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EMMAUS


différents. PaUestina, in-4°, Utrecht, 1714, 1. 1, p. 426-430. Les commentateurs et les géographes contemporains se sont divisés : les uns adoptent la conclusion de Reland et estiment authentique le nombre de « soixante stades », pour la distance de Jérusalem à Emmaûs ; les autres s’en rapportent au témoignage de l’antiquité et défendent la distance de « cent soixante stades », que portent plusieurs manuscrits de l’Évangile selon saint Luc, ignorés de Reland.

Les arguments pour et contre se fondent sur trois chefs : 1° sur le texte ou le nombre lui-même ; 2° sur le contexte ou l’ensemble des récits de saint Luc et des autres évangélistes ; 3° sur la tradition locale ou l’histoire. Mous les résumerons aussi fidèlement que possible, commençant par les arguments en faveur de la distinction, que suivront les arguments contradictoires, et nous laisserons le lecteur apprécier la valeur des uns et des autres. La lettre À désignera les premiers, et la lettre B les seconds.

I. Le texte ou le chiffre de saint Luc. — 1° Les documents. — A). Selon Tischendorf, Novum Testamentum grsecum, editio octava critica major, in-8°, Leipzig, 1872, p. 724, les manuscrits et les versions ayant y>rxivca, « soixante, » sont les suivants : « A, B, D, K 2, L, N 1, X, T, A, A, une 8, al, pler, itP’° r, vg (exe fu), sah, cop, syr 811, et p (certe apudWhitae excedd plurib), arm"", aeth (sed milliaria pro axaS.) ; c’est-à-dire : 1. Manuscrits grecs :

A, le codex Alexandrin, au Musée Britannique, du Ve siècle ;

B, le codex du Vatican, du iv « siècle ; D, le codex greclatin de Bèze, à la bibliothèque de l’université de Cambridge du vie siècle ; K 2, le codex de Chypre, à la Bibliothèque Nationale de Paris, du ix 8 siècle, mais où « soixante » est une correction de seconde main ; L, le codex 62 de la Bibliothèque Nationale de Paris, du-vm 8 siècle ; N 2, un codex du VIe siècle dont la partie de saint Luc est à Vienne, où la leçon « soixante » est une correction de deuxième main ; X, un codex de la bibliothèque de Munich, de la fin du IXe siècle ou du x 8 ; T, un codex de la bibliothèque Bodléienne d’Oxford, du ixe ou du x 8 siècle ; A, un codex grec-latin interlinéaire de Saint-Gall, de la fin du IX 8 siècle ; A, un autre codex de la bibliothèque Bodléienne, à Oxford, du ix 8 siècle. Tous ces manuscrits sont en caractères onciaux. De plus, les huit autres onciaux E, F, G, ii, M, S, U, V, dont le premier est du vin » siècle, les autres du ix° ou du x 8, et la plupart des manuscrits écrits en caractères cursifs. — 2. Les versions ayant « soixante » sont : l’Italique, dans la plupart des manuscrits ; laVulgate, excepté le manuscrit de Fulda ; la version sahidique, la copte, la syriaque de Cureton et la syriaque philoxénienne, du moins dans l’édition deWhite, d’après la plupart des manuscrits ; quelques manuscrits de la version arménienne et l’éthiopienne, dans laquelle on lit « milles » pour « stades ». Il faut ajouter la version Peschito.

B).Les manuscrits ayant ÉxiTt>vêÇiQxovTo, « cent soixante. » sont, d’après le même critique (ibid) : « w, I, K*, N*, n, 158, 175-9, 223% 237*, 240*, g 1, fu, syn ? (ut codi « >), vel pt (ut codd œ' et b " rt> ; item apud Barhebrseum), syrir arm (sed variant codd unus CL) ; » c’est-à-dire : 1. Manuscrits grecs : ii, le codex sinaïtique, aujourd’hui à Pétersbourg, du iv 8 siècle, « le plus ancien de tous les manuscrits ; » I, un codex palimpseste de la Bibliothèque impériale de Pétersbourg, du v « siècle ; K*, le codex de Chypre, à Paris, où la leçon « cent soixante » est du premier scribe ; N% un codex de Vienne, du vi » siècle, où elle est également du premier scribe ; II, un codex de la Bibliothèque de Pétersbourg, du ix » siècle. Ces manuscrits sont onciaux. Le nombre 158 désigne un manuscrit cursif du Vatican, du xi 8 siècle ; 175, on autre du Vatican, du x* ou du xi 8 siècle, a la leçon à la marge ; 223*, un manuscrit de la Bibliothèque impériale devienne, du x a siècle, où la leçon est de la main du premier copiste ; 237*, manuscrit de Moscou, du x* siècle, provenant du mont Athos,

