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DÉMONIAQUES


que ne produit l’invocation d’aucun autre nom, si saint qu’il soit ; et c’est contre un Juif que le philosophe chrétien fait valoir cet argument. Dialog. cum Tryph., 85, t. VI, col. 676. Saint Cyrille de Jérusalem, Catech., iv, 13 ; x, 19, t. xxxiii, col. 472, 685, rappelle également à son auditoire palestinien la puissance du Christ sur les démons, sans craindre d’étonner personne. — 4. Même à notre époque et dans nos pays catholiques, on constate de temps en temps des cas de possession diabolique, en face desquels la médecine est obligée d’avouer son impuissance radicale. Ces cas ont toujours été nombreux dans les pays de missions, où Satan a besoin de fortifier sa domination contre la propagande de l’Évangile. Cf. Waffelært, Possessions diaboliques, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique de Jaugey, Paris, 1889, p. 2515-2541.— 5. Il n’est donc pas possible de contester la réalité des possessions diaboliques. Sans doute, à la suite d’examens superficiels, on a pu confondre parfois certaines affections morbides avec la possession. Cette confusion ne se serait pas produite si l’on s’en était toujours ténu aux règles si prudentes que formule le Rituel romain en avant des prières prescrites De exorcizandis obsessis a dsemonio. Mais il n’y a rien à craindre de semblable au sujet des faits évangéliques concernant les démoniaques. L’autorité de Notre -Seigneur et celle des écrivains sacrés, celle de saint Luc en particulier, qui était médecin, en garantissent absolument l’authenticité et l’interprétation. Cf. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, Paris, 1891, t. v, p. 386-395.

III. L’ÉTAT PHYSIOLOGIQUE ET PSYCHOLOGIQUE DES DÉ-MONIAQUES. — 1° Le démon cherche à exercer sa tyrannie sur la créature humaine par l’obsession et par la possession. Par l’obsession, il assiège le corps du dehors, afin d’effrayer, de dominer et de pervertir l’âme. Par la possession, il s’empare du corps lui-même, le soustrait au pouvoir de l’âme, et s’en sert comme d’un instrument dont il fait ce qu’il veut. Il lui est donc possible de communiquer à ce corps une énergie et des propriétés qui lui manqueraient naturellement, lui faisant briser des chaînes, Marc, v, 4 ; Luc, viii, 29, lui infligeant d’étonnantes violences sans qu’il en souffre, le soustrayant à l’empire des lois naturelles de l’espace, de la pesanteur, etc., mettant sur ses lèvres des propos que le sujet ne saurait proférer de lui-même. Act., xvi, 16-18, etc. En un mot, c’est le démon qui anime le corps à la place de l’âme et fait accomplir par ce corps des actes en rapport avec sa propre action satanique. Cette substitution de l’action du démon à celle de l’âme dans la direction du corps a ses analogies dans les phénomènes hypnotiques, comme la suggestion, etc. « La possession démoniaque doit avoir les mêmes phases que la possession magnétique (aujourd’hui on dit : hypnotique) ; elle est fondée sur la même loi psychologique, sur la faculté pour l’âme humaine d’être privée de ses puissances sensitives, auxquelles se substitue une puissance étrangère. » Pauvert, La Vie de NotreSeigneur Jésus-Christ, Poitiers, 1867, t. i, p. 226. — 2° Les Pères enseignent que les anges ne peuvent connaître ce qui se passe dans l’âme humaine, Pétau, De angelis, I, vii, 5, et qu’à plus forte raison le démon ne peut pénétrer dans cette âme malgré elle. C’est un privilège que Dieu s’est réservé d’entrer dans une âme qu’il a créée. Cf. De spiritu et anima, 27 ; De ecclesiasticis dogmatibus, 50, dans les Œuvres de saint Augustin, t. XL, col. 799 ; t. xlii, col. 1221. Le démon ne peut pas même atteindre l’âme directement pour violenter sa liberté. S. Thomas, In 2 Sent., d. 8, g. 1, a. 5 ad 6. Il n’y a donc pas possession par rapport à l’âme, mais seulement obsession. Satan cherche à la terroriser et à l’amener à composition, en dérobant à son influence le corps auquel elle commande habituellement. Mais comme ce corps n’obéit plus à l’âme, on s’explique pourquoi les démoniaques de l’Évangile, malgré la conscience qu’ils peuvent avoir de leur misérable état, ne D1CT. LE LA BIBLE.

