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4. EAU (hébreu : maîm, toujours au pluriel ; Septante : flfitop ; Vulgate : aqua), substance bien connue, qui se présente ordinairement à l’état liquide, mais peut prendre l’état solide, sous forme de glace, ou l’état gazeux, sous forme de vapeur, suivant la température. Elle se compose chimiquement en poids de 11, Il d’hydrogène et de 88, 89 d’oxygène, et en volume de 2 d’hydrogène pour 1 d’oxygène, condensés en 2. — La mention de l’eau est naturellement fréquente dans la Sainte Écriture. Nous n’indiquons ici que les passages les plus significatifs à différents titres.

I. Phénomènes naturels. — 1° Au début de l’organisation du globe terrestre par le Créateur, « l’Esprit de Dieu couvait les eaux, » c’est-à-dire exerçait sur la surface liquide de la terre une action particulière, analogue à celle de l’oiseau qui se tient sur ses œufs pour y entretenir la chaleur et y aider à l’éclosion de la vie. Puis Dieu fit au milieu des eaux une étendue, râqîà’, qui sépara les eaux supérieures d’avec les eaux inférieures, c’est-à-dire établit la distinction entre les eaux atmosphériques, nuées, pluies, etc., et les eaux condensées à la surface de la terre, mer, fleuves, lacs, etc. Gen., i, 2, C, 7. — 2° À l’époque du déluge, « toutes les sources de l’abîme sont violemment ouvertes et les cataractes du ciel sont déchaînées, » ’Gen., vii, 11, c’est-à-dire que l’inondation semble produite à la fois par les sources qui débordent et les nuées qui se déversent. Voir Déluge. — 3° Moïse, abandonné par sa mère sur les eaux du Nil, est sauvé par la fille du Pharaon, et pour cette raison appelé moSéh, « sauvé de l’eau. » Exod., ii, 10. Voir Moïse. — 4° Les eaux des torrents et des cascades font entendre un bruit majestueux, que la Sainte Écriture appelle la « voix des grandes eaux ». Ps. lxxvi, 18 ; Is., xvii, 12 ; Ezech., xliii, 2 ; Apoc, i, 15. — 5° L’eau constitue le breuvage naturel de l’homme, surtout en Orient. Geu., xxi, 14 ; Jud., iv, 10 ; Ruth, ii, 9 ; 1 Reg., xxx, 11 ; 1Il Reg., xix, 16 ; I Esdr., x, 6 ; Eccli., xxix, 28 ; Dan., I, 12 ; Ose., ii, 5, etc. Les sources de Palestine sont rares et deviennent parfois le sujet de contestations. Gen., xxvi, 20, etc. Voir Puits. On n’y laisse puiser parfois qu’à prix d’argent. Cf. Deut., ii, 6. Elles fournissent en général de l’eau excellente. Celle qui se conservait dans une des citernes de Bethléhem paraissait si exquise à David, que trois de ses soldats ne craignirent pas de traverser le camp des Philistins pour aller lui en chercher. II Reg., xxiii, 15-17. Voir Citerne, col. 787. L’eau sert à laver les pieds, Gen., xxiv, 32 ; Luc, vii, 44 ; Joa., xiii, 5, etc. ; les mains, Malth., xxvli, 24, etc. ; le corps, Lev., xv, 16, etc. ; les vêtements. Lev., xv, 13, etc. — 6° L’eau est employée pour le baptême de Jean, Matth., iii, 11 ; Marc, I, 8 ; Luc, iii, 16 ; Joa., i, 26, et pour le baptême institué par Notre-Seigneur, Act., viii, 38 ; x, 47 ; Eph., v, 20. Voir t. i, col. 1435. — 7° Quand le soldat frappa le côté du Sauveur mort sur ! ?. croix, il en sortit du sang et de l’eau. Joa., xix, 34. Cette eau était de la lymphe, liquide incolore, qui circule dans les veines lymphatiques du corps humain, et se trouve assez abondamment dans l’enveloppe du cœur appelée péricarde. — 8° L’eau creuse

la pierre en tombant, Job, xiv, 10, grâce aux particules solides qu’elle tient en suspension.

H. Phénomènes surnaturels. — 1° Les eaux du Nil sont changées en sang. Exod., vii, 20. Il y a trois manières d’interpréter ce passage : 1. Le phénomène est purement naturel. Le Nil revêt plusieurs apparences différentes durant sa crue annuelle. Au commencement de juin, ses eaux sont infectées de débris charriés des marais équatoriaux et à demi putréfiés qui les rendent très malsaines. Ces détritus végétaux font donner au ileuve le nom de « Nil vert ». C’est l’avant-garde de la crue véritable. Peu à peu la grande crue monte, augmente, et à son contact les berges desséchées s’effondrent et sont emportées. « À mesure que les ondes successives se propagent plus fortes et plus limoneuses, la masse entière se trouble et change de couleur. En huit ou dix jours elle a varié du bleu grisâtre au rouge sombre : à certains moments, le ton est si intense, qu’on dirait une coulée de sang fraîchement répandu. Le « Nil rouge » n’est pas malsain comme le « Nil vert » ; les boues qu’il charrie, et auxquelles il doit son apparence équivoque, ne lui enlèvent rien de sa douceur et de sa légèreté. Il bat son plein vers le 15 juillet. » Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, t. i, 1895, p. 23 ;

— Les données du texte sacré ne se prêtent nullement à l’identification de la première plaie d’Egypte avec le phénomène du Nil rouge. Le Nil rouge n’apparaît qu’en juillet, tandis que la plaie se produisit vers le milieu de février. L’eau du Nil rouge est excellente, celle du fleuve frappé par la verge d’Aaron faisait périr les poissons et ne pouvait être bue par les Égyptiens. Le phénomène du Nil rouge n’eût aucunement étonné le pharaon ni ses sujets, habitués à le constater annuellement, et, au lieu d’imiter par leurs incantations l’effet opéré par Moïse, les magiciens n’auraient eu qu’à se rire de la naïveté avec laquelle il prenait pour une merveille une transformation connue de tous dans le pays. Enfin le changement opéré par Moïse ne dut persister que peu de jours, autrement tous les Égyptiens seraient morts de soif ; il fallait d’ailleurs que les eaux fussent revenues à l’état normal pour que les magiciens intervinssent à leur tour ; au contraire, le phénomène du « Nil rouge » ne commence à disparaître que vers la fin de septembre, quand la décroissance succède à la crue. — 2. Les eaux ont été véritablement changées en sang, et la transformation porta non seulement sur la couleur, mais sur la nature même de la substance. Ainsi l’ont entendu les Pères, et, parmi eux, ceux qui vivaient en Egypte et auxquels était familier le phénomène du « Nil rouge ». Origène, Homil. iv in Exod., 6, t. xii, col. 321 ; S. Athanase, inter dubia, Synops. Script. Sacr., 6, t. xxviii, col. 297-298 ; S. Cyrille d’Alexandrie, Glaphyr. in Exod., ii, 4, t. lxix, col. 477478 ; t » Joa., IV, vi, 53, t. lxxiii, col. 576, etc. Il est certain que, puisqu’il s’agit ici d’un miracle, rien n’empêche de croire que Dieu a changé les eaux du Nil en un liquide ayant la couleur et le goût du sang, et a ainsi rendu répugnant pour les Égyptiens un fleuve qu’ils honoraient comme un dieu. — 3. Les eaux du Nil n’ont eu qu’une