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DETTE — DEUIL


ne lui fût trop onéreuse. Le prêteur n’avait pas le droit de pénétrer dans la maison de son obligé pour y choisir un gage à sa convenance. Il devait se tenir à la porte, ce qui permettait à l’emprunteur de soustraire à sa vue certains objets auxquels il pouvait tenir davantage. Deut., xxrv, 11, 13. C’était une cruauté de prendre en gage le bœuf d’une veuve. Job, xxiv, 3. S’il s’agissait d’un pauvre et que le gage fourni fût un vêtement, le créancier devait le rendre avant le coucher du soleil, Exod., xxii, 26, pour que l’emprunteur pût se garantir contre la fraîcheur de la nuit. Les Bédouins d’aujourd’hui passent encore la nuit enveloppés dans leur manteau. Il leur sert de couverture, et ils ne pourraient s’en passer pour dormir. Peut-être le créancier reprenaitil le gage le lendemain matin, sans quoi la garantie eût été assez précaire. Mais la Bible ne dit rien à ce sujet. En tout cas, la dette payée, le créancier équitable rendait son gage au débiteur. Ezech., xviii, 7. Parfois on ne se contentait pas de donner en gage des objets matériels ; on allait jusqu’à aliéner la liberté de certaines personnes. Poussés par la nécessité, après le retour de Babylone, des gens du peuple engageaient non seulement leurs champs, leurs vignes et leurs maisons, pour se procurer du blé pendant la famine, mais même leurs fils et leurs filles, ainsi réduits en servitude. II Esdr., v, 2-5. Cette pratique était contraire à la loi ; car, s’il était permis de se vendre soi - même comme esclave en cas d’extrême pauvreté, il n’est point dit qu’on pût aliéner la liberté de ses enfants. Lev., xxv, 39.

4° La caution. — Quand une personne digne de confiance répondait pour un emprunteur et se portait caution, ’ârubbâh, c’était le meilleur des gages. Pour se porter caution, comme pour stipuler un engagement quelconque, on se donnait la main, ou les deux parties se frappaient mutuellement dans la main. Prov., vi, 1 ; xvii, 18 ; xxii, 26 ; Ezech., xvii, 18. Dans le livre des Proverbes, les auteurs sacrés dissuadent fortement de rendre cette sorte de service : se porter caution, c’est faire acte d’insensé, XVII, 17 ; s’exposer à mal, xi, 15 ; se laisser prendre par ses propres paroles, VI, 1 ; courir le risque de se voir enlever son vêtement, xx, 16 ; xxvii, 13, ou son lit. xxii, 26. Ceci prouve que ceux pour lesquels on répondait ne se mettaient pas fort en peine de remplir leurs engagements. Un peu plus tard, ce genre de service devint sans doute moins périlleux ; l’Ecclésiastique, vin, 16, recommande seulement de ne pas se porter caution au delà de ses moyens et, le cas échéant, de songer à payer.

5° Le billet. — Au livre de Tobie, i, 17, il est dit que Tobie confia une somme d’argent à Gabélus moyennant un billet de reconnaissance, sub chirographo. Le texte grec ne dit rien de ce détail. Il est possible que le texte hébreu ait présenté la locution masséh yâd (cf. Deut., xv, 2), « dette à la main. » On peut supposer qu’il s’agit alors d’argent confié en se frappant mutuellement la main, comme il faut l’entendre pour le texte du Deutéronome, ou qu’un écrit fut rédigé pour constater la dette, comme il est permis de le conjecturer à raison des usages suivis en Babylonie. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 921. — Dans une des paraboles relatées par saint Luc, xvi, 5-7, il est formellement parlé d’un écrit, YP=W », cautio, par lequel le débiteur reconnaît le montant de sa dette. L’intendant a en sa garde les billets de cette nature qui constatent ce qu’on doit à son maître. Il fait venir les débiteurs et leur ordonne de modifier les chiffres inscrits sur leurs billets primitifs. Cette opération ne put se faire qu’en rédigeant d’autres billets, pour éviter des surcharges ou des grattages qui auraient trahi la fraude.

6° La saisie. — Quand le débiteur ne s’acquittait pas à temps, le créancier perdait patience et faisait vendre ou saisir le bien du retardataire. Cette extrémité était redoutée comme un malheur très grave. P.s. CVlii (Cix), 11.

