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ÉLIE


vision symbolique. Élie sortit de la caverne, et Jéhovah passa devant lui. Il s’éleva d’abord un vent fort et violent, qui fendait les montagnes et brisait les rochers ; mais Jéhovah n’était pas dans ce vent. Il y eut ensuite un tremblement de terre, dans lequel Jéhovah n’était pas encore. Parut du feu ; Jéhovah ne s’y manifestait pas. Élie entendit enfin le léger frémissement d’une douce brise, que Jéhovah accompagnait. III Reg., XIX, 1-12. Cette imposante théophanie signifiait que si l’ouragan, le tremblement de terre et l’incendie viennent du Seigneur, le précèdent et représentent sa justice irritée, ils ne font pas connaître son essence. Celle-ci est exprimée par la brise vivifiante. Assurément Jéhovah a la force et la puissance de châtier ses contempteurs ; mais dans sa bonté il préfère remplacer les châtiments sévères par les moyens de douceur et de miséricorde. Il donnait ainsi à son prophète une leçon de modération et de patience : Élie ne devait pas se décourager de l’insuccès de son zèle ni condamner tous les coupables. — Quand Jéhovah avait ainsi passé devant lui, Élie s’était couvert le visage de son manteau, par crainte et par respect. Comme il n’avait probablement pas saisi la signification complète de la théophanie, il entendit de nouveau la voix de Dieu, qui le pressait de continuer son ministère. Ses plaintes amères recommencèrent. Le Seigneur lui confia alors la mission d’oindre Hazaël comme roi de Syrie, Jéhu comme roi d’Israël, et Elisée comme prophète et son successeur. Élie ne remplit personnellement que la troisième de ces missions ; les deux premières furent accomplies plus tard par Elisée. IV Reg., viii, 19 ; ix, 1-6. Quoique ces trois personnages dussent être à des litres divers des ministres de ses vengeances, Dieu s’était réservé sept mille Israélites qui n’avaient ni fléchi le genou devant Baal ni baisé sa main. Israël n’était donc pas rejeté, et les restes de ce peuple devaient être sauvés par la grâce divine. Rom., xi, 4-5. Élie comprit enfin que Dieu ne voulait pas la perte d’Israël ; il quitta l’IIoreb et partit reprendre son ministère. Rencontrant Elisée, il le choisit pour son disciple. III Reg., xix, 13-21. Voir Elisée.

IV. Dernières actions d’Eue. — Il reparut bientôt devant Achab comme le justicier de Dieu. Le roi d’Israël avait spolié Nabolh de sa vigne. Voir t. i, col. 122. Au moment où il allait en prendre possession, Élie, sur l’ordre de Dieu, se dressa soudain sur le chemin, reprocha à Achab son crime et lui en annonça le juste châtiment. Le roi, surpris, brava la colère divine. Sans se laisser intimider, Élie répéta les plus terribles menaces. Achab, épouvanté, fit pénitence. Son repentir lui obtint une mitigation de la sentence. Élie lui prédit que les vengeances divines sur sa maison n’auraient leur plein accomplissement que sous le règne de son fils. III Reg., xxi, 17-29.

Élie eut encore à porter un message sévère à Ochozias, fils et successeur d’Achaz. Ayant fait une chute, ce roi impie envoya consulter Béelzébub, dieu d’Accaron. Voir t. i, col. 1547. Jéhovah prévint son prophète de cet acte d’idolâtrie et le chargea d’en annoncer au roi la punition. Élie alla à la rencontre des officiers royaux, et, se dressant à l’improviste devant eux, il leur reprocha le mépris qu’ils faisaient du Dieu d’Israël, et les chargea de dire à Ochozias qu’il ne guérirait pas et qu’il mourrait de sa chute. Sa mission remplie, il se retira rapidement. Les officiers ne connaissaient pas l’auteur de l’oracle. Ochozias s’enquit auprès d’eux de l’aspect et du vêtement de l’homme de Dieu. « C’est un homme, répondirent-ils, vêtu d’un tissu de poils, avec une ceinture de cuir sur les reins. » À cette description, le roi reconnut Élie le Thesbite, et il envoya un chef de cinquante hommes avec sa troupe pour l’arrêter. Celui-ci ayant trouvé l’homme de Dieu assis au sommet d’une montagne, il lui ordonna avec insolence et mépris, au nom du roi, de descendre. Élie répliqua : « Si je suis un homme de Dieu, que le feu du ciel te dévore, toi et les cinquante hommes. ».Et le feu du ciel les dévora à l’instant. Ce châtiment ne produisit chez

