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CANON DES ÉCRITURES


un certain nombre de catholiques, tels que Ma r Malou, La lecture de la Sainte Bible en langue vulgaire, 2 in-8°, Louvain, 1846, t. ii, p. 30 ; le bénédictin Nickes, De libro Jud’Uhæ, Breslau, 1854, p. 50, etc., soutiennent que le canon juif n’a été déterminé que plus tard ; mais ils sont loin de s’entendre sur l’époque précise où eut lieu cette fixation. Les opinions sont on ne peut plus diverses. « Le canon juif comprend trois couches, dit Wellhausen : 1° les cinq livres de la Thora ; 2° les Prophètes… ; 3° les hagiographies… D’après une tradition rabbinique digne de créance, quoique indéterminée et fragmentaire, les docteurs pharisiens fixèrent définitivement le contenu du canon après l’an 70 de notre ère… C’est là la conclusion de l’histoire du canon. » Dans Bleek’s Enleitung in das Aile Testament, 1878, p. 547-549. Edouard Reuss, Geschichte des Allen Testament, 1881, p. 714, révoque en doute que le canon palestinien ait été déjà fixé à l’époque où furent composés les écrits du Nouveau Testament. Un catholique, Movers, Loci quidam historiés Canonis Veteris Testamenti illustrati, în-8°, Breslau, 1842, de même que Nickes, loc. cit., soutiennent aussi que le canon juif ne fut clos qu’après la venue de Jésus-Christ.

Il est à propos, pour résoudre la question, de distinguer entre la formation et la clôture du canon. D’après les données que nous fournit l’Écriture elle-même, dès avant la captivité, on avait graduellement recueilli et conservé les Livres Saints, comme nous l’avons vu. Après la captivité, Esdras, « scribe habile dans la loi de Moïse, » I Esdr., vii, 6, forma, d’après les traditions juives, une première collection des Écritures. Nous savons positivement, par le second livre des Machabées, H, 13 (texte grec), que son contemporain Néhémie, auquel il dut prêter son concours, « construisit une bibliothèque {pt6X.io6ïjxïjv) et y rassembla les (écrits) sur les rois, les prophètes, les (psaumes) de David et les lettres des rois [de Perse] relatives aux offrandes. » Les simples fidèles avaient en leur possession des exemplaires de la Torâh, puisque Antiochus Épiphane les faisait rechercher, déchirer et brûler. I Mach., i, 59. Cf. Josèphe, Ant. jud., XII, v, 4. Le prologue de l’Ecclésiastique, qui est certainement antérieur à l’ère chrétienne d’au moins 130 ans (voir Ecclésiastique), énumère expressément les trois divisions du canon palestinien, qui ont été indiquées plus haut, c’est-à-dire la loi (toC vdfiou), les prophètes (twv Ttpoçïiuôv) et les hagiographes, qu’il désigne par les mots : « les autres livres des pères » (twv èîXXwv îiarpfwv (SiSXi’wv) et « le reste des livres » (xà Xowrà twv gsëXîwv). Cette division, qui embrasse les trois parties du canon juif, était dès lors si connue, que Sirach y fait allusion jusqu’à trois fois dans son court prologue et sans qu’il se croie obligé de l’expliquer. Il n’y manque que l’énumération expresse et détaillée des Livres Saints. Nous la rencontrons pour la première fois dans Josèphe, Cont. À pion, i, 8, édit. Didot, t. ii, p. 340. « Il n’existe pas parmi nous, dit-il, une multitude innombrable de livres discordants et contradictoires, mais il y en a seulement vingt-deux, qui embrassent l’histoire de tout le temps et qui sont justement regardés comme divins. Parmi eux, il y en a cinq de Moïse, qui renferment les lois et le récit des événements qui se sont accomplis depuis la création de l’homme jusqu’à la mort du législateur des Hébreux, ce qui comprend un espace de temps de prèsde trois mille ans. Depuis la mort de Moïse jusqu’au règne d’Artaxercès, qui gouverna les Perses après Xercès, les prophètes qui succédèrent à Moïse racontèrent en treize livres les faits qui se passèrent de leur temps. Les quatre autres livres contiennent des hymnes en l’honneur de Dieu et des préceptes très utiles pour la vie humaine. Depuis Artaxercès jusqu’à nous, les événements ont bien été aussi consignés par écrit ; mais ces livres n’ont pas acquis la même autorité que les précédents, parce que la succession des prophètes n’a pas été bien établie. Quant à la vénération dont nous

entourons ces livres, elle est manifestée par ce fait que, depuis tant de siècles écoulés, personne n’a osé rien y ajouter, rien retrancher, rien changer. On inculque, en effet, à tous les Juifs, aussitôt après leur naissance, qu’il faut croire que ce sont là les ordres de Dieu, qu’il faut les observer, et, s’il est nécessaire, mourir volontiers pour eux. » Cf. Eusèbe, H. E., iii, 10, t. xx, col. 241. Ces paroles de Josèphe sont certainement l’expression de la croyance des Juifs de son temps.

