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EMMAUS


vive intarissables, d’une très grande abondance, distants de cinquante pas l’un de l’autre. Vers la fin de l’été, lorsque les eaux font défaut presque partout, les bergers viennent encore de toutes parts y abreuver leurs nombreux troupeaux de chèvres, de moutons, de bœufs et de vaches. A peu de distance au-dessous, les habitants montrent un troisième puits comblé ; ils l’appellent Bîr-’e(-Tà’ûn, « le puits de la peste, » parce que de ce puits, disent-ils, est une fois sortie la peste pour ravager le pays. Au nord, deux sources limpides sortent des deux côtés du vallon qui passe sous les ruines de la ville, et réunissent leurs eaux pour former un ruisseau qui va se perdre assez loin dans la campagne. L’une d’elles est appelée’Aïn-’eltfammâm, « la source des bains, » peut-être parce qu’elle alimentait jadis ceux de la ville. Un canal passait tout à côté, semblant dédaigner ses eaux pour aller en prendre d’autres plus à l’est. Étaient-ce celles de 1’'Aïn-’el-’Aqed, qui sont abondantes, au pied du sommet du même nom, à un kilomètre de l"Aïn-’el-Hammam, ou celles d’une quatrième source aujourd’hui desséchée ? Ce canal, qui se perd, ne nous conduit plus à son origine. À cinq cents pas au sud de l’église, un marais où s’élèvent toute l’année de grandes herbes révèle l’existence, en cet endroit, d’une ou plusieurs sources ensevelies sous les terres entraînées des collines voisines. Un peu plus au midi, deux norias, dont l’une construite sur une ancienne fontaine, versent tout le long du jour des torrents d’eau, avec lesquels les Trappistes établis au bas de la colline de Latroùn arrosent leur vaste jardin de légumes et leurs plantations de bananiers et autres arbres fruitiers. Vers l’est, le Bir-’el-Ifélû, le Bîr-’el-Qasab et le Bîr-’Ayûb s’échelonnent à partir de Latrùn le long de la route moderne, à trois ou quatre cents pas de distance l’un de l’autre, pour offrir aux passants et aux innombrables caravanes de chameaux venant de la plaine des Philistins le secours de leurs eaux. Quoique, au témoignage de l’histoire et au dire des habitants du pays, plusieurs sources aient disparu, ’Amo’âs ne demeure pas moins dans tout le territoire de l’ancienne Judée, auquel on pourrait joindre celui de la Samarie, une localité unique pour le nombre de ses fontaines et pour l’abondance des eaux.

V. Histoire. — Si les conjectures de Reland et du major Conder étaient fondées, l’histoire d’Emmaûs commencerait vers l’époque de l’Exode ou dès la conquête de la terre de Chanaan par les Hébreux ; l’histoire certaine de cette ville ne remonte pas au delà du temps des Machabées. Le premier fait qui la révèle est le brillant triomphe de Judas et de ses frères contre l’armée grécosyrienne, remporté sur son territoire. Après les défaites successives des généraux Apollonius et Séron, Lysias, administrateur du royaume de Syrie au nom c’Antiochus IV Épiphane, avait envoyé en Judée les généraux Ptolémée, Nicanor et Gorgias, avec une armée de quarante mille hommes, pour en finir avec les Juifs et leur religion. Ils étaient venus camper à Emmaûs, dans la plaine. Prenant cinq mille hommes avec lui, Gorgias s’était avancé dans les montagnes, où il espérait surprendre les Juifs. Judas, leur chef, prévenu, se leva avec la petite troupe de trois mille hommes mal équipés qu’il avait avec lui, et vint, pour attaquer l’armée gréco-syrienne, se placer au sud d’Emmaûs. Le matin, il s’avança dans la plaine en face du camp ennemi. Les Syriens, voyant les Juifs arriver, sortirent du camp pour soutenir la lutte ; ils ne purent résister à l’ardeur des hommes de Judas ; ils s’enfuirent du côté de la plaine, dans la direction de Gazer, de l’Idumée ou du sud, de Jamnia et d’Azot. Trois mille hommes tombèrent sous les coups des Juifs, qui s’étaient mis à la poursuite des fuyards. Au moment où Judas regagnait Emmaiis, Gorgias apparaissait sur la montagne voisine, revenant déçu de son expédition. Voyant leur armée en fuite, leur camp incendié et Judas avec les siens, dans la plaine, prêts au combat, les soldats de Gorgias ne songèrent qu’à s’échapper à travers la plaine. Les Juifs recueillirent les dépouilles et

