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ELIE


lifé qu’elle donnait à son prophète, celui-ci prit le cadavre dans ses bras, l’emporta à la chambre haute et le coucha sur son lit. Après une ardente prière, il s’étendit par trois fois sur l’enfant, se rapetissant à sa taille, et chaque fois il s’écriait : « Faites, Seigneur, que l’âme de cet enfant rentre dans son corps. » Ces vœux furent exaucés, et l’enfant revint à la vie. Élie le descendit dans la chambre inférieure de la maison et le remit vivant à sa mère. A ce signe, celle-ci reconnut de nouveau qu’elle avait reçu chez elle un ministre du vrai Dieu. III Reg., xvii, 1-24. Élie avait opéré une véritable résurrection, Eccli., XLVHI, 5, et son action pour réchauffer et ranimer le cadavre représentait symboliquement l’œuvre de Dieu, qui est le maître de la vie et de la mort.

II. Eue, Achab et les prêtres de Baal. — Trois ans après son arrivée à Sarepta, Élie reçut de Dieu l’ordre de se présenter devant Achab, pour lui prédire la cessation de la sécheresse. La famine était alors extrême dans le royaume d’Israël. III Reg., xviii, 1-2. Élie rencontra Abdias, l’intendant du roi, et l’envoya annoncer à son maître son arrivée prochaine. Abdias redoutait les suites de ce message. Mais Élie était résolu à paraître le jour même en présence d’Achab. Abdias s’enhardit et prévint le roi. Voir t. i, col. 23. Achab vint aussitôt à la rencontre d’Élie, et, dès qu’il l’aperçut, il lui dit avec colère : « N’est-ce pas toi qui troubles Israël ?

— Ce n’est pas moi, repartit le prophète avec intrépidité ; c’est vous-même et la maison de votre père, parce que vous avez abandonné les commandements de Jéhovah et suivi Baal. » Il faut choisir entre ces deux divinités. Dans ce dessein, Élie propose hardiment de réunir sur le mont Carmel tout le peuple, avec les quatre cent cinquante prophètes de Baal et les quatre cents d’Astarté, que Jézabel nourrissait de sa table. Voir col. 292-293. Quand la foule fut rassemblée, Élie la harangua avec vigueur : « t Jusques à quand serez-vous semblables à un homme qui boite des deux pieds ? Si Jéhovah est Dieu, suivez-le ; si c’est Baal, suivez-le. » La cause du monothéisme était en jeu. Élie mit au défi les prophètes de Baal et se plaça résolument seul en face de quatre cent cinquante adversaires. Les deux partis prendront chacun un bœuf, qu’on coupera par morceaux ; ils le couvriront de bois et prieront leur divinité de faire descendre le feu du ciel pour consumer la victime. Le Dieu qui exaucera les vœux de ses adorateurs sera reconnu pour le vrai Dieu. Celte proposition fut trouvée excellente. Les prêtres de Baal, qui étaient les plus nombreux, commencèrent l’épreuve. Jusqu’à midi ils invoquèrent Baal, en dansant autour de l’autel. Élie se raillait d’eux : « Criez plus haut, disait-il. Votre dieu converse, voyage ou dort ; éveillez-le. » Excités par cette mordante ironie, les prophètes de Baal poussèrent de plus grands cris et firent sur leurs membres de sanglantes incisions. Efforts inutiles ! Baal n’exauçait Cas leurs vœux. Quand vint l’heure du sacrifice ordinaire, Élie releva avec l’aide du peuple un autel de Jéhovah qui avait été détruit. Il le fit de douze pierres, conformément au nombre des tribus, el creusa une tranchée tout autour. Quand la victime fut coupée, il versa trois fois sur elle et sur le bois quatre cruches d’eau ; le liquide se répandit dans la tranchée. Tout étant ainsi disposé, le prophète adressa à Jéhovah une courte et fervente prière. Aussitôt le feu du ciel tomba et dévora l’holocauste, les bois, les pierres, la poussière et l’eau qui était dans la tranchée. Cet éclatant prodige convainquit tout le peuple que Jéhovah était le Dieu véritable. Afin de détruire le culte de Baal, Élie ordonna la mort de tous les prophètes de l’idole et les fit tuer sur le Cison. III Reg.. xviii, 1-40. L’emplacement présumé du sacrifice est nommé aujourd’hui encore El-Mouhraqa, et le lieu du massacre s’appelle Tell el-Qasîs ou Tell el-Qatl. Voir col. 785-786. Cf. V. Guérin, Description géographique, historique et archéologique de la Palestine, -2e partie, Samarie, t. ii, Paris, 1875, p. 245-247. Les Pères et les commentateurs

