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ÊLIE


C’est une tradition constante parmi les catholiques qu’Élie a été enlevé de terre corps et âme et qu’il n’a pas payé son tribut à la mort. Diverses opinions se sont produites relativement à la manière dont se fit son enlèvement et au lieu où il fut transporté. À la suite de saint Chrysostome, Hom. de Ascensione, n » 5, t. l, col. 450, certains commentateurs ont pensé que le char et les chevaux qui emportèrent Élie étaient réellement de feu. Cela ne ressort pas nécessairement du texte, qui, selon le sentiment le plus probable, décrit la vision telle qu’elle apparut aux yeux émerveillés d’Elisée, sans rien affirmer sur la nature desphénomènes. Aussi la plupart des exégètes pensent qu’un tourbillon lumineux et resplendissant a environné Elie et l’a ravi aux regards de son disciple. Quant au lieu où le prophète fut emporté, il est inconnu. Le texte hébreu dit simplement qu’Élie monta « au ciel » ; la version des Septante a traduit : mç et ? tot o-jpervôv, et les Pères latins ont admis la leçon correspondante de l’Italique : quasi in ceelum. L’auteur des Qusestiones et responsiones ad orlhodoxos, q. lxxxv, t. vi, col. 1323 ; saint Irénée, Cont. hser., v, 5, 1, t. vii, col. 1135 ; Terlullien, Adv. Marcion., v, 12, t. ii, col. 502, et saint Thomas, Sum. theol., 3° pars, q. xlix, a. v, ad 2*", pensent qu’Élie a été transporté à travers l’atmosphère au paradis terrestre. Saint Grégoire le Grand, Hom. xxix in Evangel., n" 5, t. lxxvi, col. 1216, et Rupert, De Trinit., iii, 23, t. clxvii, col. 321, placent son séjour dans une région terrestre ignorée. Il est plus sage avec Théodoret, Qussst. xlv in Gen., t. lxxx, col. 145, de ne pas décider en des matières sur lesquelles l’Écriture garde le silence. L’enlèvement d’Élie a été regardé par les premiers chrétiens comme une figure de la résurrection. Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2e édit., Paris, 1877, p. 272-273.

La date de l’enlèvement d’Élie est aussi inconnue. On le place généralement sous le règne de Josaphat. Quelques exégètes voudraient que le prophète fut encore vivant sur terre du temps de Joram, roi de Juda, parce qu’on apporta à ce roi un écrit d’Élie, qui lui annonçait la punition de son idolâtrie etde son fratricide. II Par., xxi, 12-15. Mais il est plus probable que Dieu avait révélé à Élie avant son enlèvement les crimes et le châtiment de Joram, et que le prophète avait consigné cette révélation dans un écrit, qu’il remit aux mains d’Elisée, en chargeant son disciple de le transmettre au roi de Juda. Clair, Les Paralipomènes, Paris, 1883, p. 318-319.

VI. ÉLIE DANS LES DERNIERS ÉCRITS DE L’ANCIEN TES-TAMENT et dams les Évangiles. — 1° En conservant Élie vivant, Dieu lui réservait pour la fin des temps une mission glorieuse, que le prophète Malachie, iv, 5-6, nous a fait connaître. Avant le grand et redoutable jour du Seigneur, c’est-à-dire avant le second avènement du Messie, Élie sera renvoyé sur terre. Sa nouvelle mission aura pour but de convertir le peuple juif. « Il rapprochera le cœur des pères de leurs enfants, et le cœur des enfants de leurs pères ; » il ramènera les Juifs, qui vivront alors aux sentiments et à la foi de leurs ancêtres. Saint Jérôme, In Malach., iv, 5-6, t. xxv, col. 1576-1577. C’est pourquoi le souvenir d’Élie est demeuré vivace dans la mémoire du peuple juif. Le premier livre des Machabées, ii, 58, loue son zèle pour la loi, qui lui a valu l’honneur d’être enlevé au ciel. L’auteur de l’Ecclésiastique, XL viii, 1-12, a fait de lui un magnifique éloge. Après avoir rappelé poétiquement ses actions merveilleuses, il mentionne et spécifie sa mission future. Élie reviendra un jour lv âÀeY|j.oî ; , « pour des avertissements, s afin de prêcher la pénitence ; il viendra « pour apaiser la colère du Seigneur, réconcilier le cœuidu père avec le fils et reconstituer les tribus de Jacob ». y. 10. H. Lesêtre, L’Ecclésiastique, Paris, 1884, p. 361. Celte mission sera remplie eï ; xaipo-jç, « aux temps » messianiques, non pas au début, mais à la fin de ces temps.

C’était l’annonce de la mission de saint Jean-Baptiste.

