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DAN (VILLE)


est à une altitude de 216 mètres au-dessus de la mer. Le plateau culminant de cette colline, que plusieurs regardent comme un cône d’éruption, est occupé par un fourré impénétrable de chênes, de figuiers sauvages, de térébinthes, de platanes, etc., mêlés à des ronces et à des rosiers superbes. La partie centrale ressemble à un vaste bassin, comparable à l’arène d’un immense amphithéâtre. Le bord supérieur avait été jadis environné d’un mur d’enceinte, dont la trace est encore visible sur plusieurs points. Les ruines les plus apparentes sont du côté sud ; ce sont des monceaux de pierres taillées, la plupart de nature volcanique ; d’autres sont des blocs calcaires dé grandes dimensions. Là avait été bâti un village musulman, actuellement renversé de fond en comble.

A l’ouest du monticule, au milieu d’épais buissons de lauriers-roses, s’échappe, entre les roches basaltiques,

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471. — Plan de Tell el-Qadl.

une source qui a dix mètres de large sur soixante-cinq centimètres de profondeur ; l’eau est d’une fraîcheur glaciale et d’une extrême limpidité. Elle forme un ruisseau qui se précipite avec rapidité à travers un épais fourré de platanes, de vignes grimpantes, de roseaux gigantesques, de ronces et de hautes herbes. Ce torrent perce au sudouest les flancs de la colline, en s’y ouvrant un passage, à l’entrée duquel s’élèvent les deux plus beaux arbres qu’on puisse voir. C’est d’abord un vieux chêne ( Quercus ïthaburensis), qui ombrage le tombeau d’un scheikh musulman, puis un magnifique térébinthe (Pistacia Palestina), dont le tronc mesure sept mètres de développement. A l’ouest de la source, on observe plusieurs tas de blocs basaltiques assez régulièrement taillés et qui proviennent probablement d’un édifice antique. Une autre source aussi considérable jaillit au pied du tell, vers l’angle nordouest : les eaux froides et transparentes se répandent dans un grand bassin où viennent se baigner les buffles et qui est entouré de buissons d’agnus castus et de plantes herbacées de toute hauteur. Le ruisseau qu’elle forme va rejoindre le premier vers le sud, et tous deux réunis prennent le nom de Nahr Ledddn ; c’est cette branche du fleuve que Josèphe appelle « le petit Jourdain ». Le mot Leddân semble n’être qu’une corruption de ed-Dân ou Dan. Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. iii, p. 392. Les Arabes de la contrée regardent ce nahr ou torrent comme la véritable source du Jourdain, puisqu’il fournit trois fois plus d’eau que le Nahr Hasbâni, et deux fois plus que les sources de Banias, avec lesquelles ils se réunissent à un kilomètre plus loin. — Tel est ce ravissant petit coin de la Terre Sainte, qui en constituait la limite naturelle, même au point de vue géologique ; c’est là que finit le calcaire de Palestine et que commence le terrain volcanique de Syrie. En le visitant, au mois de mars 1898, je ne pouvais détacher mes regards du splendide panorama qu’il dé roulait devant moi. Du sommet de la colline, je voyais à mes pieds une large vallée couverte d’une luxuriante végétation et fermée par une double muraille : à l’ouest, les monts de Galilée avec leurs déchirures plus ou moins profondes ; à l’est, la ligne plus unie des montagnes du Djôlan. Le lac Houléh étendait sa nappe triangulaire au milieu des marécages et derrière une bordure de gigantesques papyrus. Plus loin, tout à fait au fond de l’immense bassin formé par les deux chaînes parallèles, se dessinait l’étroite fente par laquelle le fleuve se jetle dans le lac de Tibériade. Vers le nord-est, presque au-dessus de ma tête, se dressait le rocher pointu que couvre le vieux château de Banias. Enfin, au nord, le grand 11ermon dominait majestueusement toute cette scène avec son sommet couronné de neige. Je comprenais le tranquille bonheur au sein duquel l’Écriture nous représente les habitants de Laïs, vivant « sans aucune crainte, à la manière des Sidoniens, en paix et en assurance, personne ne les troublant, avec de grandes richesses, loin de Sidon, et séparés de tous les autres hommes ». Jud., xviii, 7. Mais ce furent précisément cette richesse et cet isolement qui causèrent leur perte : la première attira les Danites, le second priva de tout secours les trop confiants possesseurs de cette terre privilégiée. — Pour la description, on peut voir Robinson, Biblical Researches, t. iii, p. 390-393 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1831, t. i, p. 139-142 ; V. Guérin, Galilée, t. ii, p. 338-339 ; Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, dans Le Tour, du monde, t. xliv, p. 346-347 ; J. Macgregor, The Rob Roy on ihe Jordan, in-8°, Londres, 1869, p. 213-219. H. Histoire. — Dan paraît dès les premières pages de l’histoire sacrée, à propos delà victoire d’Abraham sur Chodorlahomor et ses alliés. Gen., xiv, 14. Mais s’agit-il bien ici de la cité biblique que nous venons de décrire ? Quelques-uns, comme Keil, Genesis, Leipzig, 1878, p. 175, le nient, parce qu’elle n’est sur aucune des deux routes qui, dé la vallée de Siddim ou du Jourdain, conduisaient à Damas, l’une passant par Fik et Naoua, l’autre par le Pont de Jacob. Et puis, ajoutent-ils, si les ennemis, au lieu de s’en retourner directement par Damas et Palmyre vers l’Euphrate, étaient remontés parle pays de Chanaan jusqu’aux sources du Jourdain, ils se seraient évidemment, une fois surpris et battus, plutôt enfuis vers Émath par la plaine de Cœlésyrie. Il y a encore, suivant d’autres, la difficulté d’expliquer, dans ce cas, la poursuite des fuyards jusqu’à Damas et Hobah. Le lieu où le patriarche atteignit les rois vainqueurs doit donc être cherché à l’est, du côté de Galaad, et n’est autre sans doute queDan-lVcmfVulgate : Dansilvestria), mentionné llReg., xxiv, 6. Voir Dan-¥aan. Cette opinion serait plausible si elle n’avait contre elle le témoignage formel de Josèphe, Ant. jud., i, x, 1, et de saint Jérôme, Hebr. Quxst. in Genesim, xiv, 14, t. xxiii, col. 961, qui placent la défaite de Chodorlahomor aux sources du Jourdain. Qui nous dit du reste que les Élamites, au lieu de reprendre le chemin direct de leur pays, ne cherchaient pas, en retournant de leur expédition, à faire des razzias comme en venant ? La fertile contrée de Laïs devait les attirer, et leur déroute s’explique très bien. « Surpris par Abraham, [ils] songent à échapper au carnage, non à se défendre. Dans la précipitation de leur fuite, ils se noient au milieu des marécages qui abondent dans ces régions, ou bien ils sont déchirés par les fourrés épineux du Baniasy. Ceux qui parviennent à se sauver traversent la vallée duYafoury, et, descendant dans la grande plaine par Beit Djenn, ils ne s’arrêtent dans leur course qu’à Hobah, à main gauche de Damas. » F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. i, p. 500. — Mais comment se faitil que la ville soit appelée Dan par l’auteur de la Genèse, alors que ce nom lui fut seulement imposé au moment de la Conquête des Danites ? Jud., xviiï, 29. On répond à cela que l’antique nom de Laïs ou Lésem a pu être plus tard remplacé dans