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DIVORCE


toi ! » c’était la mort assurée pour elle. Mais comme la femme gardait la gestion de ses biens propres et que le mari jouissait du bien-être qui en résultait, il se gardait d’ordinaire de prononcer le divorce, à moins de raison majeure. S’agissait- ii, au contraire, de femmes de rang inférieur, esclaves ou prisonnières de guerre, elles étaient à la merci complète du mari qui les avait acquises et qui pouvait les garder ou les chasser suivant son caprice. Ce dernier usage était général en Egypte, en Chaldée et dans tout le monde antique. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, 1895, 1. 1, p. 52, 735-738 ; OppertMenant, Documents juridiques de l’Assyrie et de la Chaldée, Paris, 1877, p. 54. — Quand Ismaël, le fils qu’Abraham avait eu de son esclave, Agar, se mit à persécuter Isaac, Ga]., iv, 29, le patriarche chassa la mère et le fils à la demande de Sara. Il procéda alors comme on faisait chez les peuples environnants et ne se crut obligé à aucune compensation envers l’épouse répudiée. Il lui donna seulement les provisions nécessaires. Gen., xxi, 9-14. C’est là le seul exemple de divorce qui soit mentionné dans l’histoire patriarcale.

II. Sous la loi mosaïque. — Le divorce était entré dans les mœurs de tous les peuples anciens, quand Moïse eut à constituer les Hébreux en corps de nation. Il dut se préoccuper de la question et réglementa très nettement les conditions du divorce. Deut., xxiv, 1-4. — 1° La cause. La femme, après avoir été traitée en épouse, déplaît au mari à cause d’une’érvâh, auxiiwv npây[j.a, aliqua fœditas. La’érvâh est en général une impureté honteuse. Elle ne peut désigner ici l’adultère, qui était puni par la mort, non par le divorce. Lev., xx, 10 ; Deut., xxii, 22. C’est donc une impureté physique, une plaie, une infirmité capable d’inspirer le dégoût au mari. Quelques auteurs croient que la chose honteuse pouvait être d’un autre ordre, comme la mauvaise conduite, le caractère détestable, etc. La nature précise de la’érvâh ne paraît pas avoir été déterminée de façon indiscutable, puisque l’accord n’était pas encore fait sur ce point à l’époque de NotreSeigneur. L’esprit de la législation mosaïque porte cependant à penser que la’érvâh nécessaire pour motiver le divorce devait être quelque défaut très grave. Il paraît également plus probable que ce défaut devait être ordinairement d’ordre physique, les défectuosités morales ne se prêtant pas à une appréciation aussi facile à justifier. — 2° La formalité. Elle était simple. Le mari, peut-être après avoir fait constater le motif de sa résolution, donnait à la femme qu’il renvoyait un acte de répudiation, sêfér kerî(ôt, [JiëXfov âiro<rca<T ! ov, libellus repudii. C’est ainsi qu’on procédait en Chaldée. L’acte délivré à l’épouse répudiée constatait qu’elle était libre désormais. En conséquence, la qualification d’adultère cessait d’être applicable à l’union contractée ultérieurement avec elle. On trouve dans le Talmtid, Giltin, f. vii, 2 ; IV, 1, et IX, 3, la formule ordinairement employée. Elle est ainsi conçue : « Au jour … de la semaine … du mois de …, an du monde … selon la supputation en usage dans la ville de …, située auprès du fleuve … (ou

de la source …), moi, , fils de …, et de quelque

nom que je sois appelé, présent aujourd’hui,

originaire de la ville de …, agissant en pleine liberté d’esprit et sans subir aucune pression, j’ai répudié, renvoyé et expulsé toi …, fille de …, et de quelque nom que tu sois appelée, de la ville de …, et qui as été jusqu’à présent ma femme. Je te renvoie maintenant toi, fille de … De la sorte tu es libre et tu peux, de ton plein droit, te marier avec qui tu voudras et que personne ne t’en empêche. Tu es donc libre envers un homme quelconque. Ceci est ta lettre de divorce, l’acte de répudiation, le billet d’expulsion, selon la loi de Moïse et d’Israël. » (Suivent les noms des témoins.) Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 23, résume en deux mots l’acte de répudiation : le mari « affirmera par écrit qu’il ne veut plus avoir aucun rapport avec elle ; elle recevra ainsi la fa culté d’habiter avec un autre ». Il est fait allusion à l’acte de divorce par lsaïe, l, 1 ; par Jérémie, iii, 8, et par NotreSeigneur. Matth., v, 13 ; xix, 7 ; Marc, x, 4.