— 2° Au premier avènement du Sauveur, il y eut un homme qui devait marcher devant le Messie, « dans l’esprit et la puissance d’Élie, afin qu’il unisse les cœurs des pères et ceux des enfants », èv nv£-j|iaTt xal 6uvi|j.ei’HXtou, âm<rTpé’{iat xapic’on ; na-ipaiv èVi téxva. Luc, I, 17. Knabénbauer, Evangelium secundwn Lucam, Paris, 1896, p, 50-51. Saint Jean-Baptiste, qui est ainsi désigné, n’a l’esprit et la puissance d’Élie que parce qu’il remplira à ce premier avènement le rôle d’Élie au second avènement. Matth., xi, 14. Knabénbauer, Evangelium secundum Matlhseum, Paris, 1892, t.i, p. 440-441. C’est donc par une fausse interprétation de Malachie que les scribes contemporains de Jésus attendaient Élie comme le précurseur du Messie et regardaient sa venue comme un signe de la proximité des temps messianiques. Matth., xvii, 10 et 12 ; Marc, ix, 11. C’est dans la même persuasion qu’une partie du peuple juif prenait Jean-Baptiste d’abord, Joa., i, 21, Jésus ensuite, pour Élie, Matth., xvi, 14, Luc, ix, 8. Jésus cependant avait rectifié la pensée des scribes, en affirmant qu’Élie viendrait restaurer toutes choses à la fin des temps ; mais qu’un prophète semblable à Élie était déjà venu. Si Jean-Baptiste, en effet, n’était pas Élie en personne, il avait l’esprit d’Élie. Saint Grégoire le Grand, Hom. vil in Evangelium, t. lxxvi, col. 1100. Cf. Knabénbauer, Evangelium secundum Malthseum, t. ii, 1893, p. 87-88 ; Evangelium secundum Marcum, Paris, 1894, p. 236 237 ; Fillion, Évangile selon saint Matthieu, Paris, 1878, p. 340-341 ; Suarez, In 3 am part., q. 59, art. 6, disp. 55, sect. n (Opéra, édit. Vives, Paris, 1866, t. xix, p. 1050-1053) ; Noël Alexandre, Historia ecclesiastica V. T., Paris, 1699, t. ii, p. 185-187 ; L. Atzberger, Die christliche Eschatologie in den Stadien ihrer OJfenbarung im Alten und Neuen Teslamente, Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 160-161 et 306-307, et Geschichte der christlichen Eschatologie innerhalb der vornic&nischen Zeit, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 148, 285, 293, 315-316, 430-431, 559-560, 568-569 et 603-404 ; [Alexis Desessarts], De l’avènement d’Elie, où l’on montre la certitude de cet avènement et ce qui doit le précéder, l’accompagner et le suivre, in-12, 1734 ; Traité de la venue d’Élie, in-12, Rotterdam, 1737. — 3° Quoique Élie n’ait pas été le précurseur du Messie, il eut cependant à remplir un office auprès de sa personne, lors de son premier avènement ; il fut témoin de sa transfiguration au Thabor. Il représentait l’ordre prophétique, et avec Moïse il rendait hommage au fondateur de la nouvelle alliance. Il apparut aux Apôtres brillant et transfiguré, lui aussi, dans son propre corps, et il s’entretint avec Jésus de sa passion et de sa mort. Matth., xvii, 3 ; Marc, ix, 3 ; Luc, ix, 30-31. — L’Église grecque et latine honore la mémoire d’Élie le 20 juillet. — Ce grand prophète a été l’objet de contes et de légendes ridicules. Voir d’Herbelot, Bibliothèque orientale, Paris, 1697, p. 491. On lui a attribué une Apocalypse apocryphe. Voir t. i, col, 763, et A. Harnack, Geschichte der altchristichen Litteratur bis Eusebius, t. i, Leipzig, 1893, p. 853-854 ; Die Chronologie der altchristlichen Litteratur bis Eusebius, t. i, Leipzig, 1897, p. 571-572. — Les rabbins croient qu’il exposera un jour les explications et les réponses qu’ils ont ajournées. Talmud de Jérusalem, Berakholh, i, 1, trad. Schwab, Paris, 1871, t. i, p. 5.

Bibliographie. — P. Dorothée de Saint-René, carme, Les grandeurs des saints prophètes Élie et Elisée, Paris, 1655 ; Acta sanctorum, t. xxxii, Paris, 1868, p. 4-22 ; P. Cassel, Der Prophet Elisa, Berlin, 1860, proleg. vuxvi ; Ms r Meignan, Les prophètes d’Israël. Quatre siècles de lutte contre l’idolâtrie, Paris, 1892, p. 179-248 ; Glaire, Les Livres Saints vengés, Paris, 1815, t. ii, p. 81-98 ; Clair, Les livres des Rois, Paris, 1884, t. i, p. 168-177 ; A. Clemen, Die Wunderberichte ûber Elia und Elisa in den Bûchern der Kônige, in-4°, Grimma, 1877, p. 13-31. E. Masgenqt.