réclament jamais d’eux-mêmes leur guérison, comme le font les autres malades. Aussi Notre-Seigneur ne s’adresset-il jamais à eux, mais au démon qui s’est emparé de leur ouïe comme de tous leurs sens. — 3° Les démoniaques ne sont nullement responsables des actes que le démon accomplit au moyen de leurs corps. Il ne paraît pas non plus que, pour les démoniaques de l’Évangile, la possession soit le châtiment de fautes antérieures. Notre-Seigneur se contente de chasser le démon, sans faire aucun reproche à ces malheureux. Cf. Frz. Delitzsch, System der biblischen Psychologie, p. 301 ; Ribet, La mystique divine distinguée des contrefaçons diaboliques, Paris, 1883, t. iii, p. 190 T 223.

IV. L’expulsion des démons. — Pour guérir les démoniaques, il fallait expulser les démons dont la présence occasionnait parfois la maladie. — 1° Les livres de l’Ancien Testament ne parlent nulle part de démons expulsés par le ministère d’un homme. Au livre de Tobie, viii, 3, on voit un ange, Raphaël, intervenir pour chasser le démon. L’ange commande, il est vrai, au jeune Tobie de faire brûler sur des charbons le coeur du poisson qu’il a pris, en assurant que la fumée ainsi produite a la vertu de chasser toute espèce de démons. Tob., VI, 8 ; viii, 2. Mais il ne semble pas nécessaire de voir dans cette combustion autre chose qu’un moyen choisi par l’ange pour cacher sa personnalité et la puissance qui s’y attachait. Voir Collyre, col. 884. — 2° On lit dans Josèphe, Ant. jud., VIII, ii, 5, que Salomon avait reçu de Dieu le pouvoir de chasser les démons, et qu’il avait composé des formules d’adjuration très efficaces. « Cette manière de guérir, ajoute-t-il, est encore en grand usage parmi nous. » L’historien juif raconte qu’un certain Éléazar obtint la délivrance de possédés, en présence de Vespasien et de ses officiers, au moyen d’une racine très rare, indiquée dans les formules salomoniennes. On faisait respirer aux possédés cette racine enfermée dans un anneau, et le démon leur sortait par le nez. La précieuse racine, couleur de flamme, se rencontrait dans un lieu appelé Baaras et portait elle-même ce nom. Pour la cueillir, il fallait accomplir des formalités de toutes sortes. Josèphe, Bell, jud., VII, vi, 3. Les Juifs employaient certaines incantations pour chasser les démons, Schabbath, xiv, 3 ; Abodah Zarah, fol. 12, 2 ; quelquefois en versant de l’huile sur la tête du malade soumis à l’incantation. Sanhédrin, x, 1. Ces procédés paraissent en partie inspirés par ceux qui avaient cours chez les Égyptiens et les Chaldéens, pour guérir les maladies attribuées à l’influence des mauvais génies. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, 1. 1, p. 212, 683, 780. Toutefois il paraît certain que, chez les Juifs, certains hommes arrivaient à chasser les démùns au nom de Dieu. « Ce n’était pas le plus instruit qui était le plus propre à cette œuvre de bienfaisance, mais le plus religieux. Plus on était pieux, plus on était apte à guérir les malades, c’est-à-dire à chasser les démons. Les rabbis avant tout, les scribes, les docteurs de la Loi, s’occupaient de chasser les démons, et quelques-uns y passaient pour fort habiles. » Stapfer, La Palestine au temps de Jésus-Christ, Paris, 1885, p. 243. C’est pourquoi Notre-Seigneur peut dire aux pharisiens qui l’accusent de chasser les démons au nom de Béelzébub : e Et vos fils, par qui les chassent-ils donc ? » Matth., xii, 27 ; Luc, xi, 19. Si les exorcismes juifs n’avaient pas été parfois efficaces, le divin Maître n’aurait point parlé de la sorte. II y avait des Juifs qui portaient le nom d’exorcistes. Act., xix, 13. Plusieurs même chassaient les démons au nom de Jésus, sans cependant être de ses disciples. Marc, ix, 37 ; S. Irénée, Contr. hxres., II, vi, 2, t. vii, col. 725. — 3° Pour atténuer la portée des miracles opérés par le Sauveur, les Juifs l’accusaient de chasser les démons par le prince des démons, Matth., )x, 34 ; par Béelzébub. Matth., xii, 24, 27 ; Marc, iii, 22 ; Luc, xi, 15, 19. À la rigueur, le démon pouvait se laisser

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