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ÉMERAUDE — EMMANUEL

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étincelert ; ce qui serait une allusion à une’particularité frappante de la vraie émeraude : quand la gemme est assez grosse et que la lumière la frappe dans une position déterminée, elle renvoie la lumière comme un brillant miroir. On peut encore rapprocher de l’hébreu bârégéf le nom sanscrit marakata, qui désigne certainement i’émeraude : le nom avec la chose elle-même a pu venir de l’Inde en Palestine par le commerce. Enfin le n. « paf 80c, forme sous laquelle le nom grec de I’émeraude se présente parfois, n’est pas bien éloigné de bâréqét. — Quant au dnâpafSo ; des livres deutérocanouiques, Tob., xiii, 21 ; Judith, x, 19 ; Eccli., xxxii, 8, et de l’Apocalypse, xxi, 19, il a bien le sens d’  « émeraude », en n’oubliant pas toutefois que les anciens réunissaient sous le même nom, avec la véritable émeraude, plusieurs pierres de même couleur, comme des jaspes, des verres colorés, quelquefois même la malachite. Ainsi, au temps de Pline, on appelait émeraudes toutes les pierres d’un beau vert pré. Jannettaz et Fontenay, Diamant et pierres précieuses, in-8°, Paris, 188t, p. 162. L’indication du lieu de provenance et certaines particularités peuvent servir à distinguer les vraies émeraudes. Celles-ci arrivaient en Palestine soit de l’Inde, soit surtout de l’Egypte, où les gisements en contiennent encore. Dans ce dernier pays, le nom mafek comprenait diverses substances vertes ; mais avec Tépithète ma, « vrai, » il s’entendait seulement de I’émeraude véritable. Lepsius, Les métaux dans les inscriptions égyptiennes, trad. Berend, in-4°, Paris, 1877, p. 35-45. — Quelques auteurs veulent identifier I’émeraude avec le nôfék, la quatrième pierre du rational ; ils y sont portés par le Targum d’Onkélos, qui, dans Exod., xxviii, 18, traduit nôfék par’izmargedîn, où il est facile de reconnaître le mot grec u[iiipay80 « . Maisc’est une erreur ; le nôfék est l’escarboucle.

2° Usages et comparaisons. — L’Écriture nous montre I’émeraude servant par son éclat à rehausser les : étoffes précieuses et les ornements d’or. Exod., xxviii, ’17 ; Ezech., xxviii, 13 ; Judith, x, 19. Théophraste, De lapid., viii, 23, signale I’émeraude en même temps que l’escarboucle et le saphir parmi les pierres précieuses dont on faisait des sceaux. Or, dans une comparaison, l’Ecclésiastique, xxxii, 7, 8, en parallèle avec un cachet en escarbouele, nous parle d’un sceau d’émeraude monté sur or. Le saphir et I’émeraude sont souvent mentionnés ensemble dans les auteurs anciens, comme types de pierres précieuses aux belles couleurs. Ainsi Tobie, xiii, 21, transporté de reconnaissance pour les bienfaits de Dieu, célèbre dans un cantique inspiré la beauté et la gloire de la Jérusalem nouvelle, dont les portes seront bâties de saphirs et d’émeraudes. De même saint Jean, Apoc, xxi, 19, dans les fondements de la sainte cité, pla^e en quatrième lieu I’émeraude, après le saphir et l’escarboucle. L’émeraude, troisième pierre du premier rang sur le pectoral ou rational du grand prêtre, portait vraisemblablement le nom de Lévi. J. Braun, De vestitu sacerd. Hebrseorum, in-8°, Leyde, 1680, p. 765. — Dans la seconde vision de saint Jean, Apoc., IV, 3, le Seigneur se montre à lui sur un trône, et autour du trône était un arc-en-ciel qui semblait une émeraude. Quelques exëgètes croient qu’il s’agit ici de la malachite, dont certaines variétés aux teintes bleues mêlées au vert rappellent l’arc-en-ciel. Mais l’apôtre veut sans doute dire qu’on voyait autour du trône une auréole ayant la forme d’un arc-en-ciel, et au lieu de diverses couleurs, celui-ci n’en avait qu’une, la belle nuance verte de I’émeraude ; couleur si agréable aux yeux, dit Pline, H. N., XXXVII, 5, et qui à cause de cela était regardée comme symbolisant la grâce, la miséricorde divine. — Dans la description de la salle du festin d’Assuérus, Esther, i, 6, il est question de lits d’or et d’argent disposés sur un pavé de bahat et de marbre blanc. Le bahat est rendu par ufnxpay&irr^i dans les Septante, et par smaragdinus dans la Vulgate. Mais le mot hébreu identique à l’égyptien beliel, behiti, désigne le por phyre. Fr. Wendel, Veber die in altâgijptischen Texten. envâlinten Bau-und Edelsteine, in-8°, Leipzig, 1888, p. 7.7. Le ay.âpaf So « des Septante signifiant toujours une substance verte, on peut conjecturer qu’ils ont voulu indiquer ici le porphyre vert. E. Levesque.

ÉMIM (hébreu : ’Êmipi ; Septante : ’0[i(iaîov, Gen., xiv, 5 ; ’0|i[i£v, Deut., ii, 10-11), tribu nommée seulement dans la Genèse, xiv, 5-7, et le Deutéronome, ii, 10-11. C’était une race de géants. Gen., xiv, 5. Leur nom, en hébreu, signifie « les terribles ». Ils habitaient à l’est de la mer Morte, dans la région qui devint depuis le pays de Moab. Deut., ii, 10. Leur ville principale s’appelait Savé Cariathaïm. Ils furent battus, du temps d’Abraham, par Chodorlahomor et ses alliés. Gen., xiv, 5. Du temps de Moïse, ils avaient complètement disparu et il n’en restait plus que le souvenir. Deut., ii, 10-11, 20-23. C’est tout ce qu’on sait d’eux. Cf. H. Sayce, Patriarchal Palestine, in-12, Londres, 1895, p. 36-38.

1. EMMANUEL ( hébreu : ’Immânû’El ; Septante : ’E[i|Jiavour|X ; Matth., i, 23 : 8 è<ttiv (iE9ï)p[xr)vEu6|j.evov « Me6’f, |iS)v 6 ÛEtSç, » ce qui se traduit : « Dieu avec nous » ), un des noms symboliques par lesquels le prophète Isaïe a désigné le Messie.

I. Emmanuel est le Messie. — Cette dénomination est répétée plusieurs fois dans un groupe de prophéties, Is., vi-xii, qu’on a justement nommé « le livre d’Emmanuel ». Elles ont toutes été prononcées à l’occasion de la guerre de Phacée et de Rasin contre Juda, sous le règne d’Achaz. Ce roi impie n’ayant pas cru à une première prédiction, vii, 1-9, Isaïe reparut devant lui pour le détourner de son projet d’alliance avec les Assyriens et lui inspirer une juste confiance en la protection de Jéhovah. Il lui proposa le choix d’un miracle qui entraînerait sa conviction. Sous le faux prétexte de ne pas tenter le Seigneur, Achaz refusa de demander un prodige. Isaïe donna néanmoins un signe de la protection divine sur Juda. Ce signe, choisi par Dieu même, dépassait tout ce que le roi aurait pu imaginer de plus extraordinaire dans la hauteur des cieux ou dans la profondeur de la terre : « Voici que la Vierge {’almâh) conçoit et enfante un fils, et elle lui donnera le nom d’Emmanuel. Il se nourrira de beurre et de miel jusqu’à ce qu’il sache rejeter le mal et choisir le bien ; car, avant que l’enfant sache rejeter le mal et choisir le bien, la terre dont tu redoutes les deux rois sera désolée. » vii, 14-16. Emmanuel sera donc le dis d’une’almâh ou « vierge » parfaite, qui le concevra et l’enfantera sans lésion de sa virginité. Voir 1. 1, col. 390-397. Son nom est un symbole expressif de la protection divine ^ Puisque sa nourriture sera celle des autres enfants, Tertullien, Adv. Judseos, ix, t. ii, col. 619, il ne sera pas un enfant idéal, mais un enfant réel. Sa naissance semble, à première vue, devoir être prochaine, puisque avant qu’il soit sorti de l’enfance, c’est-à-dire avant deux ou trois ans, les royaumes de Syrie et d’Israël, ennemis de Juda, seront dépeuplés par le roi d’Assyrie. Il ne sera pas toutefois un fils d’Isaîe, car l’enfant qui va naître du prophète, viii, 1-4, portera un antre nom. D’ailleurs, d’après les caractères décrits plus loin, Emmanuel sera roi de Juda. Il ne sera pas non plus un fils d’Achaz, car Ézéchias n’a pas réalisé les traits les plus caractéristiques du portrait d’Emmanuel. D’après les autres prophéties d’Isaîe concernant Emmanuel, d’après l’application expresse que saint Matthieu, i, 23, a faite de ce passage à Jésus de Nazareth, d’après l’interprétation unanime de la tradition catholique, Emmanuel ne peut être que le Messie, fils de David et roi de Juda. Cette explication soulève une difficulté qu’on a résolue de bien des manières : Si Emmanuel est le Messie, il reste à déterminer comment sa n ?issance, qui n’eut lieu que 750 ans plus tard, fut pour Achaz et la maison de David un signe de la prochaine délivrance de Juda. Des exégètes sérieux