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CANON DES ÉCRITURES


les prérogatives de l’Église de le constater et de le déclarer. » Précis d’introduction à l’Ecriture Sainte, 3 in-12, Nîmes, 1867, t. i, p. 91. Ces observations sont fort importantes au point de vue de l’étude théologique du canon.

§ 4. Livres protocanoniques et deutérocanoniques. — Les livres qui ont été partout et toujours, depuis le commencement, reconnus comme inspirés par l’Église, sont appelés protocanoniques. Ceux dont l’autorité n’a pas été aussi certaine dès le commencement et qui ont été d’abord le sujet de doutes ou de discussions, mais ont été plus tard placés dans le canon par l’Église, sont désignés sous le nom de deutérocanoniques. On les nomme ainsi parce qu’ils sont entrés en quelque sorte dans un second canon, ajouté au premier qui renfermait les écrits dont l’inspiration n’a jamais été contestée. Les protestants appellent « apocryphes » les livres deutérocanoniques. Les catholiques réservent ce nom d’apocryphes aux écrits que l’Église rejette du canon, quoiqu’ils aient été admis à tort comme inspirés par quelques Églises particulières ou par des hérétiques. Voir Apocryphes, 1. i, col. 767. Les expressions protocanonique et deutêrocanonique ne sont pas antérieures au xvie siècle, et l’on croit qu’elles ont été inventées par Sixte de Sienne (1520-1569), dans sa Bibliotheca sacra, parue en 1566. Voir édit. de Cologne, 1626, p. 2. Mais les termes seuls sont nouveaux. Eusèbe, dans un passage célèbre de son Histoire ecclésiastique, iii, 24, t. xx, col. 268, distingue d’une manière analogue, dans le Nouveau Testament, les ô[ioXovo’j(i.ev « ou livres admis par tous, les àvxi-XEyôixeva ou livres dont l’inspiration était l’objet de discussions, et les v68a ou ceux dont les Apôtres et les disciples du Sauveur n’étaient pas les auteurs.

Les livres deutérocanoniques de l’Ancien Testament sont : 1° Tobie ; 2° Judith ; 3° la Sagesse ; 4° l’Ecclésiastique ; 5° Baruch ; 6° le premier livre des Machabées ; 7° le second livre des Machabées. — Ceux du Nouveau sont : 1° I’Épître aux Hébreux ; 2° l’Épître de saint Jacques ; 3° la seconde Épître de saint Pierre ; 4° la seconde Épltre de saint Jean ; 5° la troisième Épître de saint Jean ; 6° l’Épître de saint Jude ; 7° l’Apocalypse. — En dehors des livres entiers qui viennent d’être énumérés, il y a quelques parties ou fragments tant de l’Ancien que du Nouveau Testament qui sont deutérocanoniques. Dans l’Ancien : 1° les additions du livre d’Esther, x, 4-xvi, 21 ; 2° la prière d’Azarias et le cantique des trois enfants dans la fournaise, Dan., iii, 24-90 ; 3° l’histoire de Susanne, Dan., xm ; 4° l’histoire de Bel et du dragon, Dan., xiv. — Dans le Nouveau Testament : 1° la conclusion de l’Évangile de saint Marc, xvi, 9-20 ; 2° le passage relatif à la sueur de sang de Notre-Seigneur dans le jardin des Oliviers. Luc, xxii, 43-44 ; 3° l’histoire de la femme adultère. Joa., viii, 2-12. On peut y ajouter, 4° le passage I Joa., v, 7, sur les trois témoins célestes, dont l’authenticité est contestée par un certain nombre de critiques.

II. Histoire du canon. — L’histoire du canon de l’Ancien Testament et celle du Nouveau étant très distinctes, il faut les traiter séparément. On ne devra jamais d’ailleurs oublier que le sens du mot « canon » n’ayant été fixé que vers le IVe siècle de notre ère, il ne faut pas l’entendre avant cette époque dans le sens strict, mais seulement dans le sens général de collection ou de liste d’écrits inspirés.

/ « PARTIE. CANON DE L’ANCIEN TESTAMENT. — Le Canon

des livres de l’Ancien Testament doit être d’abord étudié, conformément à l’ordre historique : 1° chez les Juifs de Palestine ; 2° chez les Juifs alexandrins ; 3° dans l’Église chrétienne.

