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DANIEL (LE LIVRE DE)

bouc, chef de troupeau. Il ne touchait pas le sol. Il avait une corne insigne entre les deux yeux. » Il parvint jusqu’au bélier, et il bondit sur lui de toute sa force. Arrivé auprès, il se précipita, le frappa avec rage, lui brisa les deux cornes : le bélier était sans vertu contre lui. Il le jeta par terre et le foula avec fureur. Puis « le bouc devint extraordinairement grand », et, tandis qu’il était dans toute sa force, « sa grande corne fut brisée et remplacée par quatre cornes qui poussèrent vers les quatre vents. »

De l’une d’elles sortit une corne toute petite, qui prévalut au sud, à l’est et vers la terre de gloire, la Palestine, ’él hâssébî. Jer., iii, 19 ; Ezech., xx, 6, 15 ; xi, 16, 41. Et cette petite corne grandit jusqu’aux régions sidérales, dont elle jeta par terre une partie, et jusqu’au seigneur de l’armée céleste, à qui elle enleva le culte perpétuel (tâmid : sacrifice quotidien, pains de proposition, lampe du sanctuaire), et elle renversa le sanctuaire. L’armée du ciel, le tâmid, la vérité, lui seront livrés, et tout lui réussira. Le temps de ces choses est fixé par un ange à 2300 jours, chiffre corrigé dans le texte avec probabilité par J. Knabenbauer, In Dan., p. 215. Après quoi le culte sera rétabli.

Application, 15-27. Une voix qui vient de l'Ulaï ordonne à Gabriel d’expliquer à Daniel la vision.

Le bélier aux deux cornes symbolise la monarchie médo-perse. Le symbole du bélier à une ou deux cornes se voit dans la mythologie persane (G. Rawlinson, Ancient Monarchies, Londres, 1879, t. iii, p. 356) et encore ailleurs. Il convient du reste aux rois du second empire et aux deux peuples qui le composent. Le Mède, dominateur d’abord, finit par être absorbé dans l’autre, à qui reste le premier rang. Il s’étend dans trois directions ; il subjugue successivement : à l’ouest, la Lydie et les côtes de l’Asie ; au nord, l’Arménie et la Scythie ; au sud, Babylone et l’Arabie, et plus tard l’Egypte et la Libye. Nul ne peut lui résister. L’histoire en fait foi. Voir dans G. Rawlinson, Ancient Monarchies, t. iii, c. vii, p. 364 et suiv., l’origine et le développement, la gloire et la décadence et la chute de cet empire.

Il fait place au troisième, dont l'emblème est le bouc pétulant et indomptable : emblème très justement choisi pour exprimer le genre de gouvernement gréco-macédonien, si différent du régime plus pacifique et plus lourd des Perses. La grande corne du bouc est le premier roi de Javan, Alexandre. Il procède comme par sauts et par bonds. Le voilà au Granique (334), puis à Issus (333), puis enfin à Arbelles (332), et l’empire du bélier est par terre. Mais, étant dans toute sa force et à l’apogée de sa gloire, il meurt soudain (323) : la grande corne était rompue. A sa place, dans le même empire, apparaissaient aux quatre vents, après vingt-deux ans de compétitions sanglantes, quatre royaumes, n’ayant pas la force du premier : la Syrie, l’Egypte, la Macédoine et la Thrace. Il n’est rien dit de plus à leur sujet.

Mais, à la fin du temps, quand le mal eut empiré dans ces royaumes, il sortit de l’une de ces dynasties, des Séleucides de Syrie, un prince fier et cruel, intelligent et rusé : c’est incontestablement Antiochus IV Épiphane. Faibles sont ses commencements : il n’arrive au trône que par la ruse et protégé par l’étranger. Il grandit et se développe, Dieu le permettant ainsi. Il s’assujettit l’Egypte au sud. Il fait la guerre aux Perses à l’est. Il s’acharne particulièrement contre la terre de gloire. Il supprime le culte et profane le Temple. Il s’attaque avec fureur au peuple des saints sublimes, qadîšė’ėliônîm, et même à leur seigneur et maître. Il réussit par finesse et habileté dans ses desseins. Mais enfin il est brisé tout à coup, et personne n’y a mis la main. L’oppression avait duré de 170 à 163, juste 2300 jours.

Quelques-uns ont vu dans cette petite corne l’Antéchrist. Ils se trompent. Littéralement il s’agit d’Antiochus IV Épiphane, spirituellement, et encore dans certains traits seulement, de l’Antéchrist, dont Antiochus est reconnu généralement pour être le type et la figure. S. Jérôme, Comment. in Dan., viii, 14, t. xxv, col. 537.

