grande cité, et les récentes fouilles, dont M. Benndorf et M. Weber nous ont transmis les résultats, donneront un intérêt particulier à ce travail.

Après avoir franchi un petit cours d’eau, probablement l’un des deux bras du Sélinus, qui touchait jadis au péribole du temple, Strabon, VIII, vii, 25, on atteint une chaussée qui contourne la partie orientale du Prion et fut jadis une voie de tombeaux. Parmi les sarcophages qui la bordent des deux côtés, il en est un plus important dont la situation, correspondant assez bien à l’indication de Pausanias, VII, Il, 9, fait songer à celui d’Androclus. La base, mesurant cinq mètres sur cinq, et en belles pierres taillées, subsiste seule. Ni le temps ni les hommes n’ont fait grâce soit au monument soit à la statue du guerrier en armes qui en était la décoration principale. Si l’on se dirige au sud, vers la porte dite de Magnésie, on rencontre de grands blocs carrés, ayant servi, à droite et à gauche, de supports à de puissantes colonnes : ce sont les restes du Portique couvert que le rhéteur Damianos avait fait bâtir pour abriter à l’occasion les théories venant de l’Artémisium ou s’y rendant. Quant à la porte de Magnésie, qui par ses dispositions rappelait assez bien le Dipylum d’Athènes, elle avait trois ouvertures, une de chaque côté pour les chars, et celle du milieu pour les piétons. Des tours fortifiées la défendaient. Les deux routes, celle de Magnésie et celle de l’Artémisium, auxquelles elle livrait passage, se séparaient à cinquante mètres des murs de la ville. Franchissons les arasements de cette porte, par où Paul et tant d’autres personnages apostoliques sont passés, et pénétrons dans la ville gréco - romaine, celle qui a pour nous le principal intérêt.

La première ruine qui se dresse à notre droite est un jjymnase, celui qu’on appelait de l’Opistholépré, et qui, abrité au nord par le Prion et présentant ses cours et ses terrasses au midi, devait être particulièrement recherché en hiver. On peut constater, en outre, que des calorifères y étaient disposés pour entretenir à l’intérieur une température au gré de ceux qui le fréquentaient. Saint Paul s’est certainement promené et a discouru sous les portiques à moitié ruinés qu’on y voit encore. Ces vieilles

briques et les blocs de pierre qui les supportent ont entendu les appels énergiques qu’il adressait aux âmes au nom de Jésus-Christ. Deux édifices que l’on voit à quelques pas de là, sur la gauche, en prenant la route vers le couchant, entre le Prion et le mont de l’Acropole, ont été peut-être, l’un une basilique païenne transformée plus tard en église, l’autre un héroon de forme circulaire, devenu baptistère de la basilique dans sa partie haute, et crypte funéraire dans sa partie basse. Rien de moins fondé que sa dénomination de tombeau de saint Luc, cet évangéliste étant mort en Achaïe et ayant été enseveli à Patras. Suivent de près quelques piédestaux de l’époque romaine avec inscriptions, puis le marché aux Laines, au delà duquel un mausolée rappelle par son architecture celui de Cëcilia Métella sur la voie Appienne.

A l’issue du petit col formé par les deux montagnes et avant d’entrer dans la vallée qui s’ouvre sur la mer, on trouve vers la droite et adossé au Prion un Odéon ou petit théâtre, rappelant celui d’Hérode Atticus à Athènes. Il était de marbre blanc, avec une colonnade de granit rouge dans sa partie haute. Vis-à-vis, sur la gauche, élevé sur un soubassement de neuf couches de grandes pierres taillées, un temple dominait l’agora et semblait vouloir rivaliser avec un autre monument suspendu à la pente du mont de l’Acropole et communément appelé le Temple de Claude. Les quatre colonnes monolithes et cannelées ornant la façade de celui-ci mesuraient quinze mètres trente de hauteur. La frise et le fronton étaient du meilleur travail.

Mais revenons à l’agora, qui, au premier aspect, ne présente qu’un amas informe de ruines envahies par les ronces et les orties gigantesques. Là fut le centre de la vie politique et sociale d’Éphèse. Il faut savoir gré au comité autrichien d’avoir porté sur ce point l’effort récent de ses recherches. Les découvertes déjà faites dictent des modifications importantes à la topographie d’Éphèse gréco - romaine adoptée jusqu’à ce jour. (Cf. Les Pays bibliques, t. iii, p. 138 et suiv., et Les sept Églises de l’Apocalypse, p. 127 et suiv.) C’est par une rampe rapide, où dut être jadis un escalier, qu’on descend à l’ancienne agora, visiblement délimitée par une série de portiques détruits. À première vue, cette place publique rectangulaire, avec son puits au milieu, semble d’assez mesquines proportions. Il est vrai qu’une avenue se dirigeant vers le port romain lui servait de prolongement. Sous les colonnades, entre les boutiques des marchands et enchâssées dans le mur, des plaques de marbre apprenaient aux promeneurs les lois de l’Ionie. C’est probablement sur cette place publique qu’après l’incident des fils de Scéva, battus par les démons, Act., xix, 19, on brûla les livres de magie et de sortilèges qui, depuis longtemps, servaient à tromper la crédulité des Éphésiens. C’est de là que dut partir l’agitation, se transformant bientôt en émeute populaire, des ouvriers excités par l’orfèvre Démétrius, qui voyait son commerce de statuettes représentant soit le temple, soit Diane elle-même, et d’amulettes diverses péricliter sérieusement depuis que Paul battait en brèche le culte des faux dieux. Voir Diane, col. 1405. De l’agora au théâtre il y avait environ deux cents mètres. Les émeutiers s’y rendirent en tumulte, entraînant avec eux deux Macédoniens, Gaïus et Aristarque, compagnons de saint Paul. Ils entendaient probablement déterminer le peuple à en faire une exécution sommaire. Paul, apprenant le danger que couraient ses amis, voulut aller seul affronter l’orage et parler au peuple. Ses disciples le retinrent de vive force. Quelques Asiarques même, de ses amis, se sentant incapables de le protéger, le supplièrent de ne pas paraître au théâtre, où la foule, comme il arrive souvent, furieuse sans savoir exactement pourquoi, passa deux heures à crier obstinément : « Diane, la grande déesse des Éphésiens ! »

La cavea du fameux théâtre (fig : 585) Fe dessine toujours grandiose et profonde au flanc occidental du Prion ; mais