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DALILA — DALMANUTHA

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Le livre des Juges ne nous apprend rien touchant la nationalité de Dalila et sa condition sociale. Sur le premier point il se contente de dire qu’elle « habitait la vallée de Sorec », Jud., xvi, 4 ; or nous ignorons si cette vallée faisait alors partie du territoire des Philistins ou de celui des Hébreux. Cependant le sentiment presque général est que Dalila était Philistine, et tout, dans le récit, semble l’insinuer : la démarche des serânim, la facilité avec laquelle leur proposition est accueillie, l’espèce de mépris et de haine que cette femme montre au dernier moment pour Samson, Jud., xvi, 19 ; les antécédents de celui-ci, Jud., xiv, 1 ; xvi, 1, le silence de l’Écriture, qui serait assez surprenant, s’il s’agissait d’une Israélite.

En ce qui touche la condition sociale de Dalila, quelques Pères, entre autres saint Chrysostome, Homil. xvii, ex variis in Matth., dans Cornélius a Lapide, In Jud., Paris, 1859, t. iii, p. 210, et saint Éphrem, Adversus improbas tnulieres, Anvers, 1619, in-f°, p. 103, ont pensé qu’elle était l’épouse de Samson. Leur sentiment a sans doute sa raison dans leur respect pour la mémoire d’un juge d’Israël. Mais une mission divine et les dons gratuits dont Dieu l’accompagne ne garantissent pas la vertu de l’homme qui reçoit cette mission et ne le rendent pas impeccable. Cf. I Cor., xiii, 1-2. La plupart des interprètes regardent Dalila comme une courtisane. C’est du reste l’idée qu’éveille d’abord dans l’esprit la manière dont l’Écriture parle de ses rapports avec Samson, Jud., xvi, 4 a ; et c’est l’impression que laisse au lecteur l’ensemble du récit comme les divers détails de la conduite de la Philistine. — Il n’est pas vraisemblable, d’autre part, que les chefs philistins aient proposé avec tant de confiance à une femme mariée de trahir son mari et de le vendre à ses ennemis, ni que celle-ci ait accepté si facilement un pareil marché ; Il ne serait guère moins invraisemblable que Dalila eût pu, à plusieurs reprises, faire entrer un certain nombre de Philistins dans une maison dont Samson aurait été le maître sans qu’il s’en aperçût ou qu’il en fût averti de quelque manière. Enfin comment expliquer que Samson n’eût pas emmené dans sa patrie une femme dont il aurait fait son épouse ? Cf. Jud., xiv, 8, où le mot « prendre sa femme » doit s’entendre dans le sens de la prendre pour la ramener. Josèphe, Ant. jud., V, viii, 11, partage l’opinion commune.

E. Palis.

    1. DALMANUTHA##

DALMANUTHA (AaX^ocvouQâ) n’est mentionné qu’une seule fois dans les Écritures. Nous lisons dans saint Marc, viii, 10, qu’après la seconde multiplication des pains, Matth., xv, 32-38 ; Marc, viii, 1-9, Notre-Seigneur « entra dans la barque et vint dans la région de Dalmanutha », où il eut une discussion avec des pharisiens, qui lui demandèrent un signe du ciel. Matth., xvi, 1-4 ; Marc, vin, Il et suiv. Le texte parallèle de saint Matthieu remplace « la contrée de Dalmanutha » par celle « de Magadan »,

— nom qui s’est glissé aussi dans quelques manuscrits grecs et deux versions de saint Marc (l’ancienne version latine et la version syro-sinaïtique). Malheureusement la leçon de saint Matthieu est plus ou moins douteuse. On lit Magdal, Magdala ou Magdalan dans bon nombre de manuscrits onciaux et dans les versions copte, arménienne, syro-sinaïtique, peschito et éthiopienne, auxquelles il faut ajouter des manuscrits minuscules et les versions copte et gothique de saint Marc. Quoique les critiques s’accordent à préférer la leçon Magadan, les exégètes sont plutôt d’accord avec le correcteur ancien qui l’a changée en Magdala, — en ce sens que tout en lisant Magadan ils voient dans ce nom une forme plus ou moins corrompue de Magdala, aujourd’hui El-Medjdel, au nord de Tibériade, à l’entrée méridionale de la plaine de Génésareth ou du Guweir actuel. Aussi a-t-on fait l’impos.sible pour retrouver dans ces environs quelques traces de Dalmanutha. Les diverses hypothèses énoncées à ce sujet nous semblent tout à fait dénuées de

