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ENGADDI


pierres sèches, régulièrement alignés sur les flancs des collines méridionales, rappellent seuls l’existence antérieure de ces vignobles. Près de la source croit une plante qui ne se rencontre qu’à Engaddi, en Nubie et dans l’Arabie du sud ; c’est une asclépiadée appelée Calotropis procera, nommée orange de Sodome par les pèlerins. Presque arborescente, elle a des rameaux verts, gorgés de sucs, des feuilles grandes, ovales, lancéolées, opposées deux à deux. Un suc laiteux, blanc et sans goût, s’en dégage abondamment, lorsqu’on fait quelque incision. Le fruit, gros comme une petite orange, est d’une couleur jaune pâle. Lorsqu’il est mûr, l’enveloppe

Ras-el-Aïn

(Source tiède J

Bassins

arfi

Mer

Morte

Ouest

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572. — Coupe de la (alaise d’Aïn-Djédi.

a. Calcaire compact gris.

b. Marnes blanchâtres.

c. Calcaire marneux.

d. Marnes blanches.

e. Calcaire marneux blanchâtre.

I. Marnes à Ostrea Olisiponensis, flabellata grand cardinm, etc., avec un banc d’O. Olisiponensis à la partie supérieure.

g. Calcaire et marnes.

h. Marnes crayeuses bigarrées de jaune et de rouge, avec vésicules de gypse parcourant la masse dans tous les sens, écailles de poissons et quelques foraminifères.

i. Calcaire gris blanchâtre, avec Ostrea Mermeti, var., Mlnor, petites 0. Vesicularia, var., Judaica, Janira œquicoslâta, et nombreux foraminifères.

j. Calcaire compact, avec les mêmes fossiles.

k. Calcaire dolomitique gris foncé, avec quelques silex gris et des empreintes de janires et d’exogyres.

A. Dépôts récents de la mer Morte.

B. Dépôts d’incrustation, avec empreintes végétales. D. Brèches calcaires.

papyracée se brise et laisse échapper des graines soyeuses, dont se servent les Bédouins pour faire des mèches de fusils, ou que les femmes filent avec le coton pour en tresser les cordes destinées à retenir le kouffiéh des hommes sur le front. On trouve de même à Ain Djédi la pomme de Sodome (Solarium melongena), dont le fruit, de la grosseur d’une pomme d’api, laisse échapper, lorsqu’on l’écrase, une quantité innombrable de fines graines, qu’on a quelquefois prises pour de la cendre. Enfin, sur les hauteurs désertes du nord, on trouve la célèbre crucifère appelée à tort rose de Jéricho (Anastatica hierochuntia). Cf. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, dans le Tour du monde, t. xliii, p. 156-159.

Les seules ruines que l’on rencontre aujourd’hui en cet endroit sont celles d’un moulin et de deux bassins antiques assez profonds, situés entre le plateau et la plage. La plaine, qui s’étend un peu au sud, est cultivée par les Arabes Rscheidé, qui y sèment un peu de blé, de doura et une assez grande quantité de concombres. Les montagnes environnantes sont percées de nombreuses grottes ; on sait comment David y vint un jour chercher

un refuge, et coupa un pan du manteau de Saùl. I Iteg., xxiv, 1, 2-5. Cf. W. M. Thomson, The Land and the Book, Londres, 1881, t. i, p. 313. De nos jours comme à cette époque, ces rochers escarpés sont habités par de nombreux troupeaux de bouquetins bedens, d’une admirable agilité, et dont les cornes noueuses servent à faire des manches de poignards. Cf. I Reg., xxiv, 3. Voir Bouquetin, t. i, col. 1893. Ces montagnes dénudées, longue série de roches blanchâtres et calcaires, déchirées çà et là par des bandes de silex noirs, constituent le désert d’Engaddi. I Reg., xxiv, 2. Des herbes à la teinte grise, des genêts rabougris, animent seuls le paysage.

Du plateau d’Aïn Djédi la vue est splendide. Au pied des falaises s’étend la mer Morte, que l’on aperçoit à peu près dans toute son étendue ; au nord, c’est le promontoire de Râs Feschkhah et l’embouchure du Jourdain ; à l’est se dressent les monts de Moab avec la ville et le château fort de Kérak, puis la presqu’île basse et marécageuse de la Lisdn. Vers le sud, la vue est bornée par la sombre montagne de Sebbéh, sur laquelle était bâtie la ville forte de Masada. Enfin, à l’ouest, les hauts escarpements déchirés et arides rappellent certains passages des Alpes. Cette région, sur laquelle plane le silence du désert, a, sotis les feux du soleil couchant ou les rayons argentés de la lune, quelque chose de très impressionnant. — Cf. U. J. Seetzen, Reisèn durch Syrien, Palàstina, édit. Fr. Kruse, Berlin, 1854, t. ii, p. 220-239 ; Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. i, p. 504-509 ; duc de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, t. i, p. 83-86 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. iii, p. 384-386 ; W. M. Thomson, The Land and the Book, t. i, p. 312-320.

III. Histoire. — Engaddi apparaît pour la première fois dans la Bible sous son nom d’Asasonthamar, à propos de l’expédition de Chodorlahomor. Gen., xiv, 7. Elle était alors au pouvoir des Amorrhéens, qui furent battus par le roi d’Elam et ses alliés. Au moment de la conquête de la Terre Promise par les Hébreux, elle tomba dans le lot de Juda. Jos., xv, 62. Son désert servit de retraite à David, pendant qu’il subissait la persécution de Saùl. I Rég., xxiv, 1, 2. À l’époque de Salomon, elle était renommée pour ses vignobles, Cant., i, 13, qui existaient encore aux xile, xve siècles, et même au commencement du siècle dernier. « Un passage fort intéressant de Ludolphe de Suchen relate que les Templiers transportèrent des cépages provenant d’Engaddi dans leur domaine de Chypre, situé près de la ville de Baphe, et le pèlerin allemand dit qu’il ne compta pas moins de dix espèces de raisins cultivés dans cet enclos. » E. Rey, Les colonies franques de Syrie aux XIIe et xm* siècles, Paris, 1883, p. 250, 251. Les Moabites et les Ammonites avec leurs alliés, marchant contre Josaphat, roi de Juda, vinrent camper à Asasonthamar ou Engaddi, suivant la coutume des bandes pillardes qui envahissent la Palestine du sud en venant de Moab. Elles sont sures de trouver là de l’eau et des pâturages. Elles peuvent en même temps choisir les routes les plus propices à l’attaque. Le prophète Ézéchiel, xlvii, 10, pour montrer les changements merveilleux que l’Évangile apportera au monde, représente les eaux du lac Asphallite comme adoucies, remplies de poissons, et « les pêcheurs se tenant sur ces eaux, séchant leurs filets, depuis Engaddi jusqu’à Engallim ». Josèphe, Bell, jud., III, vii, 5, la cite parmi les onze toparchies de Judée, et plus loin, IV, ut, 2, il raconte que les sicaires réfugiés à Masada s’emparèrent un jour de cette petite ville, peu de temps avant la prise de leur forteresse par Flavius Silva, préfet de Judée sous Vespasien (an 73). Josèphe, Bell, jud., VII, viii, 1-7. — Pline, H. N., v, 17, mentionne les ermites esséniens qui y vivaient. Les Talmuds parlent du baume qu’on cueillait depuis Engaddi jusqu’à Ramatha. Cf.