Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/812

Cette page n’a pas encore été corrigée

1553

    1. ECCLÉSIASTIQUE##

ECCLÉSIASTIQUE (LE LIVRE DE L’)

1554

se montre très éloigné des exagérations du pharisaïsme.

— 3. La sagesse ne règle pas seulement les rapports de l’homme avec Dieu, mais elle pénètre dans tous les détails de sa vie morale. C’est elle qui lui fait éviter l’orgueil, l’avarice, l’impureté et les autres vices qui souillent l’âme, x, 14 30, etc. ; elle qui bannit de la société le fléau de la mauvaise langue, elle qui règle les devoirs des divers membres de la famille et de la société, xlii, 9-14, etc. — Nous ne pouvons entrer dans tous les détails de cette morale ; c’est la morale juive traditionnelle, bien rudimentaire encore si on la compare à la morale chrétienne ; mais bien élevée, au contraire, si on la met en parallèle avec les diverses morales du paganisme.

XII. Autorité de l’Ecclésiastique chez les Juifs et CHEZ les chrétiens. — Il est étrange qu’un livre aussi traditionnel que l’Ecclésiastique n’ait pas été universellement reçu par les Juifs ; il n’a pas été admis dans le canon des Écritures par les Juifs de Palestine. On ne saurait expliquer cette anomalie en disant que le livre n’était pas ou était peu connu dans son texte original ; la découverte dont nous avons parlé prouve, au contraire, que le livre hébreu a été répandu dans les milieux palestiniens et y a été maintes et maintes fois copié. La véritable raison semble être que, si le canon n’était pas clos à cette époque, on n’y admettait néanmoins que des livres anciens ou se recommandant de noms vénérés en Israël. Or Ben Sirach était un contemporain ; peut-être même que les persécuteurs contre lesquels il avait protesté durant sa vie ne lui firent pas grâce après sa mort. Il se peut aussi que, selon la remarque d’Ewald (Jahrbùcher der Biblischen Wissenschaft, t. ix, 1858, p. 190), ce livre fût considéré comme formant double emploi avec les Proverbes salomoniens, et que cette raison ait contribué à le faire définitivement exclure du canon palestinien. À certaines époques, en effet, les Proverbes de Ben Sirach paraissent avoir été comme sur la limite du recueil officiel, même dans les communautés juives asiatiques ; l’Ecclésiastique est cité une fois dans le Talmud (Talmud babylonien traité Baba Qama, ꝟ. 92 b), comme appartenant à la classe des ketubim ou hagiographes, et avec la formule « comme il est écrit a, réservée aux écrits canoniques. D’ailleurs même après avoir été exclu du canon palestinien, il est cité avec honneur par les rabbins ; il est considéré comme un livre bon à lire. Le Talmud, dans plusieurs de ses traités, lui emprunte nombre de proverbes. Il faut, en effet, identifier avec notre auteur ce Ben Sira auquel sont attribuées quatre-vingts sentences environ : la concordance qui existe entre le texte hébreu et plusieurs de ces sentences ne laisse aucun doute sur cette identification (cf. Cowley et Neubauer, The original Hebrew of a portion, of Ecclesiasticus, p. xix-xxx). — Quant aux Juifs alexandrins, ils ont toujours regardé ce livre comme canonique.

L’Ecclésiastique n’est parvenu aux Églises chrétiennes que dans la traduction grecque, et les doutes qui avaient plané sur sa canonicité dans la synagogue ont eu leur écho dans l’Église. — Il est difficile de déterminer si ce livre a été cité dans le Nouveau Testament. Nulle part il n’est allégué avec la formule consacrée aux Écritures canoniques de l’Ancien Testament. Si en certains cas on peut établir des rapprochements entre des passages de l’Ecclésiastique et tel ou tel écrit du Nouveau Testament, Joa., xiv, 23, Luc, XII, 10, notamment l’Épître de saint Jacques, I, 19, ces rapprochements sont trop vagues pour qu’en stricte logique on puisse conclure à un emprunt direct. — Quant aux Pères, le premier qui cite le livre de Ben Sirach d’une manière précise et certaine est Clément d’Alexandrie, et en trente endroits de son Pxdag., i, 8, etc., t. viii, col. 325, 329, etc., il le cite comme Écriture ; il en présente les extraits comme étant la voix du grand Maître. Origène le cite à son tour, avec la formule « comme il est écrit. » In Numer., Hom. xviii, 3, t. xii, col. 714. Les autres écrivains de l’école d’Alexandrie, notamment

