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ÉLAM


il délivra et remporta la statue de la déesse Nanâ. À côté du texte cunéiforme, de vastes tableaux, analogues à ceux qui se déploient sur les pylônes des temples de l’Egypte, nous font assister à toutes les péripéties de cette guerre d’Élam, la plus terrible de toutes celles qu’ait entreprises Assurbanipal.

/// Période. Perte de l’indépendance. — Grâce aux monuments chaldéens et assyriens, nous avons pu jusqu’ici suivre exactement l’histoire d’Élam et la série de ses rois, qui souvent ensanglantèrent le trône et préparèrent la lin réservée à tout royaume divisé contre lui-même. Après la chute de Ninive, la contrée recouvrat-elle son indépendance ? Ce n’est pas sur, bien que la Bible en parle toujours comme d’une nation distincte. Elle dut recevoir quelques enfants des Hébreux pendant la captivité. Is., XI, 11. Les prophètes annonçaient que tous ses malheurs n’étaient pas finis. Elle devait, comme les autres peuples, boire la coupe de la colère divine. Jer., xxv, 25. Au commencement du règne de Sédécias, roi de Juda, Jérémie s’écriait : « Ainsi parle le Seigneur des armées : Voici, je vais briser l’arc d’Élam et leur principale force. Et je ferai venir contre Élam quatre vents des quatre coins du ciel, et je les disperserai à tous ces vents, et il n’y aura pas une nation où n’arrivent les fugitifs d’Élam. Je ferai trembler Élam devant ses ennemis… Et j’établirai mon trône dans Élam, et j’en détruirai les rois et les princes. Mais dans les derniers jours je ferai revenir les captifs d’Élam, dit le Seigneur. » Jer., xlix, 34-39. Ézéchiel, xxxil, 24, la met au nombre des morts que l’Egypte ira rejoindre. Après avoir été une des provinces du dernier empire chaldéen, Dan., viii, 2, elle forma plus tard une importante satrapie du royaume des Perses, dont Suse devint la capitale et la résidence favorite des rois. Esth., i, 2. Voir Suse. — Pour les sources de cette histoire, voir la bibliographie des articles Assyrie, Babylonie, Chaldée ; J. Menant, Annales des rois d’Assyrie, Paris, 1874 ; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, t. iv, p. 286-290, 348-353, 358-364.

IV. Langue et civilisation. — On a retrouvé un certain nombre d’inscriptions susiennes, mais elles n’ont pas encore permis d’éclaircir complètement le mystère de la langue qu’elles expriment. Les caractères sont une modification du cunéiforme babylonien archaïque. Les textes ont été réunis en grande partie par F. Lenormant, Choix de textes cunéiformes inédits, p. 115-141. D’après lui, parmi les mots, en petit nombre, dont on peut déterminer le sens avec certitude, une portion notable se rattache étroitement au suméro-accadien. Exemples : an, a dieu ; » accadien, an ; meli, « homme ; » accadien, mulu, etc. D’autres, qui n’ont pas de correspondant en accadien, possèdent leurs parallèles non moins évidents en proto-médique. Exemples : aak, « et, aussi ; » protomédique, aak ; sak, « fils ; » proto-médique, sakri. Enfin quelques-uns demeurent encore sui juris et ne se prêtent jusqu’à présent à aucune comparaison. Exemples : burna, « loi ; » kudhur, « adoration, service. » Cf. F. Lenormant, La magie chez les Chaldéens, in-8°, Paris, 1874, p. 322, 323 ; Hommel, Geschichte Babyloniens und Assyriens, p. 46-47, 274 et suiv., et Die sumero-akkadische Sprache, dans la Zeitschrift fur Keilforschung, t. i, p. 330-340, la rattache au géorgien, et l’introduit dans une grande famille linguistique qui comprendrait l’héthéen, le cappadocien, l’arménien des inscriptions de Van, le cosséen. G. Maspero, Histoire ancienne, t. ii, p. 35, note 3. MOppert a pensé retrouver sur une tablette du British Muséum une liste de mots appartenant à l’un des idiomes probablement sémitiques de la Susiane, différents à la fois du suso-médique et de l’assyrien. Trois exemples nous suffiront ici :

Sumérien. Élamita. Srao-médique. Assyrien,

ciel… anna, ’ilûtu, dagigl, (an) lctk, sàmu.

dieu. … dingir, dimmer, bashu, an nap, ttu.

homme., lii, mclt, veli, rvh, avcla.