— 3° La condition du mari. La loi de Moïse ne donne qu’à lui, et non à l’épouse, le droit de divorcer. Elle ne supprime ce droit que dans deux cas : si le mari a porté une fausse accusation d’inconduite contre la jeune fille qu’il épouse, ou s’il l’a violentée avant le mariage. Deut., xxii, 19, 29. Quand la femme répudiée avait été épousée par un autre, le premier mari ne pouvait la reprendre en aucun cas. Deut., xxiv, 4. Il semble résulter de cette clause qu’il pouvait la reprendre avant qu’elle eût contracté un second mariage. Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 205, signale l’opposition de cette loi avec la coutume arabe, consacrée par l’islamisme, Coran, il, 230, d’après laquelle le mari ne peut reprendre la femme répudiée qu’après qu’elle a été remariée avec un autre. Moïse déclare que cette pratique est une « abomination devant le Seigneur ». Il est incontestable qu’il a trouvé le divorce en vigueur chez son peuple, et sa législation ne vise qu’à en restreindre l’usage. L’interdiction de reprendre la femme répudiée et remariée tend à faire rélléchir le premier mari avant qu’il prenne sa décision. Il est à remarquer aussi que, dans le texte du Deutéronome, le premier mari est appelé ba’al, « maître, » tandis que le second est simplement nommé’iS, « homme. »

— 4° La condition de la femme. Elle redevient libre et peut se remarier, ce qui suppose que la cause invoquée pour le divorce pouvait, au cas où elle persévérait, paraître rédhibitoire à l’un et négligeable à l’autre. Après le divorce et avant le second mariage, la femme jouissait de son indépendance, et devait en conséquence acquitter ses vœux, sans avoir à demander l’autorisation de personne. Num., iii, 10. La femme divorcée ne pouvait se remarier avec un prêtre. Lev., xxi, 7, 4 ; Ezech., xiiv, 22. Si elle était elle-même fille d’un prêtre et sans enfants, elle pouvait retourner à la maison de son père et même y prendre sa part des aliments sacrés. Lev., xxii, 13. La prisonnière de guerre, prise pour épouse par un Israélite, recouvrait sa liberté totale si celui-ci la répudiait. Deut., xxi, 14. Dans lsaïe, liv, 6, le nouvel Israël est comparé à une épouse répudiée que reprend le Seigneur. — L’Écriture n’enregistre aucun exemple de divorce mémorable. Le cas de Michol promise par Saül à David, I Reg., xvii, 25 ; xviii, 20, 21, puis donnée par Saùl à Phalti,

I Reg., xxv, 44, et enfin reprise à Phalli par David,

II Reg., iii, 14-16, implique plutôt une nullité du premier mariage qu’un divorce. Malachie, ii, 14-16, réprouve la fréquence des divorces après le retour de la captivité : « Le Seigneur est le témoin entre toi et l’épouse de ta jeunesse, vis-à-vis de laquelle tu exerces ta perfidie, alors qu’elle est ta compagne, et l’épouse avec laquelle tu as passé contrat… Prenez donc garde à vous, pour ne point vous montrer perfides envers les épouses de votre jeunesse. Si l’on hait, que l’on répudie, dit le Seigneur Dieu d’Israël. » La dernière phrase, ainsi traduite par les versions, se présente sous la forme suivante en hébreu : kî-sànê’sallah, ce qui peut vouloir dire également : « car il hait le renvoyer, » le divorce, ou, en lisant le participe sonê’au lieu de l’indicatif iânê’: « car [je suis] haïssant le divorce, dit le Seigneur. » Cette dernière traduction s’harmonise mieux avec le contexte que celle des versions. Cependant l’auteur de l’Ecclésiastique, xxv, 36, dit formellement, en parlant de la mauvaise femme : « Retranche-la de tes chairs, » c’est-à-dire chassela loin de toi.

III. Le divorce d’après l’interprétation rabbinique.

— Peu à peu, probablement au contact de la civilisation grecque et romaine, le divorce avait pris chez les Juifs une extension déplorable. Josèphe, Ant. jud., XV, vii, 10, enregistre comme tout à fait contraire à la loi juive, qui ne permet le divorce qu’à l’homme, celui de Salomé, qui envoie un acte de répudiation à son mari Costobare. U signale aussi le divorce de Phéroras, frère d’Hérode, Ant.