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CANON DES ÉCRITURES


est donc la seule voie, [nous dirons : la seule entièrement sûre, ] qui puisse nous conduire à la connaissance certaine du canon des Juifs, en rattachant le canon de l’Église primitive à celui de la Synagogue et en nous manifestant la véritable croyance des Juifs dans celle des Apôtres et des premiers chrétiens. » La lecture de la Bible, t. ii, p. 31-32.

III. Canon chrétien de l’Ancien Testament. — g I. Canon des auteurs du Nouveau Testament. — Nous ne possédons point de catalogue officiel des Écritures promulguées par les Apôtres, mais nous, pouvons constater par les écrits du Nouveau Testament quels sont les livres de l’Ancien dont ils se sont servis et qu’ils ont considérés comme la parole de Dieu. — 1. Notre-Seigneur lui-même a fait appel aux Écritures pour confirmer sa mission : « Examinez les Écritures (-àç fpaçî ; ), dit-il, car ce sont elles qui rendent témoignage de moi. » Joa., v, 39. « Il explique » aux disciples d’Emmaùs, « en commençant par Moïse et continuant par tous les prophètes, ce que toutes les Écritures disaient de lui. » Luc, xxiv, 27. Il rappelle la triple division de l’Ancien Testament, quand il dit à ses Apôtres : « Il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi de Moïse, dans les prophètes et dans les Psaumes. » Luc., xxiv, 44. — 2. Les Apôtres suivent l’exemple de leur Maître, et ils citent constamment la Suinte Écriture. On sait que c’est un des caractères les plus marqués de l’Évangile de saint Matthieu de montrer dans Jésus le Messie promis, parce qu’en lui se sont accomplies les prophéties dont il rapporte expressément les textes. Matth., ii, 5-6, 15 ; iii, 3, etc. Les autres évangélistes rapportent aussi des passages de l’Ancien Testament. Saint Paul en a fait un usage très fréquent. Nos éditions du Nouveau Testament sont pleines de références à l’Ancien. Il suffit de les ouvrir pour s’en convaincre. On y voit des emprunts faits à tous les livres protocanoniques (excepté à Estlier, aux deux livres d’Esdras, à l’Ecclésiaste, au Cantique des cantiques, à Abdias et à Nahurn, que les Apôtres n’ont pas eu occasion de citer). Ce qu’il importe le plus de noter, c’est qu’ils citent aussi des passages tirés de livres deutérocanoniques. Un savant protestant, R. E. Stier (1800-1862), dans Die Apokryphen, Vertheidigung ihres altgebrachten Auschlusses an die Bibel, in-8°, Brunswick, 1853, a recueilli tous les endroits qui lui ont paru être tirés des parties deutérocanoniques, et il en a trouvé un grand nombre. Quelques-unes des citations sont douteuses, mais un certain nombre sont certaines, comme l’a établi Bleek, Ueber die Stellung der Apokryphen des Alten Teslamentes in christlichen Kanon, dans les Theologische Studien und Kritiken, t. xxvi, 1853, p. 337-349. Il reproduit le texte grec original, dans lequel il faut faire la comparaison pour se rendre exactement compte des emprunts. Les livres et les passages suivants, par exemple, ont été présents à l’esprit de l’écrivain sacré :

Judith, viii, 14 I Cor., Il, 10.

Sagesse, ii, 17-18. Matth., xxvii, 39-42.

Sagesse, iii, 5-7 I Petr., i, 6-7.

Sagesse, v, 18-20 Eph., vi, 13-17.

Sagesse, vii, 26 Hebr., i, 3.

Sagesse, xm-xv Rom., i, 20-32.

Sagesse, xv, 7 Rom., ix, 21.

Ecclésiastique, v, 13 Jac, i, 19.

Ecclésiastique, xxviii, 2… Matth., VI, 14.

II Machabées, vi, 18-vn, 42.. Hebr., xi, 34-35.

Cf. aussi Yincenzi, Sessio quarta Concilii Tridentini vindicata, Rome, 1844, t. i, p. 15-24 ; pour les Épitres de saint Paul et la Sagesse, Ed. Grafe, Das Verhâltniss der paulinischen Schriften zur Sapientia Salomonis, dans Theologische Abhandlungen, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1892, p. 253-206, et pour l’Épître de saint Jacques et l’Ecclésiastique, Werner, Ueber den Brief Jacobi, dans la Theologische Quartalschrift de Tubingue, 1872, p. 265.

