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DANIEL LE PROPHÈTE

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nide, verso, col. 1, lig. 18, 19 ; F. Vigoureux, La Bible et tes découvertes modernes, 6e édit., 1896, t. iv, p. 369.

VI. Daniel sous Darius le Mède. — Babylone prise, Darius le Mède en fut établi roi par le vainqueur ou du moins gouverna la ville avec un titre équivalent. Voir Darius le Mède. Il tint Daniel, quoique celui-ci eût servi la dynastie vaincue, en très haute estime. C’est peut-être à ce moment que le prophète eut sa fameuse vision des soixante-dfx semaines ; c’était, en effet, la première année de Darius. Dan., ix, 1. Il méditait de toute son âme sur les soixante-dix ans prédits par Jérémie, ^. 2, qu’il voyait sur le point de finir, et il adressait à Dieu, dans la pénitence et le jeune, une prière humble, touchante, très fortement motivée. Le même ange Gabriel, qui déjà lui avait parlé, ch. viii, lui annonça alors, dans un avenir lointain, les soixante-dix semaines d’années, qui commencent à la publication de l’édit (dâbâr) pour rebâtir Jérusalem, « les places (portes) et les murs » de la ville, et se terminent à la mort violente du Messie par une alliance remplaçant l’ancienne désormais abolie, ch. ix. Il était encore tout rempli de cette vision, lorsqu’il fut placé par Darius, avec deux autres, à la tête des cent vingt gouverneurs (’âhaSdarpenayyâ’; Vulgate : satrapse) que ce roi venait d’instituer. Il leur était supérieur à tous, « parce que l’esprit de Dieu était plus vaste en lui » qu’en eux. Cf. v, 12 ; vi, 2. Darius songeait même à l’établir sur tout le royaume, lorsque la jalousie des grands de Babylone l’en empêcha. Ils lui firent porter un édit qui interdisait d’adorer pendant trente jours tout autre que le roi. Daniel, qui n’en tint aucun compte, fut surpris, dénoncé et, malgré les efforts et la douleur du roi, jeté dans la fosse aux lions. Cf. Ezech., xix, 6-9. Étant venu de grand matin, Darius fut joyeux de trouver le prophète sain et sauf ; il livra ses accusateurs et leurs familles aux lions, qui les dévorèrent sur-le-champ, et il promulgua un décret ordonnant « de révérer et de craindre le Dieu de Daniel, Dieu vivant et éternel, Dieu libérateur et sauveur, dont le royaume ne sera pas détruit ». Or Daniel fut en faveur (haslafy = prospère egit, vi, 29 ; Vulgate, 28) auprès de Darius et auprès de Cyrus le Perse.

VII. Dernières années de Daniel. — Il était survenu à cette date dans la vie d’Israël un changement qui dut émouvoir profondément l’àme du prophète. Cyrus, inaugurant au lendemain de sa conquête une politique nouvelle vis-à-vis des peuples vaincus, leur permit de rentrer en paix dans leur patrie (voir I Esdr., i, 1) : c’était la première année de son règne, l’année de la chute de Babylone ; car Cyrus prit immédiatement le titre de roi de Babylone (sar Babilu) simultanément avec Darius, qu’il établit avec lui gouverneur de cette ville. J. Knabenbauer, In Daniel., p. 345. Il fit rendre à la première caravane les vases saints emportésjadis de Jérusalem par Nabuchodonbsor, et voulut qu’on vint à son aide de toute manière.

Pourquoi Daniel ne retourna-t-il pas en Judée avec ses frères ? On ne le sait pas sûrement, mais c’est sans doute parce qu’il était chargé d’années (plus qu’octogénaire) ; qu’il pouvait être très utile, nécessaire même à ceux qui restaient pour les protéger, et à ceux qui partaient pour les aider à la cour dans la restauration de Jérusalem, qui allait se heurter à tant d’obstacles. Il demeura donc et fut le conseiller plus que jamais écouté du roi persan. Il en était l’hôte ordinaire (Septante : (ru[16twTTK) et le convive. Un jour le roi de Babylone (Cyrus) lui reprocha de ne pas adorer Bel, voir t. i, col. 1556, ce dieu qu’il révérait lui-même par politique, qui vivait, puisqu’il mangeait et buvait. Daniel répondit en souriant, et par un stratagème très simple, il convainquit devant le roi de supercherie et de mensonge les soixantedix prêtres qui desservaient le temple. Le sanctuaire (eîSwXsïov), partie du temple (B^tov) ou peut-être le temple lui-même (rien ne s’y oppose historiquement), fut ensuite détruit. — Une autre fois, c’est le serpent adoré par les

