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EMMAOS


pas qu’elles s’expliquent d’elles-mêmes par leur contexte. Ces chiffres sont différents parce qu’ils donnent les mesures de voies d’inégale longueur menant à Emmaûs, et plusieurs d’entre eux n’ont point la prétention d’être des mesures précises et rigoureuses, mais seulement approximatives, à un on deux milles près. Cette remarque faite, il est impossible de ne pas reconnaître que ces données nombreuses, provenant des sources les plus diverses et dispersées à travers les siècles, amènent toutes à un même point ou à une même localité.

III. Identification. — Les historiens et les géographes arabes citent souvent, depuis le ix « siècle, une localité de Palestine appelée’Atnu’ds. Ce nom est évidemment une forme équivalente de 1’'E|i(iao’j{ ou’A(i|iaoOç de la Bible. Cette localité est ordinairement nommée avec Loud, Ramléh ou les autres villes de la plaine. Elle est indiquée à la limite des montagnes, à six milles de Ramléh, sur la route de Jérusalem, et à douze milles de la ville sainte ; elle est à peu près à la même distance de cette dernière que l’est le Ghôr, c’est-à-dire la vallée du Jourdain. Voir Van Kasteren, ’Amu’âs qarîât Felasfin, dans la revue’El Kenîset-’el Katûlîkiéh, 2° année, n° 13, Beyrouth, 1889, p. 421-423 ; ld., Êmmaûs-Nicopolis et les auteurs arabes, dans la Revue biblique, 1892, p. 80-99. Ces indications des écrivains arabes sont identiques à celles des anciens, et les unes et les autres se rapportent évidemment à la même localité. En prenant le nom de’Âmu’âs pour désigner dans leur version l’Emmaûs des Machabées, les traducteurs arabes de la Bible témoignent de leur persuasion de l’identité et des noms et des lieux. Le nom de’Amo’às ou Amouas existe encore aujourd’hui, porté par un village de la Palestine. Cette localité réalise aussi exactement que possible et de tous points les données de l’histoire et de la Bible, comme il est facile de s’en assurer en comparant sa situation réelle à la situation que lui tracent les documents et en lisant la description. Aussi les palestinologues s’accordent, presque à l’unanimité, à reconnaître dans l"Amo’âs actuel T’Amo’âs des auteurs arabes et de la Bible arabe, l’Emmaûs des écrivains anciens, chrétiens ou autres, et l’Emmaûs du livre I des Machabées. Voir Van Kasteren, études citées ; V. Guérin, Judée, 1868, t. i, p. 293-296 ; de Saulcy, Dictionnaire topographique abrégé de la Terre Sainte, Paris, 1877, p. 131 ; Von Riess, Biblische Géographie, in-f », Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 21 ; ld., Bibel-Atlas, 2e édit., in-f », ibid., 1881, p. 10 ; L. C. Gratz, Schauplatz der heiligen Schriften, nouv. édit., in-8°, Ratisbonne, p. 308 ; Robinson, Biblical Hesearches in Palestine, in-8°, Boston, 1841, p. 363 ; G. Armstrong, Wilson et Conder, Names and Places in the Old Testament and apocrypha, Londres, 1881, p. 55 ; C. R. Conder, Tentwork in Palestine, in-8°, Londres, 1879, t. i, p. 14-18 ; Th. Dalfi, Viaggio biblico in Oriente, in-8°, Turin, 1873, t. iii, p. 286 ; Seetzen, Reisen durch Syrien, Palâstina, in-8°, Berlin, 1859, t. iv, p. 271.

Il faut signaler toutefois une opinion différente. Ceux qui la défendent admettent un seul Emmaûs biblique, parce que telle est l’assertion bien certaine des Pères et de la tradition locale de Terre Sainte ; mais, suivant eux, cet Emmaûs ne peut être’Amo’às ; il faut le chercher à soixante stades de Jérusalem, c’est-à-dire à sept milles romains et demi ou onze kilomètres deux cent vingt mètres. S’il y a des arguments pour soutenir la distinction entre l’Emmaûs de saint Luc et l’Emmaûs des Machabées, il n’y en a point pour contester l’identité d" Amo’às avec l’Emmaûs des Machabées et de l’histoire. Les indications sont trop nombreuses, trop claires et trop précises. S’il n’y a qu’un Emmaûs, il faut le reconnaître dans’Amo’às. Voir Emmaûs 2.