I. Canon des Juifs de Palestine ou formation du canon. — Ce canon comprend les livres de l’Ancien Testament écrits en hébreu (avec quelques parties en chaldéen ou araméen, Dan., iv, 4-vn, 28 ; I Esdr., iv, 8-vi, 18 ; vu, 12-26 ; Jer., x, 11). Ils sont au nombre de trente-six,

mais ils ont été réduits à vingt-deux, afin que leur nombre fût le même que celui des lettres de l’alphabet hébreu. Ils sont divisés en trois catégories : 1° la Loi, fôrâh ; 2° les prophètes, nebî’im, et 3° les hagiographes, kefûbim. Voici la liste des vingtdeux livres : — I. Tôrâh : 1° Genèse ; 2° Exode ; 3° Lévitique ; 4° Nombres ; 5° Deutéronome. — IL Nebî’im : 6° Josué ; 7° les Juges (avec Ruth) ; 8° les deux livres de Samuel (les deux premiers livres des Rois de la Vulgate) ; 9° les deux livres des Rois (IIIe et IVe de la Vulgate). Ces quatre histoires sont désignées sous le nom collectif de nebî’im r’isônim ou « premiers prophètes », pour les distinguer des écrivains auxquels nous réservons le nom de prophètes et qui sont appelés nebî’im’aljiarônim, « derniers prophètes. » Ce sont : 10° Isaïe ; 11° Jérémie (avec les Lamentations) ; 12e Ézéchiel ; 13° les douze petits prophètes (qui ne sont comptés que pour un seul livre). — III. Ketûbim : 14° les Psaumes ; 15° les Proverbes ; 16° Job ; 17° le Cantique des cantiques ; 18° l’Ecclésiaste ; 19<>Esther ; 20° Daniel ; 21° Esdras et Néhémie (comptant comme un seul livre) ; 22° les Chroniques ou Paralipomènes. (Les écoles juives de Babylone admirent vingt-quatre livres au lieu de vingtdeux, en énumérant séparément : 23° Ruth ; 24° les Lamentations).

A quelle époque cette collection a-t-elle été formée ? Quel en est l’auteur ? « Sur l’origine du canon hébraïque, dit le P. Cornely, on nous a transmis peu de chose, et ce qui nous a été transmis est peu certain. » Introductio in libros sacros, t. i, 1885, p. 36. La question de la formation du catalogue des Livres Saints est, en eflet, le sujet de grandes controverses. Nous pouvons recueillir néanmoins dans l’Écriture un certain nombre de détails importants. Voici d’abord ce qu’elle nous apprend sur la première origine des livres canoniques. « Moïse écrivit cette loi, lisons-nous Deut., xxxi, 9, et il la donna aux prêtres, fils de Lévi, qui portaient l’arche d’alliance de Jéhovah, et à tous les enfants d’Israël. » Il leur ordonna de la lire publiquement tous les sept ans. Deut., xxxi, 10-13. Enfin il prescrivit aux lévites de placer dans l’arche le volume de la loi. Deut., xxxi, 24-26. Voilà la première origine du canon. — Nous ne savons pas avec une entière certitude si d’autres écrits sacrés furent ajoutés à ce premier canon avant la captivité de Babylone, mais il est probable que les autres livres de l’Ancien Testament vinrent grossir successivement la collection, à mesure qu’ils furent composés. Cf. Jos., xxiv, 25-26 ; I Reg., x, 25 ; Is., xxxiv, 16 (cf. xxix, 18). Divers passages font allusion à des collections proprement dites, comme à celles des Psaumes. II Par., xxix, 30. Ézéchias fit recueillir un certain nombre de proverbes de Salomon, qu’il fit joindre à ceux qui étaient déjà réunis en un corps. Prov., xxv, 1. Daniel parle expressément « des livres » qu’il avait lus, et parmi lesquels se trouvaient les prophéties de Jérémie. Dan., ix, 2 (voir aussi Zach., vii, 12). On peut donc admettre comme une chose très vraisemblable que les Juifs avaient déjà, avant la captivité, une collection de Livres Saints.

— Ce que firent après la captivité Néhémie et Judas Machabée, qui formèrent une bibliothèque des livres sacrés ( II Mach., ii, 13 ; cf. Josèphe, Bell, jud., VII, v, 5 ; Ant. jud., V, i, 7), les Juifs de l’époque antérieure avaient du le faire également. Cf. IV Reg., xxii, 8 ; II Par., xxxiv, 14. Par ces passages, nous voyons que la loi de Moïse était conservée dans le temple ; il est à croire que les autres écrits sacrés étaient de même soigneusement recueillis et gardés.

Jusqu’au xixe siècle, si l’on excepte Richard Simon, Histoire critique du Vieux Testament, Amsterdam, 1085, p. 53, et quelques autres critiques, les catholiques et même les protestants admettaient communément que le canon des Juifs de Palestine, — contenant les livres protocanoniques de l’Ancien Testament qui sont écrits en hébreu, — avait été fixé définitivement du temps d’Esdras et par ses soins. Aujourd’hui la plupart des protestants et