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l’heureux mariage de sa fille avec son parent. Mais il s’agit beaucoup moins ici d’une dot que d’une donation entre vifs. Raguel n’offre pas son présent à condition que Tobie épouse sa fille, sept fois victime de la malice du démon. Content que le huitième mariage ait été enfin béni de Dieu, il fait don au jeune époux de la moitié de sa fortune, et promet de lui laisser l’autre moitié après sa mort. Tob., viii, 24. — Chez les Égyptiens, l’usage de la dot existait, au moins dans les hautes classes de la société. Dans les grandes familles, chaque femme recevait en dot une portion de territoire, qui accroissait le domaine de son mari. Mais celui-ci à son tour, en mariant ses filles, était obligé de morceler son fief pour leur assurer une dot. Ainsi, sous Osortésen 1 er, la princesse Biqlt épousa Nouhri, un des princes d’Hermopolis, et lui apporta en dot le fief de la Gazelle. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, 1. 1, p. 300, 523. Par la suite, le pharaon contemporain de Salomon se conforma donc aux usages de son pays quand il donna en dot à sa fille la ville de Gazer, au moment de son mariage avec le fils de David. 1Il Reg., ix, 16. À l’époque des Ptolémées, Bérénice, fille de Ptolémée Philadelphe, apporta de telles richesses à Antiochus Théos, roi de Syrie, en se mariant avec lui, qu’on la surnomma <pepvo<p<>po{, « porte-dot. » — Chez les Grecs, on voit Agamemnon promettre sept bonnes villes à celui qui épousera sa fille. Iliad., ix, 146-157.

II. Le mohar. — 1° Son usage en Orient. — En règle générale, dans tout l’Orient et particulièrement chez les Hébreux, ce n’était pas la jeune fille qui apportait une dot, mais le jeune homme ou ses parents qui donnaient une somme ou des présents aux parents de la jeune fille, pour obtenir celle-ci en mariage. Ce prix offert par le jeune homme porte en hébreu le nom de mohar. « Dans un pays où tous les citoyens considèrent le mariage comme un devoir, et où, dans certains cas, les mœurs et la loi permettent de prendre une seconde femme, les pères placeront facilement leurs filles sans les doter, et ils pourront même en réclamer un certain prix. » Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 203. Aussi, presque toujours, chez les anciens peuples, le premier préliminaire du mariage était l’achat de l’épouse. Chez les anciens Chaldéens, la jeune fille apportait avec elle une dot et des cadeaux provenant de la générosité des membres de sa famille. Mais le mariage « était à vrai dire une vente en bonne forme, et les parents ne se dessaisissaient de leur fille qu’en échange d’un présent proportionné aux biens du prétendant. Telle valait un [sicle] d’argent pesé, et telle autre une mine, telle autre beaucoup moins ; la remise du prix s’accomplissait avec une certaine solennité. Lorsque le jeune homme ne possédait rien encore, sa famille lui avançait la somme nécessaire à cet achat ». Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 734. Les auteurs mentionnent plusieurs fois l’existence de la même coutume chez les anciens peuples. Homère, Iliad., xi, 244 ; Odyss., iii, 281 ; vin, 318 ; Hérodote, I, 196 ; Élien, Var. Hist., iv, 1 ; Strabon, XVI, 745 ; Tacite, Mor. Germ., 18. Une des formes du mariage reconnue par le droit romain était la coemptio ou achat d’une femme pour laquelle on payait au père un prix convenu. La loi salique considérait aussi le mariage comme un marché. Ozanam, Études germaniques, Paris, 6e édit., 1894, t. i, p. 120, 121. Chez les Arabes modernes, « on traite du prix de la fille, que le gendre doit payer au beau-père en chameaux, en moutons ou en chevaux… Il faut proprement qu’un garçon qui veut se marier achète sa femme, et les pères parmi les Arabes ne sont jamais plus heureux que quand ils ont beaucoup de filles. C’est la première richesse de la maison. Ainsi lorsqu’un garçon veut traiter lui-même avec la personne dont il désire épouser la fille, il lui dira : Voulez-vous me donner votre fille pour cinquante moutons, pour six chameaux, etc. ? S’il n’est pas assez riche pour faire de semblables offres, il lui proposera de la donner pour une cavale ou pour un jeune poulain, le tout enfin selon le

