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EMMAUS


Sinaiticm en renferme beaucoup moins que le Vaticanus i et a très peu d’omissions. Le Cyprius K se fait remarquer | € parmi la plupart des manuscrits ayant le texte constantinopolitain pour être de bonne note ». Le texte de II est j ordinairement meilleur que celui de la plupart de ses congénères E, F, G, ii, K, M, S, U, V, V, A. Le texte du i Sinaïtique est en grande partie formé de leçons appelées par Westcott et Hort pré- syriaques, pour leur caractère spécial d’antiquité ; les mêmes leçons se retrouvent nombreuses dans le Cyprius. Cf. Gregory, p. 300, 346, 357, 359, 370, 380. La version arménienne, exécutée après de grandes recherches, pour trouver le texte le plus pur et le plus sûr, a pu être appelée par La Croze « la reine des versions », comme rendant la mieux le texte grec. Gregory, p. 912. Les traducteurs de la version hiérosolymitaine et ses copistes se trouvaient dans la meilleure situation pour éviter toute erreur sur une leçon topographique. Les témoins externes, copistes ou docteurs, qui nous transmettent ou recommandent la leçon « cent soixante », Victor de Capoue, Tite de Bosra, saint Jérôme, Eusèbe, Hésychius, les auteurs des Chaînes, Origène, étaient certes des hommes éclairés, instruits, sincères, attentifs ; ils avaient entre les mains, plus que nous, des documents leur permettant de fonder un jugement sur ; ils sont les plus compétents pour nous garantir l’authenticité d’une leçon. Si nous trouvons « cent soixante » dans les exemplaires d’Origène et des anciens, c’est que les manuscrits ! qu’ils copiaient avaient déjà « cent » et que sa lecture était’la plus sûre, nous devons en être moralement certains. Plus tard, quand déjà le courant pour « soixante » prévalait, les rédacteurs des Chaînes et les copistes favorables j à « cent soixante » ne se sont pas permis d’introduire « cent », qu’ils croyaient la leçon vraie ; ils l’ont indiquée , en marge. Les critiques pour « soixante » ont été moins

; scrupuleux : sur les dix manuscrits ayant < cent soixante » 

que nous possédons, cinq, K, N et trois minuscules, ont été corrigés, non par une note marginale, mais par la suppression de « cent » dans le texte même. Il ne serait pas téméraire de les accuser d’avoir supprimé volontairement « cent » dans les copies exécutées par leurs soins. Si « cent » n’est pas une interpolation volontaire d’Origène ou de quelque autre critique, rien dans le contexte ne pouvait amener « cent » sous la main du copiste, et ce chiffre ne peut être une addition voulue. Il en est autrement de « soixante ». Si le scribe du Vaticanus, qui a pu lire « cent soixante » dans le Sinaitieus, auquel il avait mis précédemment la main, n’a pas supprimé volontairement « cent », il a dû l’omettre inconsciemment, comme tant d’autres mots. La même omission pouvait se reproduire spontanément sur divers points. Une fois la variante introduite, « soixante » avait toutes les chances, excepté en Palestine, de se faire recevoir partout, « cent soixante stades » devant paraître à tous, comme elle le paraît à la plupart de nos critiques modernes, une distance impossible. La leçon « soixante » paraît une leçon ou fondée sur cette fausse critique ou née d’une omission inconsciente, à Rome ou à Alexandrie ; et « cent soixante » la leçon offrant les meilleurs gages, ou même les seuls, de vérité et d’authenticité. Ce sont les conclusions qu’une critique impartiale peut tirer de l’examen des documents et du .texte. Pour accuser Origène, il faut le faire à priori. Les manuscrits protestent, et l’histoire avec eux.

3° L’autorité de la Vulgate. — A). Saint Jérôme, en adoptant la leçon « soixante » pour la Vulgate, s’est dédoublé et a déclaré comme critique quel est son sentiment sur la valeur des deux leçons ; le concile de Trente, en déclarant, session IV, Decretum de éditions et usu Sacrorum Librorum, la Vulgate de saint Jérôme « authentique » dans son ensemble et toutes ses parties, a approuvé la leçon, et elle doit être reçue pour authentique par toute l’Église.

