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EMMAUS

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    1. EMMAUS##

EMMAUS, nom de localité cité I Mach., iii, 40, 57 ; IV, 3 ; IX, 50, et Luc, xxiv, 13. Selon plusieurs palestinologues, ce nom, dans l’Ancien Testament et dans le Nouveau, désigne une seule et même ville ; selon d’autres, il est attribué à deux localités différentes. Après avoir parlé d’abord de la ville nommée I Mach., point sur lequel l’accord est à peu près général, nous exposerons en second lieu la question, sur laquelle porte la controverse, de l’Emmaûs évangélique, en résumant aussi fidèlement que possible les arguments pour et contre la distinclion et en faisant connaître les diverses identifications proposées.

1. EMMAUS (selon le texte reçu : ’Eunocoûp. ; Codex Alexandrinus : ’A(i|xaoOv et’A|i(i « oiJ(jt ; Codex Sinaiticus : ’A(i|xaoii, ’A|x(i.aoii ; , ’Appao-Jv et’E|x|xaoûv ; Vulgate : Emmaum ; I Mach., IX, 50, Ammaum ; version syriaque : ’Ama’us ; les anciennes versions arabes et presque toutes les modernes : ’Amu’âs ou’Ammu’ds), ville de Judée.

I. Nom. — Dans Josèphe, ce nom est écrit’E|ji, |ji, ao0 ?, °A[t|j.cxoij{ et quelquefois’A|/, aoOç. Dans les Talmuds, l’orthographe en est très variée ; on lit tantôt’Emma’ûs ou’Amma’ûs, avec’(y) ; tantôt’Emma’ûs ou’Amma’ûs, avec’(n), et aussi’Emis, ’Ema’îtn et’Ema’ûm. Cf. A. Neubauer, Géographie du Talmud, in-8°, Paris, 1868, p. 100. Les Grseca fragmenta libri nomina hebraicorum, Patr. lat., t. xxill, col. 1162, en traduisant’E|i|iaoù ?, Xaôv àvroppi^avcoç, populis abjicientis, supposent la forme’Am-mo’ês, des deux racines’am, « peuple, » et ma’âs, « rejeter ; » la traduction de saint Jérôme, populus abjectus, indique la forme’Am-ma’ôs. Si cette étymologie est grammaticalement acceptable, sa signification la fait paraître peu vraisemblable. Conder propose le nom Ikhma (68J de la liste de Karnak comme pouvant être Emmaûs. Tentwork in Palestine, in-8°, Londres, 1879, t. ii, p. 345.

— Un grand nombre d’entre les commentateurs ont vu dans ce nom une transcription de l’hébreu ffammàh ou Hammât, araméen Hamta’, ou de Bammi, ffarnma’i ou Hamma’im, « chaleur » ou « lieu chaud », ou encore « eaux chaudes », de la racine h.àmam, « être chaud. » Cf. Polus, Synopsis criticorum, Francfort-surle-Mein, 1712, t. iv, col. 1065 ; Reland, Palsestina, in-4°, Utrecht, 1714, t. î, p. 428 ; Bonfrère, Onomasticon, édit. J. Clerc, in-f°, Amsterdam, 1707, p. 68, note 4 ; Christ. Cellarius, Notitix orbis antiqui, in-4°, Leipzig, 1706, t. ii, p. 558. Cette opinion est fondée principalement sur l’interprétation 6ép|xa, « bains chauds, thermes, » donnée par Josèphe à une localité située près de Tibériade, dont le nom est écrit’A|i|iaoO ; et’Ancxoûç dans la plupart des éditions de cet historien. Ant. jud., XVIII, ii, 3 ; Bell, jud., IV, i, 3. Mais, dans ces mêmes passages, Niese, en ses deux éditions des œuvres de Josèphe, rejette ces leçons pour adopter celle d’'A |xii.a, 80ùç, qui se lit dans tous les manuscrits collationnés par lui, sauf un : ce résultat infirme les leçons’A(t(iaoO ; ou’Ajiaoû ; et l’étymologie basée sur elles. — Quelques écrivains ont pensé qu’Emmaùs n’est pas différente d’Amosa. Jos., xviii, 27. Cf. V. Guérin, Description de la Judée, t. i, p. 294 ; de Saulcy, Dictionnaire topographique abrégé de la Terre Sainte, in-8°, Paris, 1877, p. 131 ; J.-B. Guillemot, Emmaûs -Nicopolis, in-4°, Paris, 1886, p. 11. Cette étymologie pourrait ne pas paraître invraisemblable, si les indications topographiques du livre des Machabées et celles de l’histoire ne fixaient point, comme nous le verrons, la position d’Emmaûs dans le territoire de la tribu de Dan, tandis qu’Amosa doit être cherchée dans les limites de Benjamin. Voir Amosa, 1. 1, col. 518-520 ; Benjamin (tribu de), t. i, col. 1589-1593. — Le R. P. van Kasteren propose comme plus probable le nom de’Ammaôn. Il dériverait de’am et maôn, et la signification de « divinité qui unit les familles » aurait une analogie frappante avec Baal-Méon, ville de Moab, dont les Grecs ont fait BesXliaoïi ; , comme ils ont fait’E<t80û ; de Hésébon, ’AXouç (AîuXoûç [ ?]) de Aïalon. Le nom d’Emma, par lequel

