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ÉLAM


cise encore davantage par l’inscription de Béhistoun, dans laquelle au babylonien I-lam-mat répond te persan Uvaja, c’est-à-dire « la Susiane ».’Êlâm, qui signifie « pays haut », est le nom donné par les Babyloniens sémites au pays montagneux qui commence au nord et à l’est de Suse. Le terme accadien employé pour désigner la même contrée, Numma-ki, avait la même valeur ; c’est ce qu’avaient déjà reconnu les premiers assyriologues. Le nom particulier, indigène) d’après les monuments eux-mêmes, était èuSinak (cf. Sûsankâyê’, I Esdr., IV, 9), de SuSân ou SUSin, Suse, la ville principale. Si la région élevée s’appelait Numma, Hamma, la plaine était nommée Anzân, AnSân, et par assimilation de la nasale à la chuintante, AsSân, nom qui se trouve mentionné dans les inscriptions des rois et des patesi de Lagas, dans le Livre des présages des vieux astronomes chaldéens, et dans le protocole royal de Cyrus et de ses ancêtres (cf. Rawlinson, Cun. Insc. W. A., t. v, pi. 35, 1. 12, 21), et qui a donné lieu à d’ardentes polémiques.’Êlâm est devenu en grec’EX’jjiai, ’EXuiiaïç, l’Élymaïde des auteurs classiques. Cf. Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies ? Leipzig, 1881, p. 320 ; E. Schrader, Die Keilinschriften und das Allé Testament, Giessen, 1883, p. 111 ; G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, t. ii, 1897, p. 33.

II. Géographie. — 1° Situation et description. — Plusieurs auteurs anciens ont confondu Élam avec la Perse. C’est une erreur au triple point de vue ethnographique, philologique et historique. N’eussions-nous que la Bible pour guide, nous pourrions encore assez exactement déterminer le territoire et le peuple désignés sous ce nom. Elle range les Élamites parmi les descendants de Sem, Gen., x, 22 ; I Par., i, 17, tandis que les Perses sont des Aryas, c’est-à-dire de race indogermanique. Elle leur donne pour voisins Sennaar ou la Babylonie, Gen., xiv, 1 ; I Esdr., iv, 9, le Guti (hébreu : Gôim ; Vulgate : Gentium), au nord de ce dernier royaume, Gen., xiv, 1, les Mèdes, Is., xxi, 2, et pour ville principale Suse, sur le fleuve Ulai, l’ancien Eulssus, EùXato ; . Dan., viii, 2. Toutes ces données nous conduisent à la Susiane, entre la Babylonie et la Perse, en sorte que le pays d’Élam touchait’au sud au golfe Persique, à l’ouest à la Chaldée, au nord à l’Assyrie et à la Médie, et du côté de l’est à la Perse. Les traducteurs arabes de la Bible l’avaient bien compris : Saadia rend le nom par Khouzistân, Gen., x, 22 ; xiv, 1 ; Is., xi, il ; l’auteur de la version des Prophètes dans la polyglotte de Londres, Is., xi, 11 ; xxi, 2 ; xxii, 6 ; Jer., xlix, 34 ; Ezech., xxxii, 21, le traduit par Ahouaz, ville encore existante de la contrée. Cf. A. Knobel, Die Volkertafel der Genesis, Giessen, 1850, p. 139. (Voir la carte, lig. 537.)

L’Élam correspond donc en grande partie au Khouzistân ou Arabistan actuel, dont la configuration est nettement accusée. Il comprend deux régions distinctes, celle de la plaine et celle des montagnes. Les plaines basses, que le golfe Persique borde au sud et le Schatt el-Arab à l’ouest, ont un aspect nu et inculte ; brûlées en été par une chaleur presque tropicale, elles sont partiellement inondées en hiver par les pluies et le débordement des rivières, qui les transforment en lacs ou en marais. Mais, à mesure qu’on s’élève vers l’intérieur, des collines à pente douce conduisent à un premier palier d’élévation moyenne, où se sont développées de tout temps les villes les plus importantes du pays, comme Suse anciennement et Chouster aujourd’hui. À partir de ce premier gradin commence la montagne proprement dite, qui se compose de chaînons parallèles, dont la direction générale est du nord-ouest au sud-est. La chaîne est principalement formée de roches calcaires et crétacées, tandis que les avant-monts rapprochés du Tigre ont pour la plupart des nummulites et des grès plus récents. En venant de la plaine, il faut monter par une succession de degrés et de cluse en cluse : les montagnes s’étagent l’une derrière l’autre et s’alignent

parallèlement sur six ou sept rangs, comme autant de remparts, entre le plateau de l’Iran et les campagnes du Tigre. Cette zone est entrecoupée de vallées nombreuses, latérales ou transversales, que parcourent d’innombrables cours d’eau alimentés par les sources ou par les neiges. Le sol ici est très riche ; on y récolte du blé et de l’orge ; mais la plus grande partie des vallées est couverte d’immenses pâturages où paissent des troupeaux de moutons et de gros bétail. Les étés y sont tempérés et les hivers très froids : aussi la végétation y est-elle bien différente de celle qui couvre les plaines inférieures. Le Khouzistân est situé tout entier sur le talus du pla Echdla

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537. — Carte de l’Elam.

teau incliné vers le bassin de l’Euphrate. C’est dans cette direction que s’écoulent toutes les eaux. Les rivières y sont nombreuses, et plusieurs sont considérables. Citons principalement la Kerkha, VUknû des Assyriens, le Khoaspès des Grecs, et le Kourân ou Karoûn, qui représente dans une partie de son cours l’Ulai de Daniel, viii, 2, 16, le nâr U-la-a des inscriptions assyriennes, VEu-Iseos des classiques, appelé aussi Pasitigris. Le bras du Karoûn qui passe à Dizfoul est aujourd’hui reconnu pour être l’ancien Ididi, nâr Id-id-ê. Cf. Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies ? p. 193, 329. Ces rivières se réunissent par des canaux en quittant les hauteurs et se déplacent perpétuellement à travers le sol meuble de la plaine susienne ; elles égalent bientôt la largeur de l’Euphrate, puis elles se perdent à moitié au milieu des vases, et elles vont rejoindre le Schatt el-Arab. Elles se jetaient autrefois dans la partie du golfe Persique qui pénétrait jusqu’à Kornah, et la mer servait de frontière au versant méridional du pays. La côte a quelques baies, et les cours d’eau qui se jettent dans le golfe y forment de petits estuaires.

2° Population. — À la division physique du pays correspond la division de la population. Deux races différentes, les Loûrs et les Arabes, occupent chacune exclusivement une des deux grandes régions. Les premiers, qui appartiennent à la famille iranienne ou persane, possèdent seuls le haut pays. Les seconds, beaucoup moins nombreux, sont répandus dans les plaines inférieures jusqu’au Tigre et à l’Euphrate. La classe pastorale forme la très grande majorité des habitants. Aussi le Khouzistân n’a guère d’autres produits que. ceux de ses troupeaux ; on y cultive cependant le tabac, le coton, l’indigo, le