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CANON DES ÉCRITURES


Pères qui l’avaient précédé. Rufin lui avait opposé, Apol., H, 33-34, t. xxi, col. 661-662, que Pierre, pendant les vingt-quatre ans qu’il avait gouverné l’Eglise romaine, avait fait connaître aux fidèles les livres qui contenaient la parole de Dieu, et n’avait pas pu leur mettre dans les mains les deutérocanoniques comme canoniques s’ils ne renfermaient pas la vérité. « Gomment donc pourrait-il se faire, continuait-il, qu’après quatre cents ans, l’Église reconnût que les Apôtres ne lui avaient pas mis entre les mains le véritable Ancien Testament, et qu’elle députât ses enfants vers ceux qu’on appelait [les hommes de] la circoncision pour les supplier et les conjurer de leur communiquer au moins quelque chose delà vérité qu’ils possédaient ? » L’argumentation de Rufm reposait sur un fait si certain, elle était tellement irréfutable, que dans sa réponse saint Jérôme protesta qu’il n’avait fait qu’exprimer l’opinion des Juifs, non la sienne : « Non quid ipse sentirem, sed quid illi [Judsei ] contra nos dicere soleant, explicavi. » Apolog. cont. Rufin., ii, 33, t. xxiii, col. 455. Nous trouvons donc dans l’Eglise tout entière, malgré quelques paroles un peu discordantes produites par les rapports des chrétiens avec les Juifs, la croyance au caractère divin de tous les livres protocanoniques et deutérocanoniques de l’Ancien Testament. Cette croyance est aussi attestée par les monuments figurés. 4° Témoignage des monuments figurés. — Le caractère sacré et divin que l’Église attachait aux deutérocanoniques comme aux

protocanoniques est confirmé par les monuments figurés des premiers siècles qui sont parvenus jusqu’à nous : fresques des catacombes, sarcophages, fonds de coupes, lampes, pierres gravées, vases et objets divers. Tous les sujets empruntés aux récits deutéro58. Tobie le Jeune canoniques qui ont pu se prêter au avec le poisson. symbo lisme de l’art chrétien ont été D après Garucci, Vetrt …., ., i i

ornali m figure in traites P ar les P eintr es et les sculporo, pi. 111. teurs chrétiens, et ils l’ont fait sous

la surveillance et avec l’approbation des pasteurs de l’Église, qui, connaissant l’importance de cet enseignement donné aux fidèles par les yeux, ne laissaient exposer dans les cimetières et dans les basiliques, pendant les quatre premiers siècles, rien qui fût emprunté aux écrits apocryphes. C’est ainsi que les différentes scènes de l’histoire de Tobie sont souvent figurées dans les catacombes et sur les monuments antiques. Tobie le jeune apparaît souvent avec le poisson qu’il tire des eaux du Tigre, parce que les Pères virent dans ce poisson le symbole du Christ. (S. Optât de Milève, De schism. Donat., iii, 2, t. xi, col. 991.) Un fond de coupe nous montre le jeune voyageur (fig. 58) la main dans la gueule du poisson. Les représentations de ce genre abondent. Voir Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2e édit. 1877, p. 760 ; Heuser, dans Kraus, RealEncyklopàdie, t. ii, 1886, p. 871. Tobie le père se rencontre plus rarement, mais saint Paulin de Noie, Poem., xxviii, 23, t. lxi, col. 663, nous apprend qu’il avait été peint au commencement du Ve siècle, dans le porche de la vieille basilique de saint Félix, à Noie, de même que Job, Judith et Esther :

At geminas [cellas] quæ sunt dextra lævaque patentes

Biais historiis ornât pictura fideiis :

Unam sanctorum comptent sacra gesta virorum :

Jobus vulneribus tentatus, lumine Tobit ;

Ast aliam sexus minor obtinet : inclyta Judith,

Qua simul et regina potens depingitur Esther.

Toutes les parties deutérocanoniques de Daniel ont fourni des sujets aux premiers artistes chrétiens. Les trois enfants dans la fournaise de Babylone, Ananias, Misaël et Azarias, sont fréquemment représentés, et ils le sont plusieurs fois avec des détails empruntés à la partie grecque

du chapitre m de Daniel, détails qui ne se lisent que dans la partie chaldaïque, tels que la présence de l’ange, qui descend au milieu des flammes pour en éteindre l’ardeur autour des jeunes Hébreux. Dan., iii, 45-50. C’est ainsi qu’on le voit (fig. 59) sur une lampe trouvée en Afrique, actuellement au musée de Constantine. Il se tient derrière les trois jeunes gens, les mains levées en signe d’encouragement et pour commander aux flammes. Le

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59. — L’ange et les trois jeunes gens dans la fournaise.

Lampe du musée de Constantine, d’après Héron de Villefosse.

Mus. Arch., 112.

personnage de droite porte dans les mains un objet qui ressemble à un instrument de musique, pour indiquer le cantique que les courageux confesseurs de la foi chantent au milieu de la fournaise. Dan., iii, 52-90.

L’histoire de Susanne, pauvre brebis que voulaient dévorer des bêtes féroces, comme nous. la montre une fresque des catacombes où elle est représentée sous cette forme entre un loup et un léopard (Perret, Catacombes de Rome, t. i, pi. 78), avait sa place marquée dans les monuments de ces première chrétiens persécutés dont elle était l’emblème ; aussi l’y rencontre-t-on assez souvent. (Heuser, dans Kraus, Real-Encyklopâdie, t. ii, p. 800.) Une célèbre cassette d’ivoire de Brescia (lipsanoteca bresçiana), publiée par Odorici, Antichità cristiane di Brescia, in-f°, Brescia, 1845, pi. 5, n » 11, et p. 67, et qui, d’après Kraus, Real-Encyklopàdie, t. i, p. 407, est du rve siècle, représente, entre autres sujets (fig. 60), plusieurs scènes de l’histoire de Susanne. On voit, à gauche, les deux vieillards cachés chacun derrière un arbre du jardin, puis la scène du jugement. À l’extrémité, à droite, est figuré un. autre épisode qui est aussi très souvent représenté dans l’art primitif, et qui peut se rapporter aux fragments deutérocanoniques de Daniel : c’est ce prophète dans la fosse aux lions. Seulement, comme il y a été jeté deux fois, Dan.,