Josèphe, Ant. jud., VI, un, 6, transcrit celui de Maonj le nom d’Ammaon ou Araaon donné par saint Ambroise, Comment, in Lucam, 1. x, 173, t. xv, col. 1847, et en plusieurs autres passages, au deuxième disciple d’Emmaûs, et la forme du génitif’E(i[tao0vTo ; et Emtnauntis, confirmeraient cette opinion. Le même écrivain ajoute qu’il ne serait peut-être pas impossible qu’une forme Hammon ou Ammon eût été allongée en’Amiaoûc, comme Mégiddon (Mégiddo) en Mey-feSaoù ?. Revue biblique, Paris, 1892, p. 648-649. — L’opinion commune chez les habitants de la Palestine tient qu’Emmaùs est le nom ancien et primitif, du moins dans ses trois radicales’M S, quelle que soit d’ailleurs sa signification, difficile à déterminer, à cause du grand nombre de racines dont il peut dériver. Cette opinion est fondée sur des considérations historiques. L’usage simultané, en Palestine, pour la désignation des localités, de deux onomastiques différentes, est incontestable : l’une employée par la colonie grécoromaine, l’autre par la population sémito-chamite du pays. On rencontre peu ou point d’exemples de noms nouveaux donnés par les Gréco -Romains à des localités anciennes ou simplement modifiés par eux et acceptés par les indigènes.’Ammôn, Sippori, Bêtsan, Bêtgabra’, Lud, Emmaûs, appelés par les étrangers Philadelphie, Diocésarée, Scythopolis, Éleuthéropolis, Diospolis, Nicopolis, sont demeurés pour les indigènes’Amman, Safouriéh, Bessân, Beit-djebrîn, Lyd, ’Amo’as ; Hésébon et Ma’ôn sont restés Hesbàn et Ma’in. L’usage a laissé se perdre quelquefois la consonne finale des noms, et Kesàlon devenir Kesla’, Aïalon ou Yalôn devenir Yâlô, ’Anatôt, ’Anâta’; mais il ne paraît pas s’être conformé jamais au génie des langues grecques et latines pour accepter le s final, si ordinaire à celles-ci. Pour Emmaûs en particulier, sa première radicale, ’(y), n’a pu venir des Occidentaux, qui n’ont point ce son ; son usage constaté dès le IVe siècle et même auparavant par les Fragmenta grseca, la traduction de saint Jérôme et les versions syriaques, permet de croire qu’elle s’est transmise traditionnellement depuis les temps anciens. Elle n’a pu se transmettre qu’avec le nom lui-même, et ainsi les indigènes n’avaient pas à prendre ce nom des étrangers ni en totalité ni en partie. Il a pu en être autrement des Juifs. Les variations du Talmud ne pourraient guère s’expliquer si ses auteurs eussent trouvé le nom d’Emmaûs en usage chez eux par une tradition constante, ou s’il se fût trouvé dans leurs livres sacrés ou leurs autres écrits. Ne l’ayant point conservé, et placés entre deux onomastiques, ils l’auront emprunté tantôt de l’une, tantôt del’autre. — Quoi qu’il en soit de la probabilité respective plus ou moins grande de ces opinions et conjectures, il est besoin de documents nouveaux pour fixer d’une manière certaine l’étymologie d’Emmaûs.

II. Situation. — 1° D’après la Bible. — Emmaûs, d’après I Mach., se trouvait « dans la plaine », âv tî yt tti ireStvîj, iii, 40, et iv, 6 ; au seuil des montagnes, iv, 16-21 ; elle appartenait à la Judée, iv, 39 ; elle était vers ; l’ouest de Gazer, puisque les soldats de Gorgias, vaincus à Emmaûs, s’enfuirent vers Gazer, pour gagner ensuite Azot et Yamnia, iv, 15. — 2° D’après les écrivains profanes. — Les anciens auteurs ajoutent divers renseignements à ces indications bibliques. Josèphe, Ant. jud. r XII, vii, 3-4, reproduit le récit de la Bible sans y rien ajouter ; mais, Bell, jud., II, XX, 4, et IV, viii, 1, il indiquele territoire d’Emmaûs comme uni et faisant suite, vers l’est, aux territoires de Lydda et de Jaffa. Les Talmuds disent qu’Emmaùs est un lieu abondant en eau, situé à la fin des montagnes et au commencement de la Séphéla, la yt| 7teotvT|, le ireSiov ou campus, « la plaine » de nos versions. « Depuis Béthoron jusqu’à Emmaûs c’est le pays des montagnes, dit R. Johauan, Talmud de Jérusalem, Schebiit, ix, 2 ; de là jusqu’à Lod c’est la Sefèlâh. » Cf. A. Neubauer, Géographie du Talmud, p. 61 et 100 ; Reland, Palsestina, 1. 1, p. 309. Pline, H. N., v, 14, signale, .