fondement. Celle de Lightfoot, Decas chorogr. in Marcum, v, 2, dans Ugolini, Thésaurus antiq. sacr., t. v, col. 1054, qui confond Dalmanutha avec un $almôn talmudique, ne donne aucune lumière, le site de ce dernier étant parfaitement inconnu. Voir Neubauer, La géographie du Talmud, p. 275. — Le rabbin Schwarz, dans Das heilige Land, Francfort, 1852, p. 150, prétend avoir trouvé un « document » juif, d’âge inconnu, où il était dit que Magdala lui-même portait le nom de Telîmân. Cf. Sepp, Jérusalem und das heilige Land, Schaffhausen, 1853, t. ii, p. 166. Mais l’existence simultanée de deux noms sémitiques pour le même endroit est invraisemblable, et la ressemblance entre les noms Telîmân et Dalmanutha est loin de prouver leur identité. — Sepp, Jérusalem, p. 165-167, ?. commencé par vouloir retrouver, sans aucune preuve, Dalmanutha dans le Qal’at Ibn Ma’an, « château du fils de Ma’an, » grandes cavernes dans les montagnes à l’ouest de Medjdel. Voir Arbèle, t. i, col. 884-886. Dans un opuscule récent, Kritische Beitrâge zum Leben Jesu und zur neutestamentlichen Topographie Palâstinas, p. 31-35, 142, le savant bavarois ne mentionne même plus son opinion antérieure, et transporte Dalmanutha au bord du lac, à l’endroit appelé aujourd’hui’Ain el-Fûlîyéh, à environ trois quarts d’heure au nord de Tibériade. Mais les quatre pages d’une érudition variée qu’il a consacrées à ce sujet n’offrent guère que des combinaisons fausses ou du moins arbitraires et invraisemblables, comme la correction arbitraire de AaX(ji.avou6à en AaXjiioùvTï, accusatif supposé, mais inadmissible dans le contexte, de AaXjjuxoO ; , et l’identification de celui-ci avec le Beth-Mâ’ôn de Josèphe, Vita, 12, et du Talmud, Jer.’Erûbin, , 22 b ; cf. Neubauer, Géographie, p. 218, qui de fait n’était qu’à quatre stades (à l’ouest) de Tibériade, et qui porte encore le nom de Tell Ma’ûn. — Enfin le docteur Furrer, Die Ortschaften aniSee Genezareth, dans la Zeitschrift des deutschen Palâstina-Vereins, t. ii, p. 58-63, a cherché Dalmanutha dans la Khirbet Minyéh, située dans la partie septentrionale de la plaine de Génésareth, et identifiée par les uns avec Bethsaïde de Galilée (voir Bethsaïde, t. i, col. 1718-1721), par les autres avec Capharnaùm. Voir Capharnaùm, col. 201-210. Il pensait que le nom de Dalmanutha avait pu être abrégé en Manûtâ ou Menôlô et arabisé ensuite en Minyéh. Cette opinion a été réfutée solidement par Gildemeister, dans un article intitulé Der Name Chân Minje, dans la même revue, t. iv, p. 194-199. Minyéh ou plutôt, selon la prononciation ancienne, Munyéh, ne saurait s’expliquer d’après les lois phonétiques comme dérivé de l’araméen Manûtâ ou Menôtô. C’est un mot arabe, signifiant une « maison de campagne », un « hameau », une « ferme », et très répandu dans tous les pays de langue arabe, quoique dérivant (parole copte) du grec [iovV ; , « habitation. » La Minyéh qui nous occupe ici est appelée par Qazouini : Munyet Hisâm, « la maison de campagne de Hisam, d probablement d’après le khalife Ommayade de ce nom (723-742 après J. -C), qui bâtit plusieurs maisons de campagne.

— Toutes les opinions que nous venons d’énumérer se heurtent du reste au fait connu, que nos deux évangélistes, Matth., xiv, 34 ; Marc, VI, 53, désignent les environs de Magdala sous le nom de « pays de Génésareth ». Pour plus de détails, voir Notes de géographie biblique, dans la Revue biblique, janvier 1897, p. 93-99. — Le pays de Dalmanutha ou de Magadan doit être la partie septentrionale de la vallée du Jourdain, au delà de ce fleuve : le premier nom étant conservé dans EdDelhamiyéh ou peut-être EdDelhamiyéh (voir Survey of Western Palestine, Name lists, p. 160, 164), le second dans Mâ’ad. Voir Schumacher, Pella, p. 73, 75. Ces deux localités, peu connues jusqu’ici, sont marquées sur le Old and New Testament Map d’Armstrong. Le premier y est à environ sept kilomètres de la pointe méridionale du lac, vis-à-vis du point où, sur la rive droite, le ruisseau de VOuâdî Walhàn se jette dans le Jourdain. Aussi h