catholiques ont généralement justifie le prophète du reproche de cruauté relativement à cette sanglante exécution. S. Jean Chrysostome, In Matth., honi. lvi, ! i, t. lviii, col. 551 ; Tostat, In III Reg., xviii, q. xxxv, Opéra, Cologne, 1613, t. vii, p. 292-293 ; G. Sanchez, In quatuor libros Regum, Lyon, 1623, p. 1256-1257. Élie n’ordonna pas le massacre des prophètes de Baal par ressentiment et pour venger le meurtre des prophètes de Jéhovah ; il obéit à une inspiration divine et ne fit qu’appliquer les articles du code mosaïque qui prescrivent la peine de mort contre les idolâtres et notamment contre les faux prophètes. Deut., xiii, 15 ; xvii, 2-7.

Le massacre achevé, Élie invita Achab à remonter à sa tente et à prendre son repas, car déjà il entendait le bruit d’une grande pluie. Achab obéit. De son côté, le prophète gravit le sommet du Carmel. Prosterné à terre et le visage entre ses genoux, il demanda la cessation de la sécheresse. Sa confiance était si assurée, qu’il dit à son serviteur de regarder du côté de la mer si les nuages apparaissaient. Le serviteur ne vit d’abord rien. Élie lui dit : « Retournez-y sept fois. » À la septième fois, le serviteur aperçut un petit nuage qui s’élevait de la mer et qui n’était pas plus large que la main d’un homme. Reconnaissant les premiers signes de la pluie demandée, Élie fait dire à Achab d’atteler son char et de se hâter, de peur qu’il ne soit surpris par la pluie. Le ciel fut obscurci en un instant ; d’épaisses nuées turent poussées par le vent, et la pluie tomba fortement. Jac., v, 18. Achab retournait à Jezraël. Saisi par l’inspiration d’en haut, Élie, les reins ceints, courait comme un héraut devant le char du roi. III Reg., xviii, 41-46. Il voulait sans doute l’accompagner, l’aider à revenir au culte du vrai Dieu et le défendre contre les séductions de Jézabel. Dès qu’elle eut appris de la bouche d’Achab la mort des prophètes de Baal, la reine fit annoncer à Élie qu’elle avait fait le serment de lui donner le même sort dès le lendemain. Justement effrayé, Élie s’enfuit à Bersabée.

111. Élie au Sinaï. — Parvenu en ce lieu, le prophète renvoya son serviteur et s’enfonça dans le désert du Sinaï à la distance d’une journée de marche. Son espérance d’abolir d’un seul coup l’idolâtrie s’était évanouie. Il avait besoin de solitude pour ranimer son courage, et il ne se croyait pas en sûreté sur les terres de Josaphat, qui était l’allié d’Achab. Épuisé par un voyage long, rapide et pénible, Élie s’assit sous un genévrier, et cédant, non pas au désespoir, mais au découragement, il souhaita la mort. Dans son accablement, il s’étendit par terre et s’endormit. Un ange le toucha et lui dit : « Lève-toi et mange. » Élie éveillé regarda autour de lui, et vit auprès de sa tête un pain cuit sous la cendre et un vase d’eau. Il mangea et but et se rendormit. L’ange le toucha une seconde fois et lui réitéra l’ordre de manger, pour se préparer à un grand voyage. Le prophète obéit, et, fortifié par la nourriture qu’il avait prise, il marcha quarante jours et quarante nuits, jusqu’à la montagne d’Horeb. Il n’est pas certain que durant cet intervalle Élie ne prit aucune nourriture, quoiqu’on pense généralement que son jeûne égala Celui de Moïse. S’il mit quarante jours à faire un trajet qu’on peut parcourir en une dizaine de jours, c’est qu’il erra dans le désert à la manière des Israélites à l’époque de l’exode. Ce délai lui était donné pour éprouver et épurer sa foi et pour le préparer aux communications divines qu’il allait recevoir sur la montagne du Seigneur.

Élie entra pour la nuit dans une caverne de l’Horeb, probablement dans celle où Moïse vit passer la majesté divine. Exod., xxxiii, 22. Interpellé par le Seigneur, le prophète, qui était encore sous le coup de l’abattement, exhala ses plaintes sur la triste situation d’Israël, et il en appela à Jéhovah contre son peuple. Rom., XI, 2. L’alliance avec Dieu a été abandonnée, les autels ont été détruits, les prophètes tués ; Élie est resté seul, et on cherche à lui ôter la vie. Pour le réconforter, Dieu lui montra sa gloire et lui manifesta son esprit dans une