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DAMAS


alliés de Rasin. Il revint ensuite consommer la ruine de celui-ci, chef de la confédération, désormais isolé. Il lui fallut deux ans pour réduire complètement Damas. Après un long siège, elle succomba ; Rasin fut tué, et les habitants furent transportés à Kir. IV Reg., xvï, 9. Alors Achaz alla rendre hommage à son suzerain dans la ville conquise, et, ayant vu un autel païen, peut-être un de ceux que les rois d’Assyrie emportaient avec eux dans leurs expéditions pour y offrir leurs sacrifices, il en fit faire un semblable, qu’il établit dans la cour du Temple, à Jérusalem. IV Reg., xvï, 10-12.

/II. troisième période, décadence. — Combien de temps Damas resta-t-elle sous le coup de cette humiliation ? nous ne savons. Mais, une fois relevée, elle devait encore subir des jours mauvais. Elle reçut, comme les autres tributaires de l’Asie occidendale, les sommations de Nabuchodonosor (Assurbanipal), Judith, i, 7, et un jour Holopherne « descendit dans la plaine de Damas, aux jours de la moisson du froment, et il mit le feu à tous les champs, et il enleva les brebis et les bœufs, et il pilla leurs villes, il ravagea leurs campagnes, et il. fit passer tous les jeunes gens au fil de l’épée ». Judith, H, 27 (texte grec). La Vulgale, ii, 17, ajoute qu’  « il fit couper tous leurs arbres et leurs vignes ». Et d’autres épreuves l’attendaient dans la suite. De même qu’Isaïe avait autrefois annoncé qu’elle cesserait d’être une ville, qu’elle serait comme un monceau de pierres en ruines, perdant la royauté, comme Éphraïm perdrait tout appui, Is., xvii, 1, 3, ainsi Jérémie la contemplait plus tard en proie à une indicible douleur, xlix, 23-27. Quand et comment s’accomplirent ces prédictions ? Aucun monument ne l’indique. On peut croire cependant que les Chaldéens furent pour elle ce qu’avaient été les Assyriens. Ézéchiel néanmoins nous la montre, XXVil, 18, faisant avec Tyr un important commerce de « vin d’Helbon » ^d’après l’hébreu ; voir Helbon) et de « laines d’une couleur exquise ». Le même prophète la cite plusieurs fois dans sa description des nouvelles limites de la Terre Sainte, xlvii, 16, 17, 18 ; xlviii, 1. Enfin une parole de Zacharie, IX, 1, nous fait voir que la colère divine n’était pas encore apaisée à cette époque et pesait toujours sur la ville.

Damas va maintenant suivre les vicissitudes des différents empires qui se succéderont en Asie. Après une éclipse momentanée, elle reprit une place brillante, et Strabon, xvï, p. 756, trad. franc., Paris, 1805-1819, t. v, p. 219, nous dit qu’elle était une des villes les plus remarquables de la Syrie au temps de la domination des Perses. Avant la bataille d’Issus, Darius y envoya, pour plus de sécurité, une bonne partie du trésor royal. Après cette bataille (333 avant J.-C.), la Syrie tomba tout entière au pouvoir d’Alexandre, et Damas fut livrée à Parménion. A l’époque des Séleucides, Antioche seule lui disputa le premier rang. C’est pendant les démêlés qui agitaient le trône de Syrie que Jonathas put pousser ses expéditions jusqu’à la Damascène. I Mach., xi, 62 ; xii, 32. Vers l’an 112 avant J.-C, la grande cité devint la capitale du roi Anliochus IX Cyzizène, dont les possessions comprenaient la Phénicie et la Cœlésyrie. Voir Cœlésyrie, col. 820. Ensuite Démétrius Eucoerus, le quatrième fils de Gryphus, avec l’aide de l’Egypte se fit reconnaître roi de Damas, et, l’an 88, appelé par les Juifs, il envahit la Palestine et défit Alexandre Jannée à Sichem. Josèphe, Ant. jud., XIII, xiii, 4 ; xi’v, 1. Renversé à son tour par son frère Philippe, allié des Parthes, il mourut en captivité. Josèphe, Ant. jud., XIII, xiv, 3. Son autre frère, Anliochus XII Dionysus, régna en Syrie pendant trois ans ; mais il périt dans une bataille contre Arétas III Philhellène, roi des Arabes (85), qui devint roi de Damas. Josèphe, Ant. jud., XIII, xv, 1, 2. Plus tard, la ville tomba aux mains de Tigrane, roi d’Arménie, et fut ensuite conquise par le général romain Métellus. Josèphe, Ant. jud., XIV, ii, 3. Pompée y reçut, l’an 61, les am bassadeurs et les présents des princes voisins, et, en 65, la Syrie fut réduite en province romaine. Josèphe, Ant. jud., XIV, iii, 1. C’est là que le jeune Hérode rendit visite au proconsul Sexfus César et obtint de lui le territoire de la Béqà’a, entre le Liban et l’AntiLiban. Bien que Damas ne fit point partie de son royaume, il y fit néanmoins construire un théâtre et un gymnase. Josèphe, Bell, jud., i, xxi, II.