B). Que la leçon « soixante » soit la leçon adoptée par saint Jérôme, c’est fort douteux ; il est plus probable

qu’elle est une des erreurs des scribes postérieurs, influencés probablement par la leçon de l’ancienne Latine. Serait-elle certainement de saint Jérôme, il ne résulte pas de là qu’il la reconnaît pour la leçon authentique ni même pour la plus sûre. Il affirme lui-même n’avoir corrigé dans l’ancienne version que le sens des phrases corrompues, et avoir laissé subsister tout le reste. Prsef. ad Damasum, t. xxix, col. 528. Le concile de Trente n’a pas entendu consacrer comme authentique chaque leçon de la Vulgate, ni les inexactitudes que son auteur lui-même reconnaît avoir laissées, encore moins celles des copistes postérieurs ; il n’a pas voulu non plus préférer la Vulgate aux textes originaux ; il a approuvé l’œuvre de saint Jérôme en général et a décrété que l’Église latine en ferait usage plutôt que des autres versions de cette langue, rien de plus. C’est ce que professent les éditeurs de l’édition Vaticane de 1592, dans la Prsefatio ad lectorem ; c’est ce que reconnaissent les commentateurs, les théologiens et les historiens ecclésiastiques. Voir F. Vigouroux, Manuel biblique, 10e édit., Paris, 1897, 1. 1, p. 223-234, et les auteurs qui traitent de la question. Chacune des deux leçons demeure, après le décret du concile comme avant, avec la valeur que lui confèrent et les documents et l’histoire.

II. Le contexte de saint Luc et des autres évangélistes. — A). Les récits comparés des Évangiles, Luc, xxiv, 13-36 ; Joa., xx, 19 ; Marc, xvi, 12, ne comportent pas, disent un grand nombre de commentateurs et de palestinologues, le nombre de « cent soixante stades » pour la distance d’Emmaùs à Jérusalem, et demandent « soixante ». — 1° Il n’est pas possible que Cléophas et son compagnon aient pu parcourir en une même journée deux fois un chemin d’environ sept heures, c’est-à-dire près de quatorze heures. Tischendorf, Novum Testant., p. 725. — 2° D’après saint Jean, « comme c’était le soir du même jour, le premier de la semaine, et que les portes où étaient les disciples étaient closes par crainte des Juifs, Jésus vint et, se tenant au milieu d’eux, leur dit : La paix soit avec vous ! » Cette apparition eut lieu après le retour des disciples d’Emmaùs. Cf. Luc, xxiv, 30. Les Juifs comptaient leurs jours d’un coucher du soleil à l’autre. Le soir du même jour ne peut s’entendre que du moment assez court qui avoisine le coucher du soleil, qui a lieu vers six heures au temps de la Pàque. Les disciples étaient arrivés à Emmaùs m sur le soir », quand m le jour inclinait déjà vers son déclin ». Luc, xxiv, 29. Si les disciples avaient dû parcourir cent soixante stades, ils n’auraient

! pu être de retour pour le moment déterminé par saint

Jean. — 3° Les disciples étaient sortis, selon saint Marc, pour une promenade à la campagne, rapmaToOo-iv ètpavEpw 9r|… ?iopeiJoijivoi ; eï ; àyp° v ; un chemin de cent soixante stades n’est plus une promenade, mais une marche forcée.

— 4° Si cette distance était exacte, elle ne pourrait convenir qu’à Emmaùs, qui fut plus tard appelé Nicopolis ; mais cet Emmaùs était une ville et non un village, comme était celui où se rendait Cléophas. Même une ville détruite conserve le nom de ville. Il faut donc reconnaître que le chiffre « cent » a été ajouté à tort. Emmaùs doit être cherché à soixante stades.

B). Non seulement, disent d’autres commentateurs, la distance de cent soixante stades n’est pas en contradiction avec les récits évangéliques, elle est même la seule qui s’adapte à la narration de saint Luc, qui la réclame.

— 1° Le double trajet de deux fois cent soixante stades ou soixante kilomètres pour l’aller et le retour en un jour est assurément une marche qui n’est pas ordinaire. Elle demeurera une marche forcée même en supposant, ce qui est probable, que le nombre cent soixante est un nombre rond et que les disciples ont pris des raccourcis réduisant la route à cinquante-trois ou cinquante - quatre kilomètres. Des vieillards, des personnes faibles, sont incapables de faire pareilles étapes ; mais un homme de force ordinaire peut le tenter dans un cas urgent et extraordinaire. Il n’est pas de semaine que des habitants