éclatèrent en hymnes de louanges, bénissant le Seigneur de ce qu’avait été opéré magnifiquement le salut d’Israël en ce jour (166-165 avant J.-C). I Mach., m-rv, 25. — Quelques années plus tard, pendant la lutte contre Jonathas Machabée, le général syrien Bacchide occupa Emmaûs, la fortifia et y mit une garnison. Josèphe, Ani. jud., XIII, i, 3. Elle était l’une des villes les plus florissantes de la’Judée, en l’an 43, quand Cassius, dont les Juifs ne pouvaient assouvir la cupidité, la réduisit en servitude. Josèphe, Ani. jud., XIV, xi, "2. Hérode, se préparant à conquérir le royaume que lui avaient donné les Romains, vint s’établir à Emmaûs ; il y fut rejoint par Mâcheras, envoyé à son secours par Ventidius (38 avant J.-C). Josèphe, Ant. jud., XIV, xv, 7 ; Bell, jud., i, xvi, 6. L’année qui suivit la mort de ce prince (4 de J.-C), et tandis qu’Archélaûs était à Rome pour réclamer la couronne de son père, le chef de bande Athrong, profitant des troubles de la Judée, attaqua près d’Emmaûs un convoi romain de ravitaillement, enveloppa la cohorte qui l’accompagnait, tua le centurion Arius, et avec lui quarante de ses meilleurs soldats. Les habitants d’Emmaûs, craignant des représailles de la part des Romains, abandonnèrent la ville. Lorsque Varus arriva pour venger ses compatriotes, il dut se contenter de livrer la ville aux flammes. Ant. jud., XV11, x, 7, 9 ; Bell, jud., II, iv, 3. On a pensé que le nom de Latrùn ou El-’Atrûn est le nom d’Athrong, attaché par le souvenir populaire à la forteresse d’Emmaûs. J.-B. Guillemot, EmmaûSr Nicopolis, p. 12. S’il faut accepter les témoignages des Pères, échos de la tradition locale chrétienne, Emmaûs n’aurait pas tardé à voir revenir ses habitants et à se transformer en une modeste bourgade (xwftri). Cléophas y avait sa demeure. Le jour même de la résurrection, elle fut honorée de la présence du Sauveur, reconnu par ses disciples à la fraction du pain. Trois ou quatre années plus tard, Cléophas aurait été mis à mort, dans sa maison même, par les Juifs persécuteurs, et aurait été enseveli dans l’endroit. Cf. Acta Sanctorum Rolland., 25 sept., édit. Palmé, t. vii, p. 4-5. — L’histoire de la Judée suppose le relèvement d’Emmaûs vers cette époque : cette localité est comptée, en effet, parmi les dix ou onze toparchies du pays. Josèphe, Bell, jud., III, iii, 5 ; Pline, H. N., v, 14. Lorsque les Juifs tentèrent de secouer le joug de Rome, la toparchie d’Emmaûs fut administrée, avec les toparchies de Lydda, Joppé et Tamna, par Jean l’Essénien. Bell, jud., II, xx, 4. Au commencement de la guerre, Vespasien, après avoir soumis Antipatris, Lydda et Jamnia, vint à Emmaûs pour occuper les passages qui conduisent à la métropole ; il y établit un camp retranché, qu’il confia à la garde de la cinquième légion, et alla de là soumettre les régions du sud. Il revint à Emmaûs avant de marcher contre la Samarie. Bell, jud., IV.vni, 1. Deux inscriptions latines, découvertes à’Amo’âs, sont les épitaphes de deux légionnaires de la cinquième. Voir Revue biblique, 1897, p. 131. L’emplacement du camp romain d’Emmaûs, parfaitement reconnaissable, sur une colline attachée à Latrùn, à moins de cinq minutes nordouest, peut être un argument pour appuyer l’opinion que Latrùn n’était pas distinct d’Emmaûs. Après la guerre, Emmaûs ne cessa point d’être occupée par les Romains, et c’est alors, selon Sozomène, qu’elle reçut le nom de Nicopolis, « en souvenir du grand triomphe qu’ils venaient de rempoiier. » Cette appellation de « ville de la victoire », d’après Eusèbe et saint Jérôme, lui aurait été attribuée seulement en 223. Jules Africain, alors préfet d’Emmaûs, fut député à Rome près de l’empereur, pour solliciter le rétablissement d’Emmaûs, sans doute en tant que ville forte. Il y fut autorisé par Marcus Aurelius Antoninus [Élagabal ]. Les ruines indiquent la position delà ville nouvelle, distincte de Latrùn et de la bourgade judaïque, sur la colline située non loin, où est le village actuel d’'Araou’âs. Le nom de Nicopolis fut alors du moins officiellement reconnu et appliqué à là ville nouvelle. Cf. Eusèbe, C/ironic, Patr. lai., t. xxvii, col. 641 ; S. Jérôme, De viris