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DAN (VILLE)


le texte sacré par celui de Dan plus usité. On apporte aussi une autre solution, d’après laquelle Dan aurait été la dénomination primitive de la vieille cité biblique, et que les conquérants la lui auraient restituée, en lui don^ nant une origine et une signification différentes. Il y avait, en effet, près de Laïs ou Lésem, un temple fameux consacré au dieu Pan, que les Phéniciens appelaient Baal Yaan ou Dan-Yaan (le maître ou le juge joueur de flûte) ; d’où la ville aurait été appelée Dan-Yaan. Rien donc d’étonnant à ce que les Dauites aient ressuscité ce nom, mais en y rattachant le souvenir de leur père. Telle est l’opinion adoptée par R. Cornely, Cursus Scriptural Sacras, Introductio, Paris, 1887, t. ii, part, i, p. 91, d’après Smith, The Pentateuch, p. 446-454, et d’autres. Voir Dan Yaan. La difficulté est la même et les réponses doivent être identiques pour Deut., xxxiv, 1, où Dieu montre à Moïse, du sommet du Nébo, « toute la terre de Galaad jusqu’à Dan. » Au lieu de chercher ici une localité inconnue, ne serait-il pas plus naturel d’y reconnaître la ville frontière dont le nom devait, pour ainsi dire, passer en proverbe ?

: La conquête de Laïs, résumée dans Josué, xix, 47, est

racontée tout au long au chapitre xviii du livre des Juges. Les fils de Dan, se trouvant à l’étroit dans la portion de leur héritage, et d’ailleurs refoulés dans la montagne par les Amorrhéens (voir Dan 2), choisirent parmi les vaillants de la tribu cinq hommes de Saraa et d’Esthaol, et les envoyèrent explorer le pays. Arrivés à la montagne û’Éphraïm, ceux-ci rencontrèrent dans la maison de Michas un jeune lévite qui, après avoir, à leur demande, consulté le Seigneur, les encouragea dans leur entreprise : la consultation d’ailleurs était peu orthodoxe, et la réponse assez vague, puisque l’auteur la tirait de son propre fonds. Les explorateurs vinrent donc à Laïs, et y virent un peuple vivant « sans aucune crainte, à la manière des Sidoniens », ꝟ. 7, c’est-à-dire pacifiques, préférant le commerce à la guerre, comme les habitants de Sidôn, dont ils étaient une colonie. Émerveillés de la richesse de la contrée et frappés du peu de résistance qu’offrait la ville elle-même, isolée au pied des montagnes, ils revinrent, et, dans un compte rendu enthousiaste, pressèrent leurs frères de hâter l’expédition. Six cents hommes bien armés partirent alors de Saraa et d’Esthaol, avec leurs femmes, leurs enfants et leurs troupeaux. Le rassemblement eut lieu à l’ouest de Cariathiarim [Qariet él-’Enab), et l’endroit porta depuis le nom de « Camp de Dan » (hébreu : Mahânêh San). Ils passèrent de là dans la montagne d’Éphraïm, suivant à petites journées le chemin du nord. L’heureux présage reçu naguère dans la maison de Michas leur donna l’idée d’assurer le succès de l’expédition en s’appropriant les objets sacrés qui servaient au lévite, « un éphod, des théraphims, une image taillée et une autre coulée en fonte, » ꝟ. 14. Avec une ruse dénuée de scrupule, ils firent main basse sur le trésor de Michas, et réussirent même, par de brillantes promesses, à emmener le lévite avec eux, pour leur « tenir lieu de père et de prêtre ». ꝟ. 19. Aux justes réclamations du propriétaire ainsi dépouillé ils ne répondirent que par l’ironie et la menace. Enfin, continuant leur route, ils arrivèrent à Laïs, qui, sans défiance et sans secours, fut facilement prise. Vouée à l’anathème, elle fut livrée aux flammes, et les habitants furent passés au fil de l’épée. Les Danites la rebâtirent et l’habitèrent, en changeant son nom de Laïs en celui de Dan, « du nom’de leur père, qui était fils d’Israël. » ꝟ. 29. Elle fut dès l’origine le centre d’un culte idolâtrique, mais d’une idolâtrie restreinte, puisqu’on y honorait Jéhovah, tout en violant par les images un des premiers préceptes du Décalogue. « Ils se dressèrent l’image taillée, et ils établirent Jonathan, fils de Gersam, qui était fils de Moïse, et ses fils, en qualité de prêtres dans la tribu de Dan, jusqu’au jour de leur captivité, » ꝟ. 30, c’est-à-dire, suivant plusieurs auteurs, non pas la captivité des dix tribus

d’Israël, mais l’état d’oppression auquel les Philistins réduisirent les Hébreux jusqu’au règne de David. I Reg., iv, 11, 22. Cf. Fillion, La Sainte Bible, Paris, 1889, t. ii, p. 172. Cette interprétation semble confirmée par le détail ajouté au dernier verset, 31 : « Et l’idole de Michas demeura parmi eux pendant tout le temps que la maison de Dieu fut à Silo. » Sur la difficulté que présentent ces deux versets, on peut voir F. de Hummelauer, Comment, in libros Judicum et Ruth, Paris, 1888, p. 310-312 ; R. Cornely, Cursus Scripturx Sacrx, Introductio, t. ii, part, i, p. 221.