— La veuve du prophète que visite Elisée’ne peut payer ses dettes ; elle u’a plus rien chez elle, et le créancier se

dispose à prendre ses deux fils pour en faire ses esclaves. IV Reg., iv, 1-7. — Dans la parabole du mauvais serviteur, celui-ci ne peut payer sa dette, et son maître ordonne de le vendre, lui, sa femme, ses fils et tout ce qu’il a, afin que le produit de la vente acquitte la dette. Matth., xviii, 25. Ce mauvais serviteur obtient un répit ; mais, à son tour, il se tourne vers son débiteur, et le fait mettre en prison. Matth., xviii, 30. Informé du fait, le maître livre le mauvais serviteur aux exécuteurs pour qu’ils le torturent jusqu’à ce qu’il ait payé sa propre dette. Matth., xviii, 34. La loi mosaïque, qui autorisait le débiteur à se vendre lui-même, Lev., xxv, 39, 47, ne dit nullement qu’il soit permis d’exercer cette rigueur à l’égard d’un autre. Le fait que mentionne la parabole fait donc allusion à des coutumes étrangères. Chez les peuples qui entouraient les Juifs, on châtiait volontiers toute une famille pour le méfait d’un seul. Esth., xvi, 18 ; Dan., VI, 24 ; Hérodote, iii, 119. La torture était infligée au débiteur pour l’obliger à révéler où il recelait son argent, s’il en avait. Tite-Live, ii, 23 ; Aulu-Gelle, XX, i, 42-45. Notre-Seigneur mentionne les traitements sévères infligés au débiteur insolvable comme une figure des rigueurs exercées dans l’autre vie contre les pécheurs.

Matth., v, 25, 26 ; xviii, 35.

H. Lesêtre.
    1. DEUIL##

DEUIL (hébreu : ’êbél, de’âbal, « avoir du chagrin ; » ’ânîyâh et ta’àniyâh, de’ânâh, qui a le même sens ; Septante : jtsvOoç ; Vulgate : luctus), manifestation extérieure du chagrin que l’on éprouve à la suite d’un malheur, et spécialement à la mort d’une personne aimée. Le deuil est inévitable dans la vie humaine, et souvent « c’est par le deuil que finit la joie ». Prov., xiv, 13. Malgré les répugnances de la nature, le spectacle du deuil est salutaire, et « mieux vaut aller à la maison du deuil qu’à celle du festin ». Eccle., vii, 3. C’est au ciel seulement que cessera le deuil. Apoc, xxi, 4. — Comme tous les Orientaux, les Hébreux ont toujours donné à l’expression de leur chagrin des formes très sensibles. Leurs usages à cet égard sont fréquemment mentionnés dans la Bible.

I. Deuil a la suite d’un malheur. — Ce deuil a pour expression différents actes, les uns spontanés et d’usage universel, les autres conventionnels et plus spéciaux aux Hébreux. — 1° Pleurer et se lamenter. I Reg., xxx, 4 ; Judith, xiv, 18 ; I Esdr., iii, 13 ; Joël, ii, 17 ; Mal., ii, 13, etc. Cf. IV Esdr., x, 4. — 2° Se tenir assis, comme pour marquer qu’on n’a plus la force d’agir. Jud., xx, 26 ; Job, n, 13 ; II Reg., xii, 16 ; xiii, 31 ; Is., iii, 26 ; Lam., i, 1 ; n, 10 ; Ezech., III, 15 ; I Esdr., ix, 3 ; Ps. cxxxvi, 1, etc.

— 3° Garder le silence. Job, ii, 13. Cf. Tob., v, .28. — 4° Déchirer ses vêtements, comme à l’occasion de la perte d’un parent. Voir Déchirer ses vêtements (Usage de), col. 1336. — 5° Revêtir le cilice. Voir col. 760-761. — 6° Prendre des vêtenients sombres. On est alors qodêr, noir et lugubre. Les versions rendent ce mot par âuxo-TuOrjv, « j’ai été couvert de ténèbres, » uxuepwnâÇuv, « ayant l’air sombre, » obscuratus, contristatus. Jer., viii, 21 ; xiv, 12 ; Ps. xxxiv (xxxv), 14 ; xxxvii (xxxviii), 7 ; xii (xlii), 10 ; xlii (xliii), 2. Dans Malachie, iii, 4 : ixÉTai, « suppliants, » tristes. Ce sont ces vêtements sombres qui sont appelés dans le livre d’Esther, xiv, 2, « des vêtements qui conviennent aux larmes et au deuil. » — 7° Omettre les soins de la toilette, et prendre une attitude négligée qui donne à penser qu’on est trop préoccupé de sa douleur pour songer à autre chose. Exod., xxxiii, 4 ; II Reg., xix, 24 ; Ezech., xxvi, 16 ; Dan., x, 3. Aux jours de pénitence et de jeûne, les pharisiens affectaient un air défait et lugubre, afin d’attirer l’attention publique sur leur austérité. Notre-Seigneur recommande à ses disciples de faire tout le contraire ces jours-là, d’oindre leur tête et de laver leur visage. Matth., vi, 16, 17, — 8° Se couvrir la tête, c’est-à-dire se voiler la face, parce que la tête n’était pas ordinairement découverte. Cf. col. 828. Se voiler