Un siècle plus tard, vers l’an 200, le rédacteur du Pirkê aboth, i, écrivait : « Moïse reçut la loi sur le mont Sinaï, il la transmit à Josué, Josué aux anciens, les anciens aux prophètes ; les prophètes la transmirent aux membres de la Grande Synagogue. » Lin célèbre passage du Talmud, Baba Bathra, ꝟ. 14 6-15 a, raconte la même chose, mais avec plus de détails : « Nos docteurs nous ont transmis [cet] enseignement : Ordre des prophètes : Josué et les Juges, Samuel et les Rois, Jérémie et Ezéchiel, Isaïe et les douze… Ordre des hagiographes : Ruth et le livre des Psaumes, et Job, et les Proverbes, l’Ecelésiaste, le Cantique des cantiques et les Lamentations, Daniel et le volume d’Esther, Esdras et les Chroniques… Et qui les a écrits ? Moïse écrivit son livre [le Pentateuque ] et la section de Balaam et Job. Josué écrivit son livre et huit versets de la loi [ceux qui racontent la mort de Moïse, Deut., xxxiv, 5-12]. Samuel écrivit son livre, les Juges et Ruth. David écrivit le livre des psaumes par les dix anciens, Adam le premier [homme], Melchisédech, Abraham, Moïse, Héman, Idithun, Asaph, les trois fils de Coré [c’est-à-dire, David joignit à ses Psaumes ceux qu’on attribuait à Adam, Ps. cxxxviii ; à Melchisédech, Ps. cix ; à Abraham, Ps. lxxxviii, etc.]. Jérémie écrivit son livre, le livre des Rois et les Lamentations. Ézéchias et son collège [cf. Prov., xxv, 1] écrivirent [probablement : transcrivirent, recueillirent, éditèrent] pwD>, laMSaQ [c’est-à-dire les livres que désigne ce mot mnémotechnique, savoir : ] Isaïe, les Proverbes, le Cantique et l’Ecclésiaste. Les hommes de la Grande Synagogue écrivirent nsp, QaNDaG [c’est-à-dire les livres que désigne ce mot mnémotechnique, savoir : ] Ézéchiel, les douze prophètes, Daniel et le volume d’Esther. Esdras écrivit son livre et continua les généalogies des Paralipomènes jusqu’à son temps. Et ceci est la confirmation de la parole du maître. Rab Juda dit qu’il a entendu dire à son maître qu’Esdras ne monta point de la Babylonie avant d’avoir continué les généalogies jusqu’à son époque ; après cela, il monta. Qui les termina ? Néhémie, (ils d’Helcias. » Cf. G. H. Marx, Traditio rabbinorum velerrhna de librorum Veteris Testamenti ordîne atque origine illustrata, in-8°, Leipzig, 1884. D’après les auteurs juifs du moyen âge, la Grande Synagogue dont il est question dans ce passage était un conseil composé de cent vingt membres, parmi lesquels se trouvaient les prophètes Aggée, Zacharie et Malachie. Elle eut Esdras pour fondateur et premier président, en 444 avant J.-C. Elle dura jusqu’à Simon le Juste, vers l’an 200 de notre ère. Buxtorf, Tiberias, c. x, in-4°, Bâle, 1665, p. 88 et suiv. Il en est souvent question dans le Talmud. Certains critiques nient néanmoins jusqu’à son existence. Joh. Eb. Rau, Diatribe de synagoga magna, Utrecht, 1727 ; A. Kuenen, Over de Mannen der Groote Synagoge, Amsterdam, 1876. Cf. C. H. H. "Wright, The Book of Koheleth, Excursus iu(The men of the great Synagogue), in-8°, Londres, 1883, p. 475-487. Il est certain que les rabbins ont rendu son histoire fort suspecte par les détails fabuleux qu’ils y ont entremêlés, et l’on n’a plus le moyen de discerner ce qu’il y a de vrai et de faux dans cette tradition. Il semble cependant raisonnable d’en retenir qu’Esdras a joué un rôle important dans la fixation du canon, ce qui semble aussi résulter du quatrième livre apocryphe d’Esdras, xiv, 22-47, qui fait de ce scribe célèbre le restaurateur des

: Livres Saints. Quelques expressions importantes du pas1 sage talmudique que nous venons de rapporter ne sont