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DANIEL LE PROPHÈTE


Dieu du ciel et qui durera éternellement. Luc, i, 32-33. Quand le songe eut été expliqué, Nabuchodonosor se prosterna devant Daniel en confessant que son Dieu est le Dieu des dieux et le maître des rois, et il conféra au prophète les honneurs promis avec des dons magnifiques. Il le mit à la tête de la Babylonie, le plaça comme prince (rab signîn) sur tous les sages de Babel, et lui donna en qualité d’auxiliaires ses trois compagnons. C’est ainsi que Daniel se fit un grand nom parmi « les enfants de la captivité » et. dans cette monarchie chaldéenne, vers laquelle il fut envoyé de Dieu comme son prophète et son représentant.

III. Second songe et folie de Nabuchodonosor. — La haute situation qu’il avait conquise si jeune et si rapidement, Daniel l’occupa avec éclat jusqu’à la fin. Dan., i, 21. Son livre n’entre pas d’ailleurs dans les détails, parce qu’il n’est pas une biographie du prophète ; il rapporte seulement trois ou quatre épisodes plus caractéristiques, et donne quelques indications historiques qui forment le cadre des visions. — Il n’est pas question de Daniel (en voir quelques raisons dans J. Knabenbauer, In Daniel. , p. 109) lorsque Dan., iii, 1-19, Nabuchodonosor fit jeter dans la fournaise les trois jeunes Hébreux, ses compagnons, Sidrach, Misach et Abdénago, qui refusaient d’adorer la colossale statue d’or du roi. Mais le prophète intervient avec éclat dans l’épisode de la folie du monarque. Le fait, selon plusieurs indices, dut arriver probablement dans la seconde moitié de son long règne. Lui-même le raconte dans un manifeste aux peuples de sa domination. Dan., iii, 98-iv, 34 (hébreu, iii, 31-iv, 34). Il vivait en paix et glorieux (ra’ânàn == virens, IV, 1) dans son palais, quand il eut un songe, que tous les sages de Babel ne surent lui expliquer. Il appela Daniel, « en qui était l’esprit des dieux saints, » et lui fit connaître le songe. C’était un arbre haut comme les cieux, large comme les extrémités de la terre, séjour et abri des bêtes de la création. Un ange descendit du ciel, et il cria de couper l’arbre et d’en lier, avec du fer et de l’airain, la racine restée dans l’herbe et la rosée. « Qu’on lui change son cœur d’homme et qu’on lui donne un cœur de bête, et sept temps passeront ainsi sur lui. » Daniel troublé se recueille, et, tremblant, il explique le songe. L’arbre, c’est Nabuchodonosor. On le chassera d’entre les hommes et il habitera avec les bêtes, et comme le bœuf il mangera de l’herbe, mouillé par la rosée du ciel, pendant sept temps, jusqu’à ce qu’il confesse que le Très-Haut (’illây’â') domine sur les royaumes et qu’il les donne à qui il veut. Le prophète lui conseille de racheter ses péchés par la pratique de la justice et par des œuvres de miséricorde ; ainsi son royaume lui sera conservé. Un an s’écoula et la prédiction s’accomplit. Dans un moment de suprême orgueil, le glorieux roi fut frappé de folie subite, du genre de celles que les savants appellent lycanthropie. Il errait dans les bois autour de son palais, vivant avec les bêtes, ayant tout l’aspect de celles-ci. Il demeura ainsi sept temps, trois ans et demi, croyons-nous. (Voir à ce sujet les différentes opinions rapportées par G. Brunengo, L’Impero di Babiloni e di Ninive, Prato, 1885, t. ii, p. 237 ; E. B. Pusey, Daniel the prophet, Oxford, 1870, p. 428.) L’empire, dans cette crise, fut gouverné sans révolution, on ignore par qui. Après quoi il leva les yeux au ciel, se reconnut, et l’esprit ainsi que la gloire du visage lui fut rendu avec l’empire. Alors il béni} et glorifia le Très-Haut, qui vit éternellement, devant qui les hommes sont comme le néant, et à qui personne ne peut résister et dire : Pourquoi as-tu fait cela ? Voir Nabuchodonosor.

IV. Vision des quatre animaux. — Nabuchodonosor mourut en 561. Daniel ne perdit, semble-t-il, ni ses charges ni son crédit sous ses successeurs, Évilmérodach, Nériglissor, Laborosoarchod, Nabonide et son fils Baltassar, qui lui fut associé comme roi trois ans avant la « hute de Babylone et en fut le dernier souverain. II n’est

pas douteux qu’il ne soit le Baltassar de Daniel. Voir t. i, col. 1370 et 1420. Le prophète resta sans doute étranger à toutes les révolutions politiques qui précédèrent l’avènement de Nabonide.