le roi que colère et obstination. Un second officier, qui se montra plus insolent encore que le premier, eut le même sort. On a accusé Élie de sévérité injuste et de cruauté. Mais il n’a pas agi par haine ou par vengeance personnelle ; il a voulu venger l’honneur de Dieu grossièrement outragé dans ses prophètes, et donner au roi et à son peuple une éclatante leçon de respect à l’égard des envoyés de Jéhovah. D’ailleurs, en condescendant si promptement aux vœux d’Élie, Dieu lui-même a justifié sa prière. Cependant Ochozias envoya une troisième troupe de cinquante hommes. Celte fois, le capitaine fut respectueux ; il se mit à genoux et demanda la vie sauve. Un ange encouragea Élie et lui dit de descendre sans crainte vers le roi. Élie obéit et répéta à Ochozias l’arrêt de mort qu’il lui avait fait transmettre précédemment. Il disparut aussitôt. TV Reg., i, 3-16.

Toutes les interventions publiques d’Élie dans le royaume d’Israël pour y détruire l’idolâtrie n’occupaient qu’une partie de sa vie. Le temps qui s’écoulait entre ses diverses comparutions devant les rois impies, il le passait dans la retraite et la solitude, au Carmel, si l’on en croit la tradition. Voir col. 294. Il joignait ainsi la vie contemplative à la vie active, et il formait des disciples voués à la pratique et à la diffusion du monothéisme. Il était le chef des écoles de prophètes qui existaient de son temps.

Voir ÉCOLES DE PROPHÈTES.

V. Enlèvement d’Eue. — Au moment où Dieu voulait ravir Élie à la terre, le prophète venait de quitter Galgala avec Elisée. Afin de ne pas avoir de témoin de son enlèvement, par humilité sans doute, il proposa durant le trajet à son disciple de le laisser aller seul à Béthel. Elisée refusa de l’abandonner. À Béthel, les fils des prophètes, qui connaissaient la prochaine disparition d’Élie, en prévinrent Elisée. Celui-ci, qui n’ignorait pas le sort réservé à son maître, leur imposa silence. Élie désirait continuer seul sa marche jusqu’à Jéricho. Elisée voulut encore l’accompagner. Les fils des prophètes de la communauté de Jéricho prévinrent en secret Elisée du prochain enlèvement d’Élie. Persévérant dans son dessein d’écarler tout témoin, celui-ci demanda de poursuivre seul jusqu’au Jourdain. Elisée s’attacha à ses pas, et les cinquante disciples de Jéricho les suivaient à distance. Parvenu au bord du fleuve, Élie frappa de son manteau les eaux, qui se divisèrent et laissèrent aux prophètes le passage à pied sec. Il offrit alors à son disciple le choix d’une dernière faveur. Elisée demanda le droit du fils aîné dans l’héritage paternel, c’est-à-dire une double part de l’esprit prophétique de son maître. Tout en ne se reconnaissant pas le pouvoir d’accorder l’objet de cette demande, Élie indiqua à Elisée un signe que son désir serait exaucé : si Elisée voit son maître au moment de son enlèvement, la double part demandée lui sera concédée. Or, tandis que les deux prophètes continuaient leur chemin et conversaient en marchant, un char et des chevaux de feu les séparèrent tout à coup, et Élie monta au ciel au milieu d’un tourbillon. Elisée surpris se mit à crier : « Mon père, mon père, char d’Israël et sa cavalerie ! » Quand il ne vit plus Elie, il déchira ses vêlements en signe de deuil. Il ramassa le manteau que son maître avait laissé tomber pour lui et en frappa les eaux du Jourdain, qui obéirent à la puissance miraculeuse dont il venait d’hériter et s’écartèrent pour lui livrer passage. IV Reg., ii, 1-14. Les fils des prophètes, qui avaient assisté de loin à l’enlèvement d’Élie, voulurent envoyer cinquante hommes robustes à la recherche de leur chef ; « car, disaient-ils, l’esprit du Seigneur l’a peut-être jeté sur une montagne ou dans une vallée. » Elisée, qui avait été témoin oculaire de la disparition d’Élie, déconseilla d’abord cette recherche et céda enfin aux instances de ses disciples. Les cinquante hommes, qui étaient allés de divers côtés, revinrent au bout de trois jours à Jéricho, après des démarches inutiles ; ils n’avaient pas re-