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DANIEL (LE LIVRE DE)

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f. iii, 2, p. 25 ; Flemming, Diè grosse Steinplalteninsckrift Nebukadnezars II, Gœttingue, 1883, p. 18. Les « dieux d’or, d’argent, d’airain, de fer, de bois et de pierre », dont il est parlé, v, 4, sont déjà connus par la lettre de Jérémie. Bar., vi. La main effrayante écrivit, v, 5, « sur la chaux de la muraille ; » les monarques assyriens et chaldéens ne connaissaient, en effet, pour décorer l’intérieur de leurs appartements, qu’un léger enduit de chaux blanche. F. Kaulen, Assyr., p. 52, 109. Une connaissance parfaite des temps de l’histoire se trahit dans l’expression « Mèdes et Perses », v, 28 : au début de Cyrus, on admettait encore que le royaume des Mèdes était passé à une autre dynastie, les Perses leur étant toujours volontairement soumis ; ce n’est que plus tard, quand les Achéménides furent devenus maîtres incontestés du pouvoir, que les Perses s’affirmèrent partout, dans ce vaste empire, comme nation privilégiée. Voir Spiegel, Die persische Inschriften, p. 3, 5, etc. — Cette parfaite exactitude se retrouve également en matière d’histoire. La vérité de l’Écriture est justifiée plus victorieusement encore ici que partout ailleurs. On sait présentement par les tablettes de Nabonide, comme aussi par celles de Cyrus, son vainqueur, qu’il eut un flls premier-né du nom de Belsassar (assyrien : Bel-sar-usur) ou Baitassar, qui fut associé au trône, comme Nabuchodonosor l’avait été au temps de la bataille de Charcamis. Jer., xlvi, 2. On peut donc parler de la « troisième année du roi Baitassar », viii, 1. Pinches, dans les Transactions of the Society of Biblical Archœology, vii, 1, 1880, p. 139. Baitassar dut défendre Babylone, pendant que son père tenait la province avec une armée ; mais il périt dans la catastrophe rapportée v, 30, et dans Hérodote. Voilà comment Nabonide était le premier et Baitassar le second personnage de l’empire, et c’est ce qui explique pourquoi, lorsqu’il s’agit du plus haut rang pour Daniel, v, 29, on ne lui promet et on ne lui donne que « le troisième ». Après sa victoire, Cyrus fit gouverner Babylone par Darius le Mède. Voir Darius le Mède. — Le silence des auteurs classiques sur ces détails n’infirme en rien la véracité du livre, et les pages de Daniel entrent sans effort dans la trame de l’histoire inattaquée. F. Kaulen, Einleitung in die Heilige Schrift, 3e édit., p. 392, 393. Cf. Foigl, Cyrus und Herodot, in-8°, Leipzig, 1881, p. 2 et suiv. ; Schrader, Die Keilinschriften und das Allé Testament, p. 443 et suiv. — De ces deux dernières preuves il ne résulte pas que le livre est nécessairement de Daniel ; mais on doit en conclure qu’il a pour auteur un Juif, vivant à Babylone, au temps du prophète. Que ce Juif soit précisément Daniel, c’est une conclusion que l’on tire d’ailleurs avec certitude. Voir Fr. Lenormant, La divination, p. 188, 189. Cf. A. Hebbelynck, De auctoritate, p. 275-280.

2° Preuves externes, tirées de la tradition juive et de la tradition chrétienne. — 1. Daniel est nommé dans Ézéchiel, xiv, 20 ; mais nous n’insisterons pas sur ce passage, qui n’est pas explicite, non plus que sur la prière de Néhémie, II Esdr., ix : les. pensées et la forme de cette prière rappellent certainement Dan., ix, 5-19 ; mais il n’est pas certain qu’elles soient prises de Daniel. Cf. E.-B. Pusey, Daniel, p. 345-359. Dans Zacharie, i, 8-10 ; VI, 1-8, la vision des quatre cornes, des quatre chars et des quatre vents a pu être inspirée par Dan., vu ; mais cela est douteux. — Le canon hébreu de l’Ancien Testament, que l’on dit avoir été clos alors, contient parmi les hagiographes le livre de Daniel. — La version des Septante, par ses allusions, son adaptation visible aux temps d’Antiochus, prouve que le livre ainsi traduit est au moins antérieur à l’an 163, date à laquelle les rationalistes rapportent, en effet, cet écrit. — Le troisième livre sibyllin, composé par un Juif, vers l’an 170-168 (E. B. Pusey, Daniel, p. 364, note 6), s’inspire manifestement de Daniel. Sib. iii, v.’397, 400 : « Il y aura dix cornes. Près d’elles il en fera pousser une autre… Et alors la corne

qui aura poussé régnera… » Cf. Dan., vii, 7, 8, 11, 20.

