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ÉDRAI


de la ville. La route de Mezéirib passe an nord le long d’une étroite langue de terre et se poursuit à travers une plaine fertile et bien cultivée.

Après avoir traversé un bras de Vouadi Zéidi, on arrive à un aqueduc appelé par les Arabes Qanâtir Fir’oûn, « les arches de Pharaon. » Son point de départ était autrefois le petit village de Dilli, bâti près d’un marais et sur le Derb el-Hadj. D’après des documents arabes, cet aqueduc a été construit par le Ghassanide Djébelé I er et est long de vingt lieues. Ruiné maintenant, il ne donne plus d’eau, en sorte que la ville a peine à s’approvisionner : les habitants doivent aller aux deux sources d’Aïn el-Mallâhah, vers le nord, et à celle d’Aïn et-Taouïléh, vers le sud ; encore les premières sont-elles saumàtres et peu abondantes. Il franchit la vallée sur un pont de cinq arches, à l’ouest d’un birket ou réservoir qu’il alimentait autrefois. Non loin se trouve le Hammam es-Siknâni, contraction ruinée, à voûtes arrondies, dont l’ensemble et les détails indiquent d’anciens thermes romains ; à côté, le Siknâni, mausolée inaccessible. Ces deux monuments sont situés sur un plateau entre la ville et Karak, séparés de ce dernier par une dépression de terrain.

En entrant dans la ville proprement dite, qui garde encore, vers le nord, quelques vestiges de ses vieilles murailles, on rencontre dans un même groupe les ruines d’une église, la mosquée et le Médany ou minaret, tour rectangulaire en forme de pyramide tronquée et assez élevée. En se dirigeant vers le sud, on arrive au Serai ou palais du gouvernement ; c’est une maison moderne bien bâtie. Mais ces édifices sont loin d’avoir pour nous l’intérêt que présente la ville souterraine qu’il nous reste à décrire.

L’entrée de ces singulières excavations se trouve à l’extrémité orientale de Der’ât, sur le bord de l’ouadi Zéidi. On rencontre d’abord (fig. 528) une petite cour (a), entourée de murs bâtis en pierres sans mortier, avec un escalier qui conduit à l’ouverture actuelle du souterrain. On pénètre ensuite en rampant dans un couloir bas et humide (6), long de sept mètres sur un mètre cinquante de large, qui se dirige en pente, à l’ouest, vers une chambre rectangulaire, fermée par une porte en pierre. Cette première chambre ( c) est évidemment une caverne artificielle ; les parois et le plafond gardent les traces d’un ancien plâtrage. Le toit naturel est formé de minces couches de cailloux, alternant avec un calcaire tendre et blanc, qui compose le banc rocheux dans lequel le tout est creusé. Il est soutenu par des colonnes surmontées d’une sorte d’abaque en forme de petite table de basalte, qui ont dû être ajoutées longtemps après le creusement, probablement à l’époque romaine. On voit aussi cependant de ces supports naturels taillés dans le roc vif dès l’origine. Au coté méridional, des mangeoires ont été pratiquées dans le mur. Çà et là se trouvent également dans la muraille, à environ deux mètres du sol, des cavités demi-circulaires vraisemblablement destinées à des lampes.

De cette chambre, un court et étroit passage (d) à travers la paroi occidentale conduit dans une autre pièce (e) également carrée et à peu près de même grandeur. Des colonnes de basalte y supportent la voûte ; outre des mangeoires semblables aux précédentes, il y a deux ouvertures à la partie supérieure, communiquant avec le dehors, pour donner de l’air. Ces soupiraux sont, à l’extérieur, entourés d’une muraille en ruine, ce qui fait supposer qu’ils étaient primitivement protégés par des constructions : on comprend du reste l’importance qu’ils avaient pour ces sortes d’habitations. Le sol est couvert de décombres, de pierres brutes et taillées, fragments de colonnes avec moulures. L’extrémité ouest communique avec une autre chambre (f) dont le plan est en forme de croix : on suppose que les deux côtés servaient de magasins. On arrive de là dans une autre

plus petite (g), dont le plafond est au centre soutenu par une colonne. Dans le mur opposé à l’entrée, à deux pieds du sol, est un réduit taillé dans le roc, et au fond duquel est disposé un rang d’auges, pas assez larges pour être des loculi, mais servant plus probablement de dépôts pour le blé. Au sud, au-dessous d’un soupirail, un étroit passage conduit dans une pièce (i) à laquelle est attenant un appartement rectangulaire. En rampant sur les mains et sur les genoux par un long couloir, qui descend vers l’ouest pour retourner vers le midi, on arrive à une chambre carrée (fe), ayant un soupirail à gauche, et, au milieu, une citerne avec un orifice circulaire et la forme d’une bouteille. Un escalier mène ensuite dans une pièce irrégulière, probablement restée inachevée, d’où l’on entre, en tournant à gauche, dans la chambre la plus vaste (l). Près de l’entrée est une citerne semblable à celle que nous venons de mentionner, et de l’autre côté un soupirail traverse la couche assez épaisse du rocher.

Ce n’est là qu’une partie des demeures souterraines. Les habitants assurent qu’elles s’étendent au-dessous de toute la ville, et qu’il y a d’autres ouvertures, maintenant en partie obstruées par les décombres. Celles que nous venons de décrire d’après G. Schumacher ne sont probablement pas celles que visita Wetzstein. Cette étrange et remarquable cité a dû être creusée pour abriter la population dans les moments de danger ; il faut avouer cependant que les ennemis avaient beau jeu s’ils parvenaient à boucher les soupiraux. Par contre, Guillaume de Tyr, Hist. rerum transmarin., lib. xvi, cap. x, t. cci, col. 650, nous montre comment les croisés, mourant de soif, éprouvaient une singulière déception en cherchant à puiser de l’eau dans les citernes dont l’orifice paraissait à l’extérieur. Des hommes cachés à l’intérieur coupaient la corde qui descendait les vases destinés à procurer quelque rafraîchissement aux soldats, et le dépit s’ajoutait à la souffrance. Cf. G. Schumacher, Across the Jordan, in-8°, Londres, 1886, p. 121-148 ; J. G. Wetzstein, Reisebericht, p. 47.

III. Histoire. — Il est permis de reconnaître dans cette ville souterraine l’œuvre des premiers habitants de la contrée, ces Baphaïm ou « géants » dont Og lui-même était un des derniers descendants. Les Israélites, après avoir vaincu les Amorrhéens du sud, montèrent vers le nord. C’est alors que le roi voulut leur barrer le passage à Édraï et qu’il fut complètement défait. Num., xxi, 33-35 ; Deut., i, 4 ; iii, 1-10. Le pays fut donné à la demitribu de Manassé. Num., xxxii, 33 ; Deut., iii, 13 ; Jos., xiii, 31. Après cela, la ville n’est plus mentionnée dans la Bible. Faut-il la reconnaître dans V’O-ta-ra’a des inscriptions égyptiennes (Listes géographiques de Karnak, n° 91) ? Quelques-uns le croient ; ce n’est pas certain. Cf. A. Mariette, Les Listes géographiques des pylônes de Karnah, Leipzig, 1875, p. 39 ; G. Maspero, Sur les noms géographiques de la Liste de Thotmés III qu’on peut rapporter à la Judée, extrait de l’Institut Victoria, Société philosophique de la Grande-Bretagne, 1888, p. Il ; W. Max Mùller, Asien und Europa nach altâgyptischen Denkmàlern, Leipzig, 1893, p. 159 ; F. Buhl, Géographie des Alten Palàstina, Leipzig, 1896, p. 251. Durant la période romaine, elle était une des principales villes de la province d’Arabie. Nous en avons des monnaies, qui sont d’une grande rareté ; les plus riches cabinets n’en comptent que peu de spécimens. Cf. F. de Saulcy, Numismatique de la Terre Sainte, in-4°, Paris, 1874, p. 373-377. Pour les inscriptions, cf. Waddington, Inscriptions grecques et latines de la Syrie, in-4°, Paris, 1870, p. 488 ; Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1890, p. 188-189.

A. Legendrk.

2. ÉORAl (hébreu : ’Édré’i ; Septante : Codex Vaticanus, ’AaaàpEi ; Codex Alexandrinus, ’ESpâei), ville forte de Nephthali, mentionnée une seule fois dans la