mérite de la tille et la considération de sa maison, et selon le revenu de celui qui veut se marier. » De la Roque, Voyage en Palestine, Amsterdam, 1718, p. 221, 222. Ces coutumes sont encore en vigueur chez les Arabes de la Palestine actuelle. Les pères vendent leurs filles comme ils vendent leur bétail. « Dans les villes, le prix ordinaire des jeunes filles varie entre deux mille et quatre mille piastres (environ 500 ou 1000 francs), et quelquefois davantage chez les riches ; mais dans les campagnes il est presque constamment entre deux mille et trois mille piastres. Les pères des deux parties, assistés de leurs proches parents et de leurs amis, conviennent entre eux de la somme à payer, absolument comme s’il s’agissait de la vente d’une jument ou d’un chameau… Il arrive quelquefois que l’acquéreur ne peut payer immédiatement la somme arrêtée ; on lui permet alors d’acquitter sa dette en plusieurs payements, et on ne lui livre la fille que quand il l’a payée entièrement. Cela fait, il reste encore à convenir des cadeaux que l’époux fera à sa future et aux proches parents de celle-ci ; mais cela se règle facilement par les pratiques et usages traditionnels. » Pierotti, La Palestine actuelle dans ses rapports avec l’ancienne, Paris, 1865, p. 244.

2° Le « mohar » dans la Bible. — 1. Ce mot et l’idée qu’il exprime reviennent plusieurs fois dans les Livres Saints, les Hébreux ayant toujours suivi la coutume orientale en ce qui concerne la dot à payer par l’époux aux parents de la future. Le mot mohar implique bien, du reste, une affaire d’argent. Le verbe mâhar, « acheter une épouse, » Exod., xxii, 15, est apparenté aux deux autres verbes mûr, « échanger, » pour vendre ou acheter, et màkar, « vendre. » Gesenius, Thésaurus, p. 773. — 2. Quand Éliézer vient demander Rébecca pour Isaac, il ne manque pas d’offrir de riches présents à la jeune fille, à ses frères et à sa mère. Gen., xxiv, 22, 53. — Sichem, fils de Hémor, qui veut à tout prix posséder Dina, fille de Lia, dont il a d’ailleurs abusé, dit au père et aux frères de la jeune fille : « Exigez un fort mohar, réclamez des présents, je donnerai volontiers ce que vous demanderez ; accordez-moi seulement cette jeune fille pour épouse. » Gen., xxxiv, 12, — Quand on parle à David d’épouser la fille de Saûl, il répond qu’il est trop pauvre pour devenir le gendre du roi. I Reg., xviii, 23. Il sait bien que pour acquérir une pareille épouse, il aurait à verser un mohar considérable. — Osée, iii, 2, reçoit l’ordre d’épouser une femme adultère, pour signifier que la nation d’Israël est infidèle au Seigneur auquel elle est unie. Le prophète paye pour avoir cette femme un mohar de quinze sicles d’argent (environ 45 francs), un homer (environ quatre hectolitres et un demi-cor (deux hectolitres) d’orge. Le prix n’est pas très élevé, à cause de la condition de la femme. Celui d’une esclave mise à mort était de trente sicles. Exod., xxi, 32. Le prophète verse la même somme moitié en argent, moitié en orge, dont la farine était employée dans le sacrifice pour l’adultère. Num., v, 15. — Quand Isaïe, iii, 25-iv, 1, veut marquer l’état lamentable auquel la Judée sera réduite à cause de ses péchés, il dit que les hommes les plus vaillants périront par le glaive ; il en restera alors si peu, que sept femmes, c’est-à-dire plusieurs femmes à la fois, en nombre indéterminé, solliciteront le même homme de devenir leur mari. Pour l’y déterminer, chacune d’elles dira : Je me nourrirai à mes frais, je me vêtirai de vêtements à moi. La suppression du mohar supposait donc un état de grande calamité publique. — 3. Parfois le mohar, au lieu d’être payé en argent et en nature, consistait en certains services rendus. Ainsi Jacob doit servir chez Labari pendant sept ans pour obtenir Lia, et sept autres années pour obtenir Bachel. Gen., xxix, 18-27 ; xxxi, 15, 41. — Caleb promet sa fille Axa à celui qui prendra la ville de Cariath-Sépher, et Othoniel devient l’époux de la jeune fille. Jos., xv, 16, 17. — Pour obtenir Michol, fille de Saûl, David doit fournir la preuve qu’il a tué cent Philistins. I Reg.,