IV. Description.— i"Les routes. —’Amo’às est situé 0° 12* 2° ouest 0° 3’nord de Jérusalem ( fig. 555). La voie la plus courte qui y mène en partant de Jérusalem se dirige d’abord vers le couchant, incline ensuite au nord-ouest,

passe au-dessus de Liftah du côté sud, descend près de Qolouniéh, où elle laisse, à environ quatre kilomètres à gauche (sud), le grand et beau village de’Aïn-Kârem, la patrie traditionnelle de saint Jean-Baptiste, gravit la montagne de Qastal, touche à Qariat-’el-’Anéb, puis à Beitoûl et à Ydlô, l’antique Aïalon, situé à trois kilomètres et demi, un peu plus de deux milles romains, en deçà (est) de’Amo’às, qu’elle atteint du côté nord. La longueur totale de ce chemin est de vingt-six à vingt-sept kilomètres, c’est-à-dire dix-sept à dix-huit milles romains, selon l’expression des anciens. Cette voie, dont les vestiges sont visibles sur la plus grande partie de son parcours et où la route moderne ne les a pas fait disparaître, parait la plus ancienne de toutes. Les Romains, sans doute pour éviter les pentes raides et difficiles et aussi les vallées profondes par où elle passe, tracèrent une autre voie. Partant de la porte nord de Jérusalem, elle suivait le chemin de la Samarie et de la Galilée jusqu’au quatrième milliaire ou sixième kilomètre, un peu au delà de Tell-el-Foûl. S’ëcartant alors dans la direction du nord-ouest, elle passait sous El-Gîb, par les deux Beit-’Our (Béthoron), le haut et le bas, non loin de là tournait au sud près de Beit-Sira’, pour arriver à’Amo’às après un parcours de trente-trois kilomètres. Ce sont exactement les vingt-deux milles romains de Yltinéraire de Bordeaux. Cette voie est reconnaissable dans toute son étendue. Elle est la plus longue, et son tracé parait fait en vue de faciliter le parcours aux chariots en usage chez les anciens. Une autre voie romaine, dont on peut suivre les tronçons sur divers points, partait comme la précédente de la porte nord, mais pour obliquer à peu de distance vers le nord-ouest. Elle passait aux villages actuels de Beit-’Jksa’et de Beddû, laissait à sa droite Qobeibéh, venait rejoindre Qariat-’el-’Anéb, longeait ensuite, du côté sud, l’ouadi’el-Rût, s’en écartait près du Khirbet-’el-Gérâbéh, pour contourner le Râs-’el-’Aqed et gagner’Amo’às par le sud. L’étendue de ce tracé est de vingt-neuf à trente kilomètres, c’est-à-dire environ vingt milles romains ou cent soixante stades. La route carrossable actuelle suit d’abord d’assez près la direction de la première voie, avec laquelle elle se confond quelquefois jusqu’à Qariat, ou, s’inclinant vers le sud, elle va prendre près de Sâris l’ouadi’Aly, qu’elle parcourt dans toute sa longueur jusqu’à Lafrûn, près duquel elle passe au vingt-neuvième kilomètre.’Amo’às est au nord de Lafrûn, à un kilomètre. Ce sont encore trente kilomètres, vingt milles ou cent soixante stades.

2° Les confins. — Le village d" Amo’às est bâti sur un monticule s’appuyant à l’ouest contre le Râs-’el-’Aqed, dont l’altitude, d’après la grande carte de la Société anglaise d’exploration, 1880, fol. xvii, est de 1 250 pieds (405 mètres). En face, au nord du Râs-’el-’Aqed, se dresse le Râs-el-’Abed, avec une hauteur de 1258 pieds (407 mètres 59). Au sud, de l’autre côté de la vallée de Lafrûn, qui termine l’ouadi’Aly, se remarque une colline haute de 1180 pieds (382 mètres 32), avec une ruine au sommet, appelée Khirbet Khâtouléh ; à côté, à l’ouest, le Râs-Khâter, et au sud-ouest le sommet appelé Ma’aser-el-Khamîs, s’élevant encore de 1 026 pieds (331 mètres 32)> au-dessus du niveau de la mer. Ces sommets (ras), aux formes rocailleuses et abruptes, sont les derniers contreforts des montagnes de la Judée. Avec le monticule d" Amo’às, dont l’altitude n’est plus que de 738 pieds (238 mètres 75), commence cette suite de collines ou de mamelons aux contours plus doux, couverts d’oliviers ou de moissons, qui vont se développant vers l’ouest jusqu’à la mer. Leur altitude s’abaisse insensiblement de 200 et quelques mètres à 65. C’est la région connue dans la Bible sous le nom de Èefèlâh ou « plaine des Philistins ». Le regard l’embrasse tout entière de la hauteur où est assis’Amo’às. À un kilomètre au midi, sur sa colline de 260 pieds, qui commande la vallée, avec ses antiques assises taillées en bossage, les ruines de ses murailles à tours et de son