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DANIEL (LE LIVRE DE)


t. xxiii, 1024 ; xxix, 120 ; xxviii, 35) ; au fond, elle s’accorde avec l’hébreu et la Vulgate. Le Daniel des Septante, qui parut en Egypte en 140 à peu près, passa « aux églises où il fut lu » (S. Jérôme, t. xxv, 493) jusqu’au milieu du ne siècle, comme on le prouve par les citations des Pères. A. Bludau, op. cit., p. 12-20. Cette version « fut alors répudiée par un jugement des maîtres de l’Église » (S. Jérôme, t. xxv, col. 514) et remplacée par celle de Théodotion, qui est éditée parfois dans les Septante même. — On peut croire qu’elle fut abandonnée parce qu’  « elle s’éloignait beaucoup trop de la vérité hébraïque » et qu’elle était particulièrement infidèle dans ix, 25-27. Cf. A. Bludau, op. cit., p. 33 et suiv. Le fait est que, si on la compare au texte, elle en diffère beaucoup, surtout pour les récits. On y constate, en effet, fréquemment des additions, des omissions, parfois même un autre sens. Additions : i, 20 ; ii, 8 ; iii, 18, 24, 46 ; iv (très bouleversé). Omissions et abréviations : VI, 8 (omis) ; vi, 3, 6, 7, 10, 15 ; vii, 6 (abrégés). Autre sens : vii, 13, 18, 22, 23, 27, 28 ; viii, ii, 12, 25. Voir J. Knabenbauer, In Daniel., p. 47-50. A. Bludau, op. cit., p. 44 et suiv. E. B. Pusey, Daniel, p. 624-637, note E. Wiesler (Die 70 Wochen und die 63 Jahrwochen des Proph. Daniels, Gœttingue, 1839, p. 197 et suiv.), et F. Fraidl (Die Exégèse der Siebzig Wochen Daniels, Gratz, 1883, p. 4-11) nommément, ont noté avec soin les divergences des Septante et de l’hébreu dans ix, 24-27. Cf. A. Bevan, The Book of Daniel, Cambridge, 1892, p. 43-54. Les Septante de Daniel ainsi répudiés, on n’en lut plus les manuscrits. On les croyait disparus, lorsqu’on découvrit le Codex Ghisianus ( Bibliothèque Chigi), lequel fut publié à Rome en 1772, par Simeone de Magistris : Daniel secundum LXX ex Tetraplis Origenis nunc primum edituse singulari chisiano codice annorum supra DCCC. Il fut ensuite réédité par J. D. Michælis, in-8°, Gœttingue, 1773, et in-4°, 1774 ; par C. Segaar, in-8°, Utrecht, 1775, et par Pearsons, 1818 et 1848. Autres éditions : AavutjXxaTa tovç e680(iïixovtc<, e codice chisiano post C. Segaaram edidit secund. syro hex. recognovit A. Hahn, Leipzig, 1845 ; T. Cozza, Sacr. Bibl. vetustis. Fragmenta, P. iii, Rome, 4877. Le Codex chisianus, qui est du XIe siècle, cf. A. Bludau, op. cit., p. 38, est cependant moins précieux qu’un manuscrit de la Bibliothèque ambrosienne, attribué au vme siècle et publié sous ce titre : Daniel secundum editionem LXX Interpretum ex Tetraplis desumptus ex codice syro estrangelo Bibliothecse Ambrosianse syriace edidit latine vertit etnotis illustravit CaiusBugati, in-4°, Milan, 1788. M. J. Ceriani le réédita depuis avec ce titre : Codex Syro-hexaplaris Ambros. photolithographïce editus, Milan, 1874 (t. viii, Monumenta sacra et prof.). Il représente la version de Paul de Tela faite sur une copie des hexaples possédée par Eusèbe et Pamphile. Il offre en général un texte plus pur et plus complet. Il pourrait servir à reconstituer fidèlement le Daniel des Septante. Cf. S. Davidson, Introduction, etc., t. iii, p. 223, 227. 3° Langue. — Le livre est écrit en hébreu et en araméen. Il contient en outre, mais en petit nombre, des mots d’origine aryenne, mots grecs et mots persans. Hébr. i, 1-11, 4 1 et vii, 1 ; xii, 13. Aram. ii, 4 b ; vii, 28. Mots grecs : nous les avons cités plus haut. Mots persans : ce sont des noms d’office ou d’emploi, de vêtements, d’instruments de musique, de nourriture, et ils se trouvent presque exclusivement dans la partie chaldéenne. E. B. Pusey, d’après Max Muller, op. cit., 378 et 569. Notes À et C. Cf. J. N. Fuller, op. cit., p. 246 et suiv. Ajoutons-y les mots syriens’àSaf, ii, 10, 27 ; resam, vi, 10, 11, 13, 14 ; v, 24 ; aphadnô, xi, 47 ; palmônî, viii, 13. Reprenons. L’hébreu de Daniel est l’hébreu de l’exil, que distinguent les aramaïsmes. Gesenius, Geschichte der hebraïschen Sprache und Schrift, p. 25, 26. Il se rapproche en effet beaucoup des écrits de l’exil. Ézéchiel nommément a avec Daniel, à cet égard, l’affinité la plus étroite : — i, 10 hiiêb (reum fecit) Ezech., xvili, 7 ; viii, 9 ; xi, 16, 4L isebî [terra