On doit remarquer particulièrement dans ces citations celles de la Sagesse et du second livre des Machabées, les deux seuls écrits de l’Ancien Testament qui ont été composés en grec. Elles prouvent que les Apôtres faisaient usage de la Bible grecque et acceptaient comme Écritures les livres contenus dans les Septante. Il est d’ailleurs certain, par la manière dont ils rapportent les passages de l’Ancien Testament, et c’est là un fait reconnu de tous, qu’avaient déjà observé les Pères (S. lrénée, Adv. Hter., iii, 21, 3, t. vii, col. 950 ; Origène, In Rom., viii, 6, 7 ; x, 8, t. xiv, col. 1175, 1179, 1264, etc.), qu’ils citent les livres protocanoniques eux-mêmes d’après la traduction grecque. — Nous avons donc le droit de conclure que les livres deutérocanoniques sont, pour ainsi dire, « canonisés » par le Nouveau Testament comme les protocanoniques.

Afin d’atténuer la force de ce raisonnement, on prétend que les deutérocanoniques n’ont pas été considérés comme divins par les Apôtres, quoiqu’on soit obligé de reconnaître qu’ils en ont fait usage. Mais on ne peut justifier une pareille affirmation, parce qu’il est impossible de trouver aucune distinction dans le Nouveau Testament entre les deux classes de livres. Le chapitre xi de l’Épître aux Hébreux loue la foi des Machabées de la même manière que celle de Gédéon, de David et de Samuel. — On a essayé, mais sans y réussir, de découvrir des citations d’auteurs apocryphes dans quatre ou cinq passages du Nouveau Testament, savoir : Luc, xi, 49-51 ; Joa., vii, 38 ; I Cor., ii, 9 ; Eph., iv, 14 ; Jac, iv, 5-6. — Luc, xi, 49-51, est comme l’écho de nombreux passages qu’on lit dans les prophètes ; Joa., vii, 38, s’appuie sur un mot de Zacharie, xiv, 8 ; I Cor., ii, 9, sur Is., lxiv, 4 ; Eph., v, 14, sur Is., lx, 1, combiné avec Is., xxvi, 19 ; Jac, iv, 5-6, ne renferme pas de citation. Le seul endroit qu’il semble qu’on pourrait alléguer avec quelque probabilité, c’est l’Épître de saint Jude, ꝟ. 9 et jS". 14, où l’apôtre rapporte des faits qui sont racontés dans le livre d’Hénoch ; mais il pouvait connaître ces faits autrement que par cette œuvre apocryphe. — Les Apôtres se servirent donc, dans la prédication de l’Evangile, des livres de l’Ancien Testament que contenaient les Septante, et c’est cette Bible, plus complète que celle des Juifs de Palestine, qu’ils léguèrent comme contenant la parole de Dieu à leurs disciples et successeurs, comme nous le prouve ce qui nous reste des Pères apostoliques.

§ 2. Canon des Pères apostoliques. — « Aucun des Pères apostoliques n’a dressé le catalogue de l’Ancien Testament. D’autre part, le petit nombre et la médiocre étendue de leurs écrits ne permettent pas d’attendre beaucoup de citations. On trouve néanmoins chez eux l’usage des deutérocanoniques, sans trace de doute au sujet de leur autorité. Ainsi, saint Clément de Rome, qu’il faut citer le premier à cause de la grande place qu’il a tenue dans l’Église primitive, emploie dans son Épître aux Corinthiens l’Ecclésiastique et la Sagesse, analyse le livre de Judith et la recension grecque d’Esther. Cf. I Epist. ix-x et Eccli., xliv, en particulier les fꝟ. 16-20 ; — /// et Sap., ii, 24 ; — xxru et Sap., xi, 22 ; xii, 12 ; — lv et Judith, passim ; Eslh., XIV. L’auteur de l’homélie très ancienne qu’on appelle seconde Épître de saint Clément se sert de Tobie. Cf. II Epist. xri, et Tob., xii, 9. Celui de l’Épître attribuée à saint Barnabe cite l’Ecclésiastique. Cf. Barn., xix, et Eccli., iv, 31. Hermas emploie le même livre ainsi que le second livre des Machabées. Ct. Mand. 1, Simil., v, 5, vii, 4, et Eccli., xviii, 1 ; Vis. m, 7, et Eccli., xviii, 30 ; Simil., vi, 4, et Eccli., xxxii, 9 ; Simil., v, 7, et Eccli., xlii, 8 ; Mand. i, et II Mach., vii, 28. Enfin saint Polycarpe cite Tobie. Cf. Epist. x, 8, et Tob., iv, 10. Il résulte au moins de ces témoignages que les successeurs immédiats des Apôtres se servaient de la Bible grecque avec les deutérocanoniques. Ces derniers ne se sont pas encore tous présentés à nous ; mais, comme la pratique des premiers Pères achève de prouver que les Apôtres n’ont point prononcé de sentence