Après une liste d’une quarantaine de mots, le savant ajoute : a En voilà assez d’exemples pour démontrer l’existence de ces quatre langues dans le bassin de l’Euphrate, et pour faire voir que la langue élamite offre une grande diversité qui la sépare des autres idiomes sumérien, suso-médique et assyrien. Mais en même temps les lacunes considérables de notre savoir ne sauraient nous autoriser à prétendre et à affirmer que cette langue n’était pas une langue sémitique. » J. Oppert, La langue des Élamites, dans la Revue d’assyriologie, t. i, Paris, 1885, p. 45-49. — Les inscriptions susiennes ont été étudiées par Oppert, Les inscriptions en langue susienne, Essai d’interprétation, dans les Mémoires du congrès international des orientalistes de Paris, 1873, t. ii, p. 72-216 ; Sayce, The languages of the cuneiform Inscriptions of Elam, dans les Transactions of the Society of Biblical Archscology, t. iii, 1874, p. 465-485, et The Inscriptions of Mal-Amir dans les Actes du sixième congrès international des orientalistes, tenu en 1883, à Leyde, t. ii, p. 637-756 ; A. Quentin, Textes susiens, dans le Journal asiatique, Paris, 1891, t. xvil, p. 150 sq. ; V. Scheil, Textes élamites sémitiques, in-4°, Paris, 1900.

Les mœurs et la civilisation ne devaient pas différer beaucoup de celles de la Chaldée. Pour avoir une idée de la richesse et des arts chez les Élamites, il nous suffit de rappeler les trésors que leur enleva Assurbanipal : « Par la volonté d’Assur et d’istar, j’entrai dans le palais d’Ummanaldas, et je m’y installai en grande pompe ; je fouillai la maison du trésor, où l’or, l’argent et toutes les richesses se trouvaient entassées, que les rois élamites les plus anciens jusqu’aux rois de ce temps-ci avaient ramassées… C’étaient des vêtements royaux d’apparat, des armes de guerre et toutes choses servant à combattre, des arcs, des ustensiles et des fournitures de toute espèce ; les divans sur lesquels ils s’asseyaient et dormaient, les vases dans lesquels ils mangeaient et buvaient… ; des chars de guerre, des chars de parade dont le timon était orné de pierres précieuses ; des chevaux, de grandes mules dont les harnais étaient recouverts de lamelles d’or et d’argent. Je détruisis la pyramide de Suse, dont la masse était en marbre et en albâtre ; j’en abattis les deux pointes, dont le sommet était en cuivre étincelant. » Le même monarque parle de trente-deux statues de rois, en argent, en or, en bronze et’en albâtre, qu’il enleva aux villes de Suse, de Màtaktu, de Huradi, de lions et de taureaux à face humaine qui faisaient l’ornement des temples, des colosses qui gardaient les portes des sanctuaires. Cf. Lenormant-Babelon, Histoire ancienne, t. IV, p. 361. Tous ces détails supposent chez les Élamites de l’habileté et du goût pour les arts. II n’est pas question ici des monuments de l’époque persane. « Si dès le temps de Cyrus et peut-être même avant son avènement, cette contrée ( la Susiane) a été réunie à la Perse et en a depuis lors partagé les destinées, le peuple qui l’habitait, avant de perdre son existence distincte, avait eu tout un long passé de vie autonome et brillante ; on s’est quelquefois demandé si sa civilisation n’est pas, antérieure à celle même de la Chaldée. Quoi que l’on arrive à penser des affinités ethniques de la race susienne, ce qui est certain, c’est que l’histoire monumentale de l’Élam ne commence pas avec les princes achéménides. Lorsque ceux-ci choisirent Suse pour une de leurs résidences favorites, il y avait de longs siècles qu’avait surgi au-dessus de la plaine cette forteresse royale que l’on voit déjà figurée dans les tableaux de bataille des conquérants assyriens. Ce sont les couches superficielles des tumulus qui ont livré à Loftus et à M. Dieulafoy les restes des monuments de Darius et d’Artaxerxès ; mais l’énorme tertre renferme, profondément cachés dans ses flancs, les débris des constructions antérieures et des bas-reliefs en terre cuite qui les décoraient ; le plus récent explorateur croit même avoir mis au jour, dans quelques-unes de ses tranchées, des parties de murailles et des émaux qui appar-