décora = Israël) Ezech., xx, 6-15 ; x, 6 nehôUêt gâlal (ses lœve) Ezech., i, 7. x, 21 ketab (scriptum) pour séfêr (liber) Ezech., xiii, 9 ; xii, 3 zohar (splendor) ; Ezech., viii, 2. xii, 0 ; lebûé habbadim (indutus lineis ) Ezech., ix, 3. D’autre part, l’araméen de Daniel est l’araméen d’Esdras, c’est-à-dire qu’il reproduit, à quelques différences près, — différences justifiées du reste par le court espace qui sépare les deux écrivains, — l’araméen même d’Esdras, lexique et grammaire, et de plus qu’il s’écarte beaucoup de l’araméen des Targums postérieurs, ce qui est une preuve, répétons-le, que le livre est de l’exil. L’araméen ou chaldéen biblique a été l’objet de travaux récents. Nommons en particulier les grammaires de Fr. Delitzsch, dans S. Bær, Daniel, p. xm et suiv., de E. Kautzsch, Grammatik des Biblisch Aramaïschen, 1884, et de Hermann L. Strack, Abriss, etc. L’araméen de Daniel notamment a été scrupuleusement étudié par E. B. Pusey, Daniel, p. 45 et suiv., note D, p. 602 et suiv. sur la base d’un article de J. Mac-Gill (The Chaldee of Daniel and Ezra dans Journal for sacred Littérature, janvier 1861, p. 373-391). Malgré ces imperfections de langue, le livre est loin d’être, littérairement parlant, « un livre de complète décadence littéraire, … dont la langue soit détestable, plate, prolixe, incorrecte. » Il ne rappelle sans doute ni Isaïe, ni même Habacuc ; mais il a des chapitres (il, vi) qui par le grandiose des images et le relief extraordinaire de la pensée prophétique ne le cèdent en rien aux plus beaux. Le style en est très varié. « On y distingue, dit Pusey, Daniel, p. 37, quatre styles : 1. celui du simple récit, chap. î ; 2. celui de la prière ardente, chap. ix, joignez-y les versets d’actions de grâces en chaldéen, chap. ii, 20-24 ; 3. celui de la prophétie pure, dans la vision des soixante-dix semaines, chap. ix, et 4. celui delà description prophétique, chap. xi, où chaque phrase, presque chaque mot exprime tout un événement ou même une série d’événements. La simplicité du récit, l’ardeur émue de la prière, la noblesse et la grandeur de la prophétie, la vie intense de la vision historique, tout cela témoigne clairement de la maîtrise incontestable de l’écrivain. » Ses mérites littéraires peuvent être inégaux dans ce livre, mais nul ne lui refusera une rare vigueur d’imagination et un grand talent d’exposition. — Pour achever de faire connaître le livre, disons comment il diffère des autres Livres Saints par le fond et par la forme. Il en diffère par le fond de trois manières : — 1. Le prophète reçoit ses révélations, ou en songe, ou d’un ange qui lui en explique le songe ou la vision, ou encore simplement d’un ange qui lui raconte l’avenir : ce qui n’existe pas pour les autres prophètes. — 2. Il annonce le sort et la succession des quatre grands empires antimessianiques, ne parlant d’Israël qu’indirectement en général, si l’on peut dire. Vivant à Babylone, attaché au palais des rois, leur conseiller très influent et leur ami, il est moins le prophète des Juifs que le prophète des gentils. Tels ne sont pas les autres : dans ceux-ci l’horizon est circonscrit à la Judée, à Sion, au temple, aux prêtres, au peuple. Ont-ils des échappées sur le monde des nations, c’est qu’ainsi le veulent les rapports qu’ils ont avec Israël. — 3. Il recule l’arrivée du Messie bien au delà de ce que l’on se figurait suivant les autres prophéties, d’où l’on concluait, à tort, que la fin de l’exil amènerait nécessairement la fin des maux et coïnciderait avec l’avènement de la paix messianique. Désormais, par Daniel, on sait que de longs jours et de longues calamités sépareront le retour de l’exil, la venue du Messie et l’établissement de son royaume. Et c’est ainsi que ce livre se distingue des autres par son objet : il universalise, complète, précise ce qu’ils renferment. — Il s’en distingue aussi par sa forme. La forme est la forme dite apocalyptique. Deux éléments la constituent : 1. des révélations générales, à7toxiX « t| « ç, ayant pour objet principal la fin de toutes choses,-rà eo-^aia, et 2. de grandioses images, des symboles extraordinaires