Babyloniens, un dieu vivant, disait le roi, que Daniel fait mourir, selon sa promesse, « sans épée et sans bâton, avec un gâteau de poix, de graisse et de poils, » et dont l’étouffement porte au comble la fureur des Babyloniens contre le roi, « devenu juif, » disent-ils. Ils s’ameutent et exigent la mort du prophète. Le roi cède. Daniel est jeté dans une fosse où il y avait sept lions, dont on irritait intentionnellement la faim. Il y reste six jours, nourri miraculeusement. Au septième, Cyrus vient à la fosse, où il le voit vivant, « assis au milieu des lions. » Jetant un cri, il l’en fait retirer, et, comme ses prédécesseurs, Nabuchodonosor, Baltassar et Darius, il proclame la grandeur de Dieu par toute la terre, ch. xiv.

— Une dernière révélation, datée du 24 nisan 536, achève d’éclairer Daniel sur l’avenir de son peuple au milieu des puissances de ce monde, et clôt la vie du prophète ; Dan., x, 1, 4. Il était sur le Tigre lorsqu’un ange de forme humaine et rayonnant lui apparut et l’instruisit « de ce qui devait arriver au peuple de Dieu dans les derniers jours ». Après la monarchie médo-perse viendra un roi vaillant, l’auteur de la monarchie grécomacédonienne. Il y aura entre les rois des deux royaumes du nord (Syrie) et du sud (Egypte), qui en sortiront, des luttes sanglantes et opiniâtres et pleines de vicissitudes. Un de ces premiers nommément (Antiochus IV Épiphane) fera une guerre terrible et causera des maux inouïs « au pays de gloire », enjeu de toutes ces rivalités. A la fin il périra, et le peuple sera sauvé par le secours de l’ange Michel. Le temps de l’épreuve est ensuite fixé dans une vision complémentaire à 1290 et à 1 335 jours. Après quoi Daniel fut laissé par l’ange pour toujours. — Il n’est plus question nulle part du prophète. Une foule de légendes ont couru sur sa mort et sa sépulture. Babylone, Ecbatane, Suse, passent pour avoir son tombeau (fig. 472). Voir Àcta sanctorum, julii t. v, p. 117-131. Cf. Fabre d’Envieu, Le livre du prophète Daniel, Paris, 1888, t. i, p. 20-22. Il pouvait être nonagénaire lorsqu’il mourut. Pour la vie de Daniel, voir notamment : Payne Smith, Daniel, Londres, 1886 ; H. Deane, Daniel, his life and times, Londres, 1888. Cf. Fabre d’Envieu, Daniel, t. i, p. 1 et suiv. ; R. Cornely, Introductio specialis, t. ii, 2, p. 466. Voir le beau portrait de Daniel, tracé par E. B. Pusey, Daniel, p. 15-20.

VIII. Mission de Daniel. — On peut voir ce qu’elle fut par tout ce qui précède. On peut dire qu’il eut une triple mission et qu’il la remplit avec éclat. 1° Vis-à-vis des captifs, ses frères, il fut un docteur de justice et de piété, et, par sa haute influence auprès des rois qui se succédèrent en Babylonie, un très puissant protecteur. Transportés dans le monde chaldéen, si semblable à eux pour les habitudes religieuses, la forme cultuelle, les formules même de prières (Lenormant, Études accadiennes, t. iii, p. 161), ils étaient très exposés au péril d’apostasie. Il est certain qu’ils passaient par une crise où leur foi et leur religion, espérance de l’avenir, pouvaient périr. Dieu leur envoya des prophètes qui les secoururent, Ézèchiel ( voir Ézéchiel) et Daniel. Daniel, par sa rigide fidélité à la loi, par sa piété intrépide et par ses visions mystérieuses, affermit la foi des captifs et les préserva de l’idolâtrie ou de l’apostasie ; c’est pour cela que la Providence l’envoya à Babylone dès le commencement, dans la première des quatre grandes transmigrations chaldéennes. Il fut ainsi le protecteur et le défenseur de ses frères. Vivant au milieu de leurs vainqueurs, leur condition était misérable. On sait en général, par les tablettes et les représentations venues jusqu’à nous, à quels travaux d’esclaves et à quelle vie très dure ils étaient assujettis. Ps. cxxxvi. Certainement Daniel, que Dieu avait fait si grand et si puissant à Babylone, mêlé activement à toutes les affaires, sut adoucir leur sort et leur assurer la bienveillance des rois. Cf. IV Reg., xxv, 27-30. On en trouve la preuve dans son livre. — 2° Il eut aussi une mission pour les Babyloniens eux-