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DAMAS


pour renfermer la tête du saint Précurseur. Trois hauts minarets dominent la mosquée : celui de « la Fiancée » au nord, celui de « Jésus » à Test, et celui qui est appelé « de l’ouest ». Ce monument occupe évidemment l’emplacement d’un ancien temple païen, primitivement peut-être, dédié à Rimmon, la principale divinité de Damas (IV Reg., v, 18), et plus tard, à l’époque grécoromaine, à Jupiter. Ce temple était, comme celui de Palmyre, entouré de magnifiques colonnades, dont une partie se voit dans la cour actuelle de la mosquée, et dont l’autre, incrustée dans les constructions modernes, se retrouve dans le bazar des cordonniers et celui des orfèvres. A l’est et à l’ouest s’élevaient deux entrées triomphales. Celle de l’ouest forme une des plus belles ruines de Damas (voir fig. 467). Quatre énormes colonnes, dont les fûts seuls sont visibles, sont ornées de ravissants chapiteaux corinthiens. Elles supportaient un arc magnifique, dont il reste encore une portion considérable. La frise et la corniche sont finement sculptées. Ce monument avait environ 25 mètres de large sur 20 de hauteur : il se rattachait au temple par une double colonnade d’environ 60 mètres de longueur. Le sanctuaire païen fut transformé en église chrétienne, sous le vocable de saint Jean-Baptiste : une inscription grecque, découverte près de la porte orientale de la grande cour, nous apprend que « l’église du bienheureux saint Jean-Baptiste fut restaurée par Arcadius, fils de Théodose » (395-408). Lors de la prise de la ville par les Sarrasins, elle fut partagée entre les chrétiens et les musulmans ; mais ceux-ci l’occupèrent totalement en 705. Cependant, sur ces murailles profanées par l’islamisme, le nom du Christ vainqueur est toujours resté gravé dans une belle inscription grecque, qui porte : « Ta royauté, ô Christ, est une royauté qui embrasse tous les siècles, et ta domination s’étend de génération en génération. »

6. Population et commerce. — Damas n’a point, comme le Caire ou Constantinople, de grandes places ni de larges promenades ; mais elle a pour nous un attrait que ne présentent pas, du moins au même degré, ces deux villes, c’est qu’elle a gardé presque sans mélange le caractère complètement oriental. Il y a dans sa physionomie quelque chose de la grandeur sauvage et mystérieuse des déserts qui l’entourent. Sa population, loin d’offrir, comme beaucoup d’autres cités de la Syrie, la variété des types et le mélange des races, a conservé dans la beauté et la fierté de ses traits la pureté du sang arabe. Elle passe cependant pour avoir assez mauvais caractère, s’il faut en croire le proverbe arabe : Schâmi schoûmi, « Dainasquin, coquin. » Son fanatisme cruel ne s’est que trop révélé dans les massacres de 1860. Si elle laisse maintenant plus de liberté aux étrangers, ceux-ci n’en doivent pas moins montrer une très grande prudence.

Damas, avec ses 120000 habitants (d’après la statistique officielle de 1888 ; mais ce chiffre n’a qu’une valeur approximative), fait un commerce considérable et n’est qu’un vaste entrepôt pour les produits de l’Orient. Admirablement située au.carrefour des grandes routes qui mènent de l’Euphrate à la Palestine, du Hauran à la grande plaine de Cœlésyrie et aux côtes méditerranéennes, elle est le rendez - vous de toutes les caravanes qui sillonnent ces chemins. Les Bédouins des contrées les plus éloignées y apportent leurs marchandises et s’y approvisionnent de tout ce qui leur est nécessaire. Aussi une des principales curiosités de la ville, ce sont ses bazars, qui forment tout un immense quartier. Le long de ces rues couvertes, entrecoupées de cours bien éclairées, s’ouvrent de petites échoppes assez étroites ; mais dans tous ces quartiers distincts sont entassés les objets les plus variés, depuis les vieilles armes, les porcelaines précieuses, les pièces d’orfèvrerie, jusqu’aux manteaux, sandales ou, matières de première nécessité. Rien de plus pittoresque que de voir la foule bigarrée qui se presse, crie, gesticule dans ce dédale de ruelles, au milieu des quelles passent chameaux et ânes chargés. Damas fabrique beaucoup de soieries et d’étoffes pour abayéh (sorte de manteau), pour kouffiéh (voile dont les Arabes se couvrent la tête pour la protéger contre les ardeurs du soleil). Elle est maintenant reliée aux riches plaines du Hauran par un tramway ; une route carrossable et un chemin de fer la mettent en communication avec Beyrout. De nombreuses caravanes établissent ses rapports avec Bagdad, Alep, Tripoli et Saint-Jean-d’Acre.