Daniel, très frappé et malade de cette vision, reçoit l’ordre de la sceller, et il cherche à la comprendre.

III.RÉVÉLATION SUR LES RAPPORTS HOSTILES DU ROYAUME DU SUD ET DU ROYAUHE DU NORD, ET DE CEUX-CI AVEC LA TERRE DE GLOIRE (ISRAËL). L’ANTÉCHRIST, X, XI, XII.

Il faut distinguer dans cette révélation une préface, la révélation même et une conclusion.

La préface, x, xi, 1, est un récit des conditions et de l’origine de la vision-révélée. Elle est datée de la troisième année de Cyrus (536), vingt-quatrième jour du premier mois (nisan). L’occasion en est la tristesse et le long jeûne du prophète, très inquiet des hostilités que rencontre la reconstruction du Temple. I Esdr., iv, 1-5. Elle a lieu sur les bords du grand fleuve Isiddéqél, le Tigre. Elle lui est manifestée par l’intermédiaire d’une forme humaine merveilleusement splendide, c’est-à-dire par l’ange Gabriel, qui peu à peu le prépare à recevoir cette révélation. Il lui apprend qu’il est chargé, avec le prince Michel pour auxiliaire, de protéger et de défendre le peuple. Il l’a fait contre l’ange protecteur des Perses et contre celui des Grecs. Il va lui révéler quelque chose de l’avenir sur Israël. En même temps il lui inspire la force d’écouter et de comprendre. —

La révélation, xi, 2-xii, 4, se présente avec une forme particulière. Il est visible qu’elle tend à Antiochus IV Épiphane et à l’Antéchrist comme à son objet principal. C’est donc comme en passant seulement qu’elle touche, et à grands traits, à la succession des royaumes et des rois d’où Antiochus est sorti. Ainsi elle n’a guère qu’un mot sur les trois autres rois de Perse et sur un quatrième, qui vont se succéder, ꝟ. 2b ; un mot seulement aussi sur Alexandre, qui, une fois victorieux et maître assuré, meurt et laisse un empire qui se partage en quatre royaumes dont héritent non pas ses deux fils ou son frère, mais ses princes, des étrangers, ꝟ. 3, 4.

A partir de là, toute la révélation se concentre sur deux de ces royaumes, celui d’Egypte et celui de Syrie, entre lesquels la Palestine se trouvé placée comme un objet d’ardente convoitise. C’est du reste à cause de ces rapports étroits qu’a lieu cette vision : tout, dans le plan général de Dieu, converge vers Israël. Remarquons en outre qu’elle procède par grands traits, — je l’ai dit, — mais par grands traits très irréguliers, par mots vagues, et aussi parfois par mots très brefs, sans souci des liaisons réelles et de la suite des temps. Aussi est-il trop long de donner en détail l’explication du sens et l’application de l’histoire qui en rapporte l’accomplissement. Nous nous contenterons de renvoyer premièrement à saint Jérôme, qui est à cet égard excellent, et puis aux anciens historiens, Justin, Appien, Polybe, Tite-Live, dont on peut lire les textes dans les commentateurs. Cet accord merveilleux entre la prédiction et l’histoire cause la conviction que l’exégèse catholique est absolument dans le vrai et qu’il faut la suivre. Dressons un tableau synchronique des rois d’Egypte et de Syrie engagés dans les luttes qui sont racontées, et donnons à chaque roi nommé le verset ou les versets qui le concernent.

Rois de Syrie.

Séleucus Nicator,

ꝟ.5 . . . 310-281

Antiochus Ier Soter.. 261

Antiochus II Tlieus,

ꝟ. 6 . . . 241

Séleucus Cassinicus,

ꝟ. 7-9 . . . 220

Séleucus Ceraunus,

ꝟ— 10a . . . 222

Antiochus III Magnus,

ꝟ. 10-19 . . . 187

Séleucus Philopator,

ꝟ. 20 . . . 175

Antiochus IV Épiphane,

ꝟ. 21-45 . . . 164

Rois d’Egypte.

Ptolémée I er Soter (Lagus),

ꝟ. 5 . . . 323-285

Ptolémée II Philadelphe,

ꝟ. 6 . . . 247

Ptolémée 111 Évergète Ier,

ꝟ. 7, 8 . . . 221

Ptolémée IV Philopator,

ꝟ. 9-12 . . . 205

Ptolémée l’Épiphane,

ꝟ. 13-18 . . . 181

Ptolémée VI Philométor,

ꝟ. 22 . . . 167

Ptolémée VII Évergète II (Physcon),

ꝟ. 26, 27 . . . 117