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EMMAUS


<T’Amo’às n’accomplissent ce voyage pour leurs affaires. Douze ou treize heures, y compris un arrêt de deux ou trois heures, leur suffisent. Cléophas, si le disciple dont parle saint Luc est le même que l’histoire dit être le père de saint Siméon, successeur de saint Jacques sur le siège épiscopal de Jérusalem, était d’une famille de constitution robuste. Siméon mourut vers l’an 106, à l’âge de cent vingt ans, crucifié par les Romains, comme parent du Christ. Ses bourreaux étaient étonnés de la force de ce vieillard pour soutenir son supplice. Le second disciple d’Emmaùs, appelé Simon par Origène, Comment, in Joa., i, 7, t. xiv, col. 33 ; 10, col. 40, est peut-être Siméon lui-même, ces noms en hébreu ne sont pas différents. À l’époque de la résurrection du Seigneur, Siméon avait environ quarante-deux ans, Cléophas son père pouvait avoir de soixante-cinq à soixante-dix ans ; c’était le milieu de sa carrière, le temps de la vigueur. Reposés, fortifiés par le pain consacré par le Maître, remplis d’allégresse, brûlant de porter l’heureuse nouvelle à leurs frères, il ne pouvait y avoir ni distance ni fatigue pour eux. Pour hâter leur retour, rien ne les empêchait de recourir à quelqu’une des montures alors en usage en Palestine ; mais elles n’étaient point nécessaires. — 2° Saint Jean, comme saint Luc, leur laisse la latitude de temps convenable pour franchir les vingt-six ou vingt-sept kilomètres qui, en ligne directe, séparent’Amo’às de Jérusalem. « Il n’y a pas lieu de s’étonner, dit Hésychius, qu’ils soient allés en un même jour de Jérusalem à Emmaùs et d’Emmaùs à Jérusalem. Il n’est pas écrit que c’était le soir, éunépoc, quand ils arrivèrent près du.bourg d’Emmaùs ; mais « vers le soir », 7tpb « è<rrclp « v, « alors que le jour penchait vers son déclin », xéxXixev ijôv] -< ïijiipa ; de sorte qu’il était à peu près huit ou neuf heures (deux ou trois heures après midi), parce qu’à partir de la septième heure (une heure après midi), le soleil penche déjà vers le soir. Les disciples durent, dans l’excès de leur joie, plutôt courir que marcher^ pour annoncer le miracle, et durent arriver très tard ; car notre usage est d’appeler è^t’a, « soir, » le temps jusqu’à une heure très avancée de la nuit, tô [ « ixP 1 itoXXoO trti vuxto ; nocpKTei’vopievav (jipo ; . » Collectio difficultatum et solutionum, lvii, t. xciii, col. 1444-1445. L’interprétation d’Hésychius est confirmée par un passage des Juges, xix, 8-14. On y constate la coutume chez les Juifs d’appeler « déclin du jour » tout le temps à partir du midi, et « soir, heure très avancée », les premières heures de l’après-midi.’Eù> ; xXïvai rf|v Yipiépav, « jusqu’à ce que le jour incline, » Vulgate : donec succrescat dies, y désigne clairement l’heure de midi ; xéxXixev (al. j) ! tMvy)<tev, « baisse » ) » j|iépa cîç Éaitépav, dies ad occasum declivior sit et propinquor ad vesperam, s’y rapporte à environ deux heures après midi (et selon Josèphe, Ant. jud., V, II, 8, s à peu près à midi, » ra pi Seîàtjv) ; t, r, [iépa icpo6e6f, xei (al. xcxXîÎxok) ufôSpoc, dies mutabatur in noctem, veut dire « une heure avant le coucher du soleil ». Les distances de Bethléhem à Jérusalem et à Gabaa, ainsi que les circonstances du voyage, ne laissent pas de doute à cet égard. Les disciples, arrivés à Emmaùs à deux ou trois heures au plus tard, étaient prêts à repartir à quatre heures, et à neuf ou dix heures au plus pouvaient être de retour au cénacle. La remarque de saint Luc : « ils trouvèrent les onze réunis, » semble indiquer que l’heure d’être réunis était passée. — L’expression de saint Jean : oûo7|{ o+îa ; tt) ifiiispoc Ixetvr) ttj (iià oo66aTùv, cum sero esset die Mo una sabbatorum, doit signifier : c le soir, » ou : « la nuit qui suivait ce jour, le premier de la semaine, » et ne détermine nullement l’heure du coucher du soleil. Saint Jérôme, interprétant les paroles de saint Matthieu, xxviii, 1, dit : id est SERO, non incipiente nocle, sedjam prefunda et ex magna parte transacta ; c’est-à-dire : « le soir, non au commencement de la nuit, mais alors qu’elle était en grande partie passée. » Epist. cxx, ad Hedibiam, c. iv, t. xxii, col. 987-988. Saint Matthieu était Juif, parlait à des Juifs, et entend très certainement la

