Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/803

Cette page n’a pas encore été corrigée

1541

    1. ECCLÉSIASTE##

ECCLÉSIASTE (LE LIVRE DE L’)

15Î2

tel, avec sa corruption, ses injustices, iii, 16 ; iv, 1 ; v, 8 ; vjii, 9 ; ses caprices, x, 5 ; ses révolutions, x, 7 ; son système de délation, x, 20 ; son horreur des réformes. Il doit avoir vécu lorsque les Juifs, ayant perdu leur indépendance, ne formaient déjà plus qu’une province de l’empire persan. » S. R. Driver, An Introduction, p. 441. — Il s’en faut bien que ces raisons soient convaincantes. Elles sont d’ordre interne, relevant uniquement delà critique. Or « les questions d’histoire, telles que sont l’origine et la conservation des livres, c’est par des témoignages historiques avant tout qu’elles doivent être tranchées… ; les raisons internes en général ne sont pas telles qu’on puisse les invoquer, si ce n’est par mode de confirmation… ». Encycl. Providentissimus Deus, § Est primum, t. i, p. xxvii. Et, en effet, examinons ici l’argument tiré de la langue. Il est si peu décisif, que les rationalistes, dont cependant c’est l’argument capital, se partagent, sur la date et l’auteur de Qôhélét, en plus de vingt-quatre groupes différents ; et ces groupes d’opinions, qui se recommandent surtout de la langue, s’échelonnent entre l’an 975 et l’an 4 avant notre ère. La langue et le style ne sont donc pas une preuve péremptoire. (Voir la liste de ces opinions dans G. Gietmann, In Eccle., p. 22, 23.) À vrai dire, en fait, rien ne s’oppose positivement à ce que la langue et le style soient de Salomon. Il suffit, pour s’en convaincre, de remarquer : 1° que l’araméen est un dialecte très voisin de l’hébreu, qu’il a été parlé eu Israël en tout temps, plus ou moins, qu’il a dû l’être notamment dans le royaume de Salomon, qui s’étendait jusqu’à Thapsa, III Reg., iv, 24 ; 2° qu’il y a des raisons de croire que, parlant en général à son peuple, aux Hébreux et aux non Hébreux, aux Araméens, il s’est servi de termes et de tours araméens ; 3° qu’il a dû, en ce cas, choisir de préférence non pas l’hébreu Classique et savant, mais l’hébreu vulgaire, moins pur nécessairement, dans lequel reviennent des mots et des formes non employés ailleurs. Ajoutons enfin que la critique a singulièrement exagéré le nombre de ces irrégularités linguistiques araméennes. Plusieurs n’en sont pas et plusieurs se rencontrent dans des écrits antérieurs, par exemple Jud., v ; Ps. lxviii. L’argument de la langue et des aramaïsmes n’est donc pas probant. Voir G. Gietmann, In Eccle., p. 23-39. — L’autre est moins concluant encore. Tout ce que Qohélél écrit des injustices sociales, des vexations du pouvoir, de l’esprit de révolte, de la justice mal rendue, de l’incertitude sur l’héritier du ^trône, tout cela est général et s’entend de tous les âges. Plusieurs traits conviennent à Salomon. Et pourquoi pas ? Ne pouvait-il savoir que son gouvernement était blâmé, difficilement supporté, vers la fin surtout ? Et s’il le savait, qu’avait-il à cacher ? Le fait est qu’il faut considérer son livre comme une peinture de la vie privée et de la vie sociale ou politique en général, représentant en Orient à peu près tous les pays et tous les temps dans leur universalité. Rien qui exige qu’il soit rapporté à l’époque persane. Conclusion : le témoignage de la tradition établit qu’il a été composé par Salomon, et la critique sagement exercée, loin d’y contredire, le confirme. — Il n’est pas certain qu’il l’ait compose dans sa vieillesse. Plusieurs le pensent. Quelques-uns prétendent, au contraire, que ce fut dans son âge mur, après les Proverbes, mais avant sa chute. Nous croyons plus probable que c’est une œuvre de son repentir et de ses dernières années. S. Jérôme, In Eccle., t. xxiii, col. 1021. Cf. R. Cornely, Inlroductio, II, 2, p. 174-176.