III. Histoire. — L’admirable site qu’occupe Damas est, on le voit, un de ceux qui semblent avoir été de tout temps destinés à l’emplacement d’une grande ville. Aussi celle qu’on a appelée « la perle » ou « l’œil de l’Orient a peut-elle être rangée parmi les plus antiques cités du monde. Son origine et sa puissance n’égalent point celles des grandes capitales des bords du Nil et de l’Euphrate ; mais elle a sur elles l’avantage d’avoir, presque sans éclipse, gardé sa splendeur jusqu’à nos jours. Babylone et Ninive, longtemps même ignorées, ne sont plus que des collines pleines de débris ; Memphis est devenue un champ de palmiers, et Thèbes n’est plus qu’un splendide amas de ruines : Damas est toujours là vivante et gracieuse, dominant en reine, au moins par ses richesses et son commerce, les pays qui l’asservirent autrefois. C’est un exemple assez rare dans les annales de l’humanité.

I. psemièbe période. — 1° Origines. — Nous ne savons rien de précis sur l’origine de cette ville. D’après Josèphe, Ant. jud., i, vi, 4, elle aurait été fondée par Us, Oî<toç, fils d’Aram et petit-fils de Sem. Elle apparaît pour la première fois dans la Bible avec Abraham. Gen., xiv, 15 ; xv, 2. Placée sur la route de Mésopotamie en Palestine, elle vit passer la caravane du grand patriarche descendant de Haran sur les rives du Jourdain. Suivant une tradition locale, rapportée par Nicolas de Damas dans Josèphe, Ant. jud., 1, vii, 2, Abraham y aurait même fait séjour et en aurait été roi. Des souvenirs plus ou moins authentiques désignaient encore, au temps de l’historien juif, Ant. jud., i, vii, 2, près dé Damas, l’emplacement de son habitation. Le texte sacré n’a pas expressément mentionné cette station de l’élu de Dieu, mais en nous montrant la ville comme la patrie d’Éliézer, son serviteur de confiance, Gen, , xv, 2, il indique bien que, si celui-ci n’est pas’le trophée d’une victoire sur les habitants, il est au moins la preuve d’un séjour au milieu d’eux. Cf. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. i, p. 452. Plus tard, le saint patriarche poursuivit avec sa petite troupe, jusqu’au nord de Damas, Chodorlahomor et ses alliés vaincus, qui suivaient en sens inverse la route de Mésopotamie, par lui parcourue pour venir en Palestine. — D’Abraham à David, l’Écriture ne nous dit absolument rien, et les monuments anciens très peu de chose, sur Damas. « Si le nom que les inscriptions cunéiformes donnent à Damas et au pays de Damas, Gar - ImiriSu, ImiriSu, ImiriM, signifie réellement ta forteresse des Amorrhéens (Sayce, dans The Academy, 1881, p. 161 ; Hommel, Die Semitischen Vôlker und Sprachen, p. 178 ; F. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. ii, p. 288, 338), on y trouverait la preuve que ce peuple possédait réellement la Syrie Damascène : elle leur aurait été enlevée par les Hittites, d’après Hommel vers le xxe siècle avant notre ère, selon Lenormant tout à la fin de la XVIIIe dynastie. Si, d’autre part, le nom a été lu réellement par les Assyriens Saimiri-Su, de manière à signifier ta ville de ses ânes (Haupt, Der keilschriftliche Name des Reiches von Damaskus, dans la Zeitschrifl fur Assyriologie, t. ii, p. 321-322), ce serait par un jeu de mots purement assyrien, qui ne préjugerait rien sur la valeur primitive du nom. » G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1897, t. ii, p. 140, note 3. Soumise par Thoutmès III, elle reconnut la suzeraineté de l’Egypte, et son nom, comme nous l’avons dit plus haut,