nuit qui suit le samedi..Saint Jean, écrivant pour les gentils, n’avait pas d’ailleurs à observer la distinction des jours d’après l’Usage de la synagogue. — Le récit de saint Luc, comparé aux récits des autres évangélistes. suppose la distance de cent soixante stades. Cléophas et son compagnon étaient du nombre des disciples résidant au cénacle avec les Apôtres. Ils étaient là quand les saintes femmes étaient venues annoncer l’apparition des anges, et ils s’y trouvaient encore quand Pierre et Jean étaient retournés du sépulcre. Madeleine était demeurée au tombeau après le départ de Pierre et Jean ; c’est alors que le Seigneur lui était apparu. Joa., xx, 10-18. Elle s’était empressée de courir l’annoncer aux disciples. Cléophas et son compagnon étaient alors partis, car ils ignoraient cette apparition. Cf. Luc, xxiv, 10-Il et 22-24. Ces démarches demandèrent au plus une heure et demie ; à sept et demie, peut - être plus tôt, Madeleine devait être de retour pour annoncer la résurrection. Selon saint Marc, xvi, 9, l’apparition à Madeleine fut la première et dut avoir lieu de grand matin. Cf. S. Jérôme, Epist. cxx, t. xxii, col. 987. Les deux disciples étaient donc partis de fort bonne heure, entre sept heures ou sept et demie au plus tard. Il est inadmissible que ces hommes craintifs, qui s’étaient enfuis et cachés les jours précédents, qui le soir fermeront solidement leur porte « par crainte des Juifs », en apprenant la disparition du corps de Jésus, soient allés, avant leur départ de la ville, s’exposer à la rencontre des magistrats ou des prêtres. Ils marchaient « tristes » et fuyaient les hommes. Luc, xxiv, 17. Arrivés à Emmaùs certainement après midi, ils avaient marché environ six heures. Le Seigneur avait eu le loisir de leur expliquer en marchant, « en commençant par Moïse, tous les prophètes et toutes les Écritures qui le concernaient. » Luc, xxiv, 27. Six heures, c’est exactement le temps nécessaire pour parcourir cent soixante stades ou trente kilomètres. — 3° Il ne s’agissait guère en ces circonstances, à la suite des événements des jours précédents, d’une promenade de fête ; il s’agissait de s’éloigner de la ville, et ; iypov. — 4° Emmaùs n’était plus une ville ; ruiné et devenu un simple village, il ne pouvait être appelé autrement, non plus que ne l’est’Amo’às aujourd’hui, que ne l’est Jéricho et tant d’autres localités de la Palestine.

III. La tradition locale et l’histoire. — A). Un grand nombre de palestinologues se sont d’abord adressés à la tradition onomastique, lui demandant si elle ne connaissait pas un Emmaùs à soixante stades de Jérusalem. — 1° Mrs Finn et quelques autres ont pensé que la localité appelée aujourd’hui Ortâs (voir fig. 557) devait avoir été appelée Emmaùs. Ortâs est un petit village de cent cinquante habitants, situé dans la vallée où sont les célèbres vasques dites de Salomon, à l’est de ces dernières. Une source assez abondante jaillit près du village, au milieu de ruines ancienes désignées sous le nom d’El-ffammâm ; c’est la reproduction arabe de l’hébreu Jlammi ou Jf animât, dont Emmaùs serait la transcription grecque. Ortâs est à douze kilomètres = soixante stades au sud de Jérusalem. Voir les indications bibliographiques à la fin. — 2° M. Conder propose de reconnaître Emmaùs dans Khamséh ou Ifamasgh, ruine d’un petit village près de laquelle on voit une source abondante et les restes assez bien conservés d’une église de l’époque des croisés. Ce khirbet est à dix-sept ou dix-huit kilomètres sud-ouest de Jérusalem, ou de quatre-vingt-cinq à quatre-vingt-dix stades. — 3° Sepp, Reischl, Gaspari, Weiss, Schûrer et plusieurs autres apportent divers arguments pour prouver que Qolouniéh est Emmaùs. Les Talmuds, Sukkah, iv, 5, attestent que < Kolonia, c’est Môsa’». C’est probablement la localité appelée par Josèphe, Bell, jud., VII, vi, 6, Emmaùs, située à « soixante stades » de Jérusalem, comme dit saint Luc. Des manuscrits disent « trente stades ». « Trente » est à peu près la distance exacte. « Soixante, » chiffre rond, a pu être rattaché par l’évangéliste à quelqu’une des loca-