Dan devint alors si connue, qu’elle servit à désigner, avec Bersabée, toute l’étendue de la Terre Sainte. Jud., xx, 1 ; I Reg., iii, 20 ; II Reg., iii, 10 ; xvii, 11 ; xxiv, 2, 15 ; III Reg., iv, 25 ; I Par., xxi, 2 ; II Par., xxx, 5 (dans ces deux derniers passages, on lit : « de Bersabée jusqu’à Dan » ). C’est aussi à sa situation de ville frontière qu’elle dut d’être choisie par Jéroboam pour recevoir l’un des veaux d’or destinés à éloigner de Jérusalem les Israélites du royaume schismatique. III Reg., xii, 29, 30 ; IV Reg., x, 29. « Vive ton dieu, Dan ! » tel est le serment qu’Amos, viii, 14, met dans la bouche de ceux qui couraient après ces fausses divinités. À la prière d’Asa, qui était en guerre avec Baasa, roi d’Israël, Benadad, de Syrie, « envoya les généraux de sqn armée contre les villes d’Israël, et ils prirent Ahion, Dan, Abel-Beth-Maacha, et toute la contrée de Cénéroth, c’est-à-dire toute la terre de Nephthali. » III Reg., xv, 20 ; II Par., xvi, 4. Par sa position même, la brillante cité devait être la première exposée aux coups d’un ennemi venant du nord. Voilà pourquoi Jérémie, montrant déjà l’invasion chaldéenne, s’écriait : « Une voix de Dan l’annonce, » iv, 15, et plus loin : « Depuis Dan on entend le frémissement de ses coursiers ; tout le pays est ébranlé par les hennissements de ses chevaux de guerre. » viii, 16. À partir de ce moment, il n’en est plus question dans la Bible.

A. Legendrb.

4. DAN (CAMP DE). La Vulgate appelle Castra Dan, « camp de Dan, » une localité située près de Cariathiarim, Jud., xviii, 12, traduisant ainsi l’hébreu MaJiânàh-Dân. Lorsque les Danites qui habitaient à Saraa et à Esthaol partirent de ces deux villes pour aller conquérir Laïs, dans le nord de la Palestine, ils campèrent près de Cariathiarim, « _derrière » la ville, dans la tribu de Juda, ce qui fit donner à cet endroit le nom de Mahânêh-Dân. Jud., xviii, 11-12. Le Camp de Dan est aussi nommé Jud., xiii, 25, où il est dit que l’esprit de Dieu commença à animer Samson « à Mahânêh-Dân, entre Saraa et Esthaol ».’5. DAN LA SYLVESTRE (hébreu : Dan-Yaân). Voir Dan-Yaan.

6. DAN, ville ou région mentionnée dans Ézéchiel, xxvii, 19, avec Javan (Vulgate : Grxcia et Mosel ; hébreu : Ydvân de’Uzzâl), comme fournissant au commerce de Tyr du fer travaillé et des parfums (casse et roseau aromatique). La plupart des manuscrits des Septante omettent Dan dans ce passage. Il est d’ailleurs difficile de déterminer la situation de Dan. Les uns le placent dans l’Arabie méridionale et croient que Dan ne diffère pas de Dadan, Gen., xxv, 3 ; Ezech., xxvii, 20 ; voir Dadan 2 ; d’autres lisent Vedàn, au lieu de « et Dan », et l’identifient avec Aden, ville d’Arabie (col. 1239) ; d’autres enfin supposent que ce nom désigne simplement la tribu de Dan, parce que l’Écriture mentionne des Danites habiles à travailler les métaux, tels que Ooliab, Exod., xxxv, 34, et Hiram le Tyrien, fils d’une femme de la tribu de Dan. II Par., ii, 13-14. Cette troisième opinion n’est guère satisfaisante, et les deux premières ne sont que des conjectures. Il y a néanmoins lieu de penser que Dan ou Vedan était situé dans le Yémen, où l’on trouve toutes les productions indiquées dans Ézéchiel, xxvii, 19.