VIII. Inspiration du livre. — Elle ne fait aucune difficulté. Les Juifs l’ont toujours professée, comme le montrent leurs citations assez nombreuses ( Si nai Schiffer, Das Buch Kohelet nach der Auffassung der Weisen des Talmud und Midrasch und der jûdischen Erklârer tfc » Miltelalters, in-8°, Leipzig, 1844, p. 73, 74, 77-104 ; C. 11. Wright, Ecclesiasles, Excursus i, § 5, p. 469), leurs

listes ou catalogues connus, et la lecture offmelle qui s’en fait dans les synagogues. Elle fut discutée vivement entre les deux écoles juives du I er siècle ; mais, remarquons-le, ce n’est pas de la réception de Qôhéléf dans le canon qu’il s’agissait : il y était admis, mais de son exclusion. Discussion du reste ignorée du vulgaire et tranchée affirmativement en l’an 90, au synode de Jamnia. Les objections soulevées, rapportées par saint Jérôme, In Eccle., t. xxiii, col. 1110, tombèrent devant la récapitulation de la fin, xii, 13. II en fut ainsi dans l’Église. Les preuves de sa foi sur ce point sont les citations, les commentaires, la lecture publique et les listes privées ou officielles. Il s’éleva vers le Ve siècle des doutes à cet égard et même des négations. De qui provenaient-elles, il est malaisé de le dire, Philastre, Her., XII, t. cxxxiv, col. 1265-1267, qui les mentionne, n’étant pas clair. Théodore de Mopsueste est explicite : il soutint que le livre n’avait pas été écrit avec l’esprit prophétique, mais suivant une prudence humaine. Il fut condamné au Ve concile œcuménique, II » de Constantinople. Mansi, Coll. conc, t. ix, p. 223. Et depuis lors l’inspiration de l’Ecclésiaste demeura inattaquée. — Il en est qui ont objecté contre elle les doctrines qui y semblent professées et quelques contradictions ; mais celles - ci n’existent pas, et nous avons montré que celles-là n’ont rien que d’orthodoxe. Il est inutile, pour les justifier, de recourir aux conceptions de ceux pour lesquels le livre est une discussion ou dispute où sont émises des opinions fausses que l’on réfute, ou un dialogue vrai ou fictif entre un jeune et ardent philosophe et un sage, ou encore entre un Juif hellénisant et un Juif attaché aux traditions. La vraie conception de ce livre est tout autre ; nous l’avons montré. R. Cornely, Introduclio, ii, 2, p. 158, 159.

IX. Commentaires. — 1° Période palrislique. — Il ne reste des premiers siècles de l’Église que le commentaire « très court et inachevé » de Denys d’Alexandrie, t. x, col. 1578-1588 ; la MsT « çpâ<ri ; « courte, mais très. utile », de saint Grégoire Thaumaturge, t. x, col. 987-1018 ; huit homélies pratiques de saint Grégoire de Nysse sur les trois premiers chapitres, t. xliv, col. 615-754, et le commentaire complet d’Olympiodore, t. xciii, col. 478-628. Ajoutons la Chaîne des Pères grecs, dont l’auteur est CEcumenius (Vérone, 1532). Le meilleur à tous égards des commentaires latins est celui de saint Jérôme, t. xxiii, col. 1010-1116. Il a été souvent abrégé ou reproduit, dans la suite : Salonius, t. lui, col. 993-1012 ; Alcuin, t. c, col. 665-720 ; Walafrid Strabon, Glossa ordinaria, t. cxiii, col. 1115-1126. Plus personnel est le petit commentaire de saint Grégoire pape, Dial., iv, 4, t. lxxvii, col. 321-328. — 2° Période scolastique. — Il existe dix-neuf homélies de Hugues de SaintVictor sur Eccle., i, l-rv, 5, t. clxxv, col. 114-256. Hugues de Saint-Chera un commentaire sur le livre tout entier, ainsi que saint Bonaventure, qui l’explique selon la méthode scholastique. Mais le plus savant et le plus complet commentaire de cette époque est incontestablement celui de J. de Pineda, Commentarii in Eccle., Séville, 1619 ; Paris, 1620.

— 3° Beaucoup d’autres ont paru avant ou après, il serait trop long d’en citer les auteurs et les titres. Nommons seulement J. Férus, Sermones in Eccle. juxta lilteram, Mayence, 1550 ; Corn. Jansénius de Gand, Commentarii, Anvers, 1589 ; J. Lorin, Commentarii, Lyon, 1606 ; Salazar, Expositio in Eccle., Lyon, 1651 ; Bossuet, Nottsin quinque lib. Sap., dans ses Œuvres, Paris, 1867, t. i, p. 529-568.

— 4° Période moderne. — Il s’y rencontre peu de grands travaux catholiques. Indiquons L. van Essen, Der Prediger Salonw’s, Schaffhouse, 1856 ; B. Schàffer, Neue Vntersuchungen ûber das Buch Kohelelh, Fribourg-en-Brisgau, 1870 ; Vegni, Il Ecclesiaste secondo il testo ebraico, Florence, 1871 ; A. Motais, Salomon et l’Ecclésiaste, Paris, 1876 (épuise la matière) ; L’Ecclésiaste, Paris, 1877 ; Rambouillet, L’Ecclésiaste, Paris, 1879 ; G. Bickell,