a la leçon écrite de la première main ; 240*, manuscrit de l’université de Messine, du x 8 siècle, de même. — 2. Les manuscrits des versions portant « cent soixante » sont, pour l’Italique ou ancienne latine : g 1, manuscrit de Saint-Germain, aujourd’hui à la Bibliothèque Nationale de Paris (lat. 11553), du vme siècle ; le manuscrit de Fulda, qui semble le plus ancien de la Vulgate ; le manuscrit de la version syriaque héracléenne de Barsaliba ; les manuscrits de la philoxénienne d’Assemani et de la bibliothèque Barberini, en marge ; de même dans Barhebncus ; les manuscrits de la version syriaque hiérosolymitaine ; la version arménienne, dont quelques manuscrits cependant varient : l’un d’eux a CL. Cf. Gregory, Prolegomena Novum Testanientum de Tischendorꝟ. 3 in-8°, Leipzig, 1884-1891, p. 345-408, etc. Il faut ajouter, d’après Wordsworth, trois manuscrits de la Vulgate. Un manuscrit arabe, provenant du Caire, aujourd’hui au couvent copte de Jérusalem, a « cent soixante » en marge, « d’après les manuscrits grecs et syriaques. »

2° Les conclusions. — A). L’évidence diplomatique, d’après le R. P. Lagrange, est en faveur de la leçon « soixante » stades. Les grands onciaux B, D, A, représentent un texte neutre, le texte dit occidental et le texte byzantin, sous une forme très ancienne. Quelque reproche que l’on puisse faire à chacun de ces manuscrits en particulier, ils représentent certainement des recensions complètement indépendantes ; leur accord est pleinement décisif. L’immense majorité des autres est avec eux. Toutes les versions antérieures à la fin du rv 8 siècle, versions latines, coptes (bohaïrique et sahidique), syriennes (Peschito et Cureton), sont d’accord sur « soixante ». Les manuscrits ayant « cent soixante » portent la marque d’une tradition locale et d’une recension savante. L’étroite parenté de I et de N a été constatée, et I a été rapporté du couvent de Sahit-Saba, près de Jérusalem. K et n forment une autre paire ; ils ont conservé des formes rares semblables. L’influence de Tite de Bosra, un disciple d’Origène, parait s’être exercée parmi les cursifs par les Catense. Les versions syriaques héracléenne et hiérosolymitaine, le Sinaïtique lui-même, ont eu des affinités incontestables avec la bibliothèque de Césarée, c’est-à-dire avec Eusèbe et Origène. La version arménienne est une traduction savante, fréquemment d’accord avec Origène. Le Codex Fuldensis de la Vulgate ne peut garantir que telle était la traduction de saint Jérôme, et il porte la trace d’une main savante. La tradition ancienne des manuscrits, la tradition universelle, la tradition inconsciente et sincère, sont en faveur de « soixante ». La leçon « cent soixante » est une leçon critique inspirée par l’autorité d’un maître, très probablement Origène, influencé lui-même par une tradition locale née d’une confusion et de la disparition du véritable Emmaûs. Origène, la critique textuelle et la tradition topographique, dans la Revue biblique, 1896, p. 87-92 ; cꝟ. 1895, p. 501-524.

B). Après avoir recensé les documents et les témoignages en faveur de la leçon « cent soixante », Tischen* dorf, dont la compétence critique n’est pas à établir, conclut, au contraire, Novum Testamentum, t. i, p. 725 : « Les choses étant ainsi, il n’est pas douteux que l’écriture éxâ-rov Uïjxovto ne soit d’une insigne autorité, à cause de sa suprême antiquité dans le monde chrétien. » L’existence de la leçon « cent soixante » est constatée dès le m 8 siècle. Les scholies des cursifs du x 8 siècle et du xi 8, désignés dans les listes par les n M 34 et 194, attestent que cette leçon est la meilleure, parce qu’  « ainsi portent les manuscrits les plus exacts, dont la vérité est confirmée par Origène ». Ibid., p. 724. Origène est le témoin de la leçon et ne peut être accusé d’en être l’auteur. (Voir plus loin.) Le codex du Vatican, le premier témoin de la leçon « soixante », et l’unique pour le texte grec au iv 8 siècle, est postérieur au Codex Sinaiticus. Le manuscrit de l’Italique de Verceil est pour toutes les versions le seul témoin du iv* siècle pouvant être cité avec le Vati-