Damas subit naturellement l’influence de la civilisation gréco-romaine, qui dut y jeter des racines plus profondes que chez les Juifs, opposés à toute innovation païenne. Ceux-ci y formaient toutefois une importante colonie, comme le montre l’histoire de saint Paul. Si, en effet, la brillante cité est célèbre dans l’Ancien Testament, elle l’est aussi dans le Nouveau par la conversion et la première prédication du grand Apôtre. Elle était à ce moment gouvernée par Arétas IV Philodème, roi des Arabes, qui y avait établi un ethnarque pour l’administrer. Les Nabatéens avaient étendu jusque-là leur royaume. Voir Arétas 2, t. i, col. 943. La communauté juive y avait alors une grande puissance. D’après Josèphe, Bell, jud., II, xx, 2, on comptait parmi les Israélites qui l’habitaient dix mille hommes en état de porter les armes, ce qui suppose une population totale de cinquante mille Juifs environ. Leur influence était telle, qu’ils avaient attiré presque toutes les femmes au culte de Jéhovah. Josèphe, Ant. jud., XVIII, v, 1, 3. C’est donc dans des vues politiques, pour gagner le corps le plus considérable de la cité, qu’Arétas lui avait octroyé les libertés dont jouissait Israël dans tout l’empire romain, lui attribuant une véritable autonomie, des tribunaux qui décidaient des questions religieuses et possédaient la puissance coercitive, tout en relevant de Jérusalem. C’est ce que nous montrent les instructions dont se munit saint Paul pour les synagogues de Damas, Act., ix, 2 ; xxii, 5 ; il savait aussi qu’au besoin les officiers d’Arétas lui prêteraient main-forte : il devait lui-même en faire plus tard l’expérience au péril de sa vie. On sait comment le lion fut changé en agneau, « comme il approchait de Damas. » Act., ix, 3 ; xxii, 6 ; xxvi, 12. Pour le lieu probable de cette conversion, cf. V. Guérin, La Terre Sainte, t. i, p. 409. Introduit dans la ville, et logé chez Jude, dans la rue Droite, Act., ix, 11 ; xxii, 10, 11, il y reçut le baptême des mains d’Ananie, puis se mit à prêcher Jésus-Christ, confondant les Juifs par la force et l’éclat de sa parole. Act., ix, 8-22 ; xxvi, 20. Exposé à leur haine et à de pressants dangers, appelé d’ailleurs à la solitude par la voix du divin Maître, il quitta Damas et se retira en Arabie. Mais il revint ensuite, Gal., i, 17, et parut de nouveau dans les synagogues, pour y annoncer la doctrine du Sauveur. Aux arguments irréfutables de leur ancien coreligionnaire, les Juifs répondirent par la violence, et cherchèrent par toute sorte d’embûches à mettre à mort le vaincu de Jésus, qui devenait leur vainqueur. Pour s’en emparer sûrement, ils tirent garder nuit et jour les portes de la ville, Act., IX, 24, aidés dans leurs poursuites par l’ethnarque d’Arétas. II Cor., xi, 32. C’est alors que les disciples de l’Apôtre « le prirent et, durant la nuit, le descendirent dans une corbeille, par une fenêtre, le long de la muraille ». Act., ix, 25. Malgré cela, le christianisme ne tarda pas à faire des progrès à Damas, qui fut plus tard le siège d’un évêché, le second du patriarcat d’Antioche. Mais là s’arrête pour nous l’histoire de la ville.

Nous avons vii, en parcourant Damas, les souvenirs qui restent de l’époque grécoromaine, les plus anciens constatés jusqu’ici ; car l’étude archéologique de la ville est encore à faire. Les traditions relatives à saint Paul s’y sont maintenues, malheureusement avec un caractère d’authenticité que nous aimerions à voir mieux affermi, en ce qui concerne la détermination des lieux historiques. Nous avons un assez grand nombre de monnaies de Damas, autonomes ou non, avec ou sans date. Il y en a