— On ne saurait nier non plus que Mathathias n’ait emprunté à ce livre les deux faits de cette époque qu’il rappelle I Mach., ii, 59, 60 : le contexte l’exige évidemment.

— Plus explicites encore sont les textes de l’historien Josèphe. On peut les discuter, et avec A. Kuenen, Hist. crit., t. ii, p. 515 et suiv., les trouver incohérents, invraisemblables ; mais on ne peut méconnaître que le prêtre historien attribue à Daniel, en pleine conviction, le livre et les prophéties qui portent son nom. « Les livres qu’il a écrits et laissés (|316Xîa ôoa êvj auyypi’^âiJievo ; xaToO.eloretv), nous les lisons encore aujourd’hui. » Il parle nettement d’un livre de Daniel qui fut montré à Alexandre, quand, de Gaza, il vint en Judée. Ant. jud., X, xi, 7 ; cf. Bell, jud., IV, vi, 3 ; VI, ii, 1. Nul doute que telle ait été à cet égard la tradition juive de son temps.

2. La tradition chrétienne n’est pas moins expresse et a plus d’autorité encore. — Jésus attribue à Daniel une prophétie qui se trouve dans son livre. Matth., xxiv, 15 ; cf. Marc, xiii, 14. Il lui prend des expressions, par exemple, « Fils de l’homme, » qui lui sont spéciales. Math., xxiv, 30 ; Marc, xiii, 26 ; Luc, xxi, 27, cf. Dan., vu, 13, 14. Saint Paul a des idées et des manières de dire qui sont propres à Daniel. Il Thess., ii, 3, 4, 8, cf. Dan., vu, 8, 25, 11, 19 ; I Cor., vi, 2, cf. Dan., vii, 22 ; Hebr., xi, 33, allusion à Dan., vi et xiv ; I Petr., i, 10, cf. Dan., xii, 8. L’auteur de l’Apocalypse a certainement connu Daniel : c’est le même genre d’écrire, ce sont les mêmes révélations et souvent les mêmes images. A. Hebbelynck, op. cit., p. 64. — Avec le temps, la tradition sur l’origine du livre s’accentue de plus en plus. Les Pères et les écrivains ecclésiastiques se prononcent nettement pour l’attribution à Daniel. Porphyre, au me siècle, est le premier qui s’écarte de l’opinion traditionnelle. Il recule la composition du livre au temps d’Antiochus IV Épiphane, selon cette règle posée par lui, qu’un écrit où se lit une prophétie est postérieur à l’événement prédit. Il a fait école, non pas immédiatement, mais quinze siècles après, parmi nos rationalistes. Dans l’intervalle, l’authenticité du livre, défendue contre Porphyre par Methodius, Apollinaire, l’historien Eusébe (S. Jérôme, In Dan., Prol., t. xxv, col. 491), est affirmée par Théodoret nommément, et sans ombre d’hésitation, In Dan., vii, t. lxxxi, col. 1411, et par tous ceux qui vinrent ensuite. Il faut descendre jusqu’à Semler et surtout à Bertholdt pour trouver ce système de négation, qui est suivi aujourd’hui par la foule des exégètes et des critiques protestants et rationalistes. La base de leur système est l’axiome de Porphyre, et leurs thèses ne sont pas différentes au fond des siennes. « En présence des faits rapportés dans le livre, dit S. B. Driver, An Introduction to the Littérature of the Old Testament, Edimbourg, 1891, p.. 467, l’opinion qu’il est l’œuvre de Daniel n’est plus soutenante. L’évidence interne amène irrésistiblement à cette conclusion, qu’il n’a pas dû être écrit avant l’an 300 environ, et il est au moins psobable qu’il fut composé pendant la persécution d’Antiochus IV Épiphane, en l’an 168 ou 167. » Le plus fameux de ses adversaires par la science est A. Kuenen, qui, dans son Histoire critique, a recueilli et fait valoir avec talent (t. ii, p. 515-582, notes explicatives xxx-xxxv) toutes les objections possibles contre la composition du livre de Daniel. — Il n’en est aucune qui soit insoluble, comme nous allons le voir.

il. Preuves négatives. — Elles consistent dans la réfutation des objections soulevées contre l’authenticité. Les objections que nous discuterons, nous les prendrons non pas à A. Kuenen, à qui M. Trochon, Daniel, p. 16-58, a largement répondu, mais à S. R. Driver, qui est plus récent, et dont la critique est plus objective et moins radicale. Il en a trois séries, dont l’une se rapporte aux données historiques du livre, l’autre à la langue, l’autre aux doctrines particulières qu’il renferme.

1° Objections historiques. — « Les faits historiques sui-