Il eut vers cette époque deux révélations. L’une, Dan., vii, est datée de l’association de Baltassar au trône de son père, 542. Il voyait quatre grands animaux « qui montaient l’un après l’autre de la mer immense » : le lion ailé, l’ours ayant sa proie dans la gueule, le léopard avec quatre têtes et quatre ailes, et un quatrième plus terrible que les autres, portant dix cornes, d’où sort une corne plus petite, qui en détruit trois des autres. L’Ancien des jours vient ensuite en grand cortège, pour exercer le jugement. La quatrième bête est livrée au feu ; les autres sont aussi abattues, et le Fils de l’homme reçoit du Juge « le royaume des saints du Très -Haut ». Daniel tremblant interroge un des anges sur le sens de la vision. On le lui donne : elle a le même objet que le songe expliqué Dan., n. Il en est très impressionné. Deux ans plus tard il en a le complément. Dan., viii, l b. Le prophète était (ou en réalité ou en vision, on ne sait, J. M. Fuller, dans The Holy Bible, t. VI, p. 310 ; J. Knabenbauer, In Daniel., p. 208), — à Suse, en Élam. Il vit d’abord un bélier donnant des cornes à l’ouest, au nord et au sud, et nul ne pouvait lui résister. Puis un bouc accourut de l’ouest par bonds prodigieux, sans presque toucher terre, et il se jeta sur le bélier et l’abattit et le piétina. La corne qu’il avait entre les yeux se rompit, et il en sortit quatre autres, et, peu après, de cellesci il en surgit une petite, qui fit à Dieu et au peuple des saints une guerre terrible : elle dura 2300 jours. L’intelligence de cette vision lui fut donnée, sur sa prière, par l’ange Gabriel : elle marquait le développement historique de l’empire médoperse (le bélier) et de l’empire grec (le bouc), avec une prédiction sur le règne d’Antiochus IV Épiphane. L’esprit de Daniel demeura troublé de cette vision, et il lui fallut plusieurs jours pour se remettre. Dan., viii, 27.

V. Festin de Baltassar. — Cependant les armées médo-perses se concentraient autour de Babylone. Nabonide venait d’être battu à Rulu, et, après avoir essayé de tenir dans Borsippa, il s’était rendu à Cyrus. Baltassar s’était jeté avec le gros de ses troupes et les principaux Babyloniens dans la ville, qu’ils croyaient imprenable et d’où ils défiaient les ennemis. G. Brunengo, L’Impero, t. ii, p. 423, 430 ; J. Knabenbauer, In Daniel., p. 157. Il donna, dans une nuit de fête, un grand festin. Ivre déjà, il fit apporter du trésor du temple de Bel, Dan., v, 2 ; cf. i, 2, les vases d’or et d’argent ravis au temple deJéhovah par son aïeul, et il les profana, lui, ses officiers, ses femmes et ses concubines. Mais voici que des doigts comme d’une main d’homme parurent sur la paroi blanche d’en face, écrivant quelques mots. Nul des sages appelés ne put même les lire, loin de pouvoir en donner le sens. On fit venir Daniel. Le prophète, dans cette salle, parla en termes magnifiques de Nabuchodonosor, le père du roi, qui après une épreuve terrible avait reconnu que « le Très - Haut domine sur les royaumes humains », tandis que son successeur venait de s’élever contre « le Maître du ciel », en buvant dans ses coupes sacrées et en louant des dieux qui ne vivent pas. Puis il lut l’écriture : Mené’mené’feqêl ûfarsîn, et l’interpréta de l’empire babylonien dont le temps est décidément achevé, compté, mené’(numeratum), le poids trop faible, feqel (appensum), et qui est divisé, pharsin (dividentes — divisum, v, 28) et transporté aux Médo-Perses. Voir t. i, col. 1422. Daniel reçut alors les honneurs royaux qui lui avaient été promis, la robe de pourpre, le collier d’or et le troisième rang ; et sa prédiction s’accomplit quelques heures à peine après. Baltassar fut tué, la hache symbolique à la main, dans le tumulte causé par l’irruption subite des Perses dans la salle royale : c’était le 3 de marchesvan 538. Tablette des À nnales de A’a&o II. — 40