saint Athanase, Ëpistol. ad Episcopos Egypti, 3, t. xxv, col. 540, en parlent dans les mêmes termes. D’ailleurs les Églises d’Orient, avec saint Cyrille de Jérusalem, Catech., 11, 9, t. xxxiii, col. 716, et saint Épiphane, Hœr., 24, 6, t. iii, col. 316, en Palestine ; saint Jean Chrysostome, Ad vid. jun., 6, t. xlviii, col. 608, et Théodoret, In Dan., 1, 9, t. lxxxi, col. 1278, à Antioche ; saint Basile, In Psalm. xiv, 10, , t. xxix, col. 257, saint Grégoire de Nysse, De vita Moysis, t. xliv, col. 357, et saint Grégoire de Nazianze, Orat. xiv, 30, t. xxxv, col. 898, en Cappadoce ; saint Éphrem, Opéra gr. lat., Rome, 1732, 1. 1, p. 71, 76, 77, etc., à Édesse, le reçoivent bientôt sans aucun doute comme Écriture inspirée. Plus tard toutefois, saint Jean Damascène, De fide orth., iv, 17, t. xciv, col. 1180, émet des doutes sur son inspiration, et l’Église d’Abyssinie ne l’admet que pour l’instruction des enfants. — En Occident, la défiance à l’égard de l’Ecclésiastique persiste plus longtemps. Néanmoins saint Cyprien, De mortalit., 9, t. IV, col. 588 ; saint Ambroise, De bono mortis, 8, t. XIV, col. 556, saint Optât, De schism. Don, , iii, 3, t. xi, col. 1000, le traitent avec le même respect que l’Écriture, qu’un livre protocanonique. Saint Augustin, De civil. Dei, xvil, 20, t. xli, col. 554, croit même pouvoir dire que l’autorité de l’Ecclésiastique, comme d’ailleurs des autres livres deutérocanoniques, est acceptée depuis longtemps dans l’Église et surtout en Occident ; et il l’emploie contre les hérétiques. Saint Jérôme, Prsefal. in libr. Salorn., t. xxviii, col. 1242, 1243, au contraire, tout en le considérant comme inspiré, émet des doutes sur sa canonicité et pense que, si on peut l’employer pour l’édification des fidèles, on ne saurait s’en servir pour prouver le dogme. — Toutefois le courant traditionnel s’accentue vite en faveur de la canonicité de l’Ecclésiastique ; le décret du pape saint Gélase devient de plus en plus la règle de la foi. Et c’est bien l’idée de la tradition tout entière que consacre le décret du concile de Trente en définissant l’inspiration et la canonicité du livre de Ben Sirach.

Depuis lors les protestants sont les seuls à en rejeter la valeur scripturaire. Les raisons qu’ils allèguent ne sont pas des plus sérieuses. C’est ainsi que Raynald veut y reconnaître trois erreurs très graves : le chapitre xxiv favoriserait l’arianisme ; le chapitre xlvi, par ce qu’il dit de Samuel, favoriserait la nécromancie, et enfin le rôle attribué à Élie au chapitre xlviii consacrerait une superstition judaïque. Exposer de telles raisons, c’est les réfuter. Aussi bien les protestants d’aujourd’hui n’y attachent-ils que peu de valeur. — Remarquons, à propos de la définition du concile de Trente, que, selon l’avis de graves exégètes, elle ne porte en aucune façon sur le Prologue, œuvre du traducteur, et que ce Prologue n’est pas considéré comme inspiré. (Cf. Laur. Veith, Script, sacra contr. incred. propugnala, Malines, 1824, p. 328.)

XIII. Commentateurs principaux. — En partie peut-être à cause des doutes qui planaient sur sa canonicité, à cause aussi de sa forme et de son caractère gnomique, le livre de l’Ecclésiastique, comme celui des Proverbes, a été peu commenté par les Pères. On ne trouve guère que les courtes explications que saint Patère a recueillies dans les livres de saint Grégoire le Grand, t. lxxix, col. 922-940. D’après Cassiodore, t. lxx, col. 1117, saint Ambroise et saint Augustin auraient fait des homélies sur l’Ecclésiastique, mais elles ont péri. Rhaban Maur, t. cix, col. 763-1126, est le premier qui ait commenté le livre de Ben Sirach, et c’est de son commentaire que Walafrid Strabon a tiré la Glose ordinaire de notre livre, t. cxiii, col. 1183-1230. — Au moyen âge, parmi les commentaires des Postilles, celui de Nicolas de Lyre occupe la première place. — Aux xvie et xviie siècles, les commentaires de l’Ecclésiastique sont plus nombreux ; citons ceux de : Cornélius a Lapide, in-f°, Anvers, 1664 ; de Paul Palazio de Salazar, in-8°, Cologne, 1593 ; d’Oct. de Tufo (pour les chap. i-xviii seulement), Cologne, 1628 ;