Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/920

Cette page n’a pas encore été corrigée
1769
1770
ENCENS


rieure et n’arrivent pas en Europe ni même dans l’Asie antérieure. Tout ce que le commerce y importe comme encens de l’Inde n’a pas réellement cette origine. Enfin plusieurs arbres appartenant à d’autres familles, spécialement aux Conifères, donnent des résines aromatiques souvent prises pour le véritable encens ou employées à le sophistiquer (Juniperus phœnicea et thurifera, Pinus Tœda, etc.). F. Hy.

II. Exégèse. — 1° Identification. — Il n’y a pas de doute que lebônâh ne désigne l’encens. On retrouve le même mot, avec de légères modifications dialectales, dans les langues congénères : lebûnfà’, lebôntâ’en araméen, lebûntô" en syriaque, lobdn en arabe ( cꝟ. 1123b en phénicien ) ; et il s’entend certainement de cette espèce de gomme odorante. Du sémitique le mot est passé en grec sous la forme Àfêavo ; , et invariablement les Septante en font la traduction du lebônâh hébreu, que la Vulgate rend également par thus. La racine du nom est pb, lâban, « être blanc ; » sans doute c’est à l’encens de couleur blanchâtre, à l’encens le plus pur, qu’il fut d’abord appliqué. Cf. Pline, H. N., xii, 32 ; Théophraste, Hist. plant., ix, 4. — Certains grammairiens ont prétendu que

5C0. — Boswellia papyHfera.

Hameau fleuri après la chute des feuilles. — À droite, fleur,

bouton et fruit. — À gauche, goutte de résine.

X18avo ; désignait l’arbre, et), 16ava)TÔ ; l’encens. Mais les anciens auteurs ont employé le mot Xiëavo ; et pour l’arbre et pour la gomme, et >16xvù>t<5 ; exclusivement pour cette dernière. J. F. Schleusner, Novus thésaurus philologico-criticus, in-8°, Leipzig, 1820, t. iii, p. 453. Dans le texte sacré, lebônâh n’a que le sens d’encens ; il en est de même du Wëavoc des Septante, qui n’emploient qu’une fois X16av(aT<5 ; . II Par., ix, 29. Sans doute il est question de l’arbre dans Gant., iv, 14 ; mais on emploie l’expression’âsê lebônâh, « arbres d’encens, » c’est-à-dire arbres qui produisent le lebônâh, l’encens.

— Si les anciens connaissaient bien l’encens, ils n’avaient sur l’arbre qui le produisait que des renseignements vagues et en partie erronés. Théophraste, Hist. plant., ix, 4 ; Diodore de Sicile, v, 41 ; Pline, H. N., xii, 31. Ce dernier avoue qu’on n’est pas d’accord sur la forme de l’arbre, et que les Grecs en ont donné les descriptions les plus variées. Également sur des relations plus ou

moins sûres, Théophraste, H. P., ix, 14, et Pline, H. N., xii, 32, expliquent la façon dont on le récoltait. À l’époque des plus grandes chaleurs, s’il faut en croire le naturaliste romain, on pratiquait des incisions sur les arbres, là où l’écorce est le plus mince et le plus tendue. « On dilate la plaie, sans rien enlever. Il en jaillit une écume onctueuse, qui s’épaissit et se coagule ; on la reçoit sur des nattes de palmier ou sur une aire battue. On fait tomber avec un instrument de fer ce qui est resté attaché à l’arbre. » Des voyageurs plus modernes ont découvert et décrit les véritables arbres à encens : ce sont diverses espèces du Boswellia.

2° Provenance. — C’est de Saba, Sebâ", que le texte sacré fait venir l’encens. D’après lsaïe, lx, 6, les caravanes venant de Saba doivent apporter à Jérusalem l’or et l’encens. « Qu’ai-je besoin de l’encens qui vient de Saba ? » dit le Seigneur dans Jérémie, VI, 20. Aussi dans la quantité d’aromates apportés à Salomon par la reine de Saba, il est naturel d’y ranger l’encens. III Reg., x, 2, 10 ; II Par., ix, 1, 9. Dans son chapitre sur le commerce de Tyr, Ézéchiel, xxvil, 22, ne nomme pas non plus l’encens en particulier ; mais il le comprend évidemment sous l’expression générale : « Les marchands de Saba et de Réema trafiquaient avec toi ; de tous les aromates les plus exquis ils pourvoyaient tes marchés. » L’encens apporté à la grande Babylone, Apoc, xviii, 13, venait sans doute du même pays, bien qu’il ne soit pas désigné : ce passage sur le commerce de Rome offre les plus grandes analogies avec la description d’Ézéchiel, xxvii. En parlant des mages qui apportent de l’encens à l’enfant Jésus, saint Matthieu, 11, 1, 11, ne désigne leur pays que par l’expression vague d’Orient.

D’après l’Écriture c’est donc d’Orient, du pays de Saba, que venait l’encens. Le pays de Saba et la région limitrophe, l’Hadramaut, c’est-à-dire la partie de l’Arabie méridionale ou l’Arabie Heureuse qui s’étend sur le littoral du golfe Arabique et sur la côte du sud, étaient renommés dans l’antiquité comme le pays de l’encens. « Les Sabéens, les plus connus des Arabes à cause de l’encens, » dit Pline, H. N., vi, 32. Et encore : « La région thurifère, c’est Saba, » Pline, H. N., su, 30 ; Théophraste, Hist. plant., ix, 4 ; Strabon, xvi, 19, parlent de même ; enfin Virgile dit, Georg., 1, 58 :

Solis est thurea virga Sabæis.

On peut voir dans Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. 1, p. 240, 241, de nombreuses citations où des auteurs anciens vantent l’encens de Saba.

Mais était-ce vraiment la patrie de l’encens, ou bien n’était-ce que le principal entrepôt de ce commerce ? Il est certain que pour plusieurs espèces d’aromates les Arabes n’étaient que les entremetteurs : c’est de l’Inde et de l’Afrique qu’ils tiraient ces produits ; ils cachaient soigneusement le pays d’origine, laissant croire qu’ils venaient de chez eux, afin de conserver le monopole de la vente sur les marchés de l’Asie occidentale. Pour ce qui regarde l’encens, il est certain qu’une espèce d’arbre thurifère a été reconnue indigène dans l’Hadramaut, le Boswellia sacra, F. A. Flûckiger et D. Hanbury, Histoire des drogues d’origine végétale, trad. Lanessan, in-8°, Paris, 1878, t. 1, p. 260, 266-268, et il est possible que quelques autres variétés aient crû anciennement dans ce pays ou dans la région voisine des Sabéens. C’était donc bien une région thurifère. Toutefois l’encens ne parait pas y avoir été récolté en quantité suffisante pour pourvoir tous les marchés antiques. Les Arabes devaient s’approvisionner ailleurs. Niebuhr, Description de l’Arabie, in-4°, Paris, 1779, t. 1, p. 202-203, etTristram, The nalural history of the Bible, in-12, Londres, 1889, p. 355, croient que la plus grande quantité leur venait de l’Inde. De fait, le lobân, « encens, » était appelé aussi kondor, kundur, par les Arabes : ce qui serait le nom indien de